Assurant avoir été interdite d’accès à une conférence organisée par des militants propalestiniens, une étudiante juive de 19 ans s’estime victime d’antisémitisme et compte porter l’affaire devant les tribunaux.
C’est une jeune fille que ses proches disent « traumatisée ». Trois jours après l’occupation de l’amphithéâtre de Sciences Po Paris par des militants propalestiniens, l’étudiante qui aurait été prise à partie et interdite d’accès est en arrêt maladie pour deux semaines. « Elle a peur de revenir sur le campus », explique l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Assistés par maître Sacha Ghozlan, l’UEJF et Rachel*, 19 ans, annoncent à « l’Obs » leur intention de porter plainte, lundi 18 mars, pour provocation à la haine raciale et à la discrimination. « Pointer du doigt des étudiants juifs par leur essentialisation à l’Etat d’Israël est une forme d’antisémitisme », estime Samuel Lejoyeux, président de l’UEJF.
Mercredi 13 mars, la direction a saisi le procureur de la République sur la base de l’article 40 du Code de procédure pénale, pour dénoncer des faits à caractère antisémite. Elle a également ouvert une enquête administrative pour faire toute la lumière sur ce qu’il s’était vraiment passé la veille, en marge et lors des débats dans l’amphithéâtre Boutmy.
Il est environ 8 heures, mardi 12 mars, quand une cinquantaine d’étudiants investissent les lieux pour organiser des échanges sur la situation à Gaza et sensibiliser les jeunes sur le « génocide » ayant lieu en Palestine. L’amphi est vide faute de cours, et celui prévu de 10 heures à midi n’a pas pu se tenir. A partir de là, les versions divergent, signe du climat éruptif qui règne depuis des mois sur le campus parisien où le conflit israélo-palestinien fracture les étudiants en deux camps.
« Où sont les preuves ? »
Ce jour-là, Rachel se présente à l’entrée. Militante à l’UEJF, la jeune fille est « ouvertement juive » selon les termes de Samuel Lejoyeux car très investie dans la défense de sa communauté. Plusieurs jeunes qui l’ont tout de suite identifiée l’auraient arrêtée : « Toi, tu rentres pas. » Face à ce barrage filtrant, la vie scolaire se serait interposée et aurait ouvert les portes, permettant à des dizaines d’élèves de pénétrer dans les lieux parés de drapeaux palestiniens. Selon des propos rapportés à la jeune fille, des participants auraient lancé : « La laissez pas rentrer, c’est une sioniste ! » Au micro, selon certains jeunes, les organisateurs de cette occupation auraient prévenu : « Attention, il y a l’UEJF dans la salle ! »
Ces derniers récusent néanmoins tout propos ou attitude discriminatoire. « Nous nous retrouvons une fois de plus injustement visés par des allégations infondées d’antisémitisme de la part de l’extrême droite (…). Aucun incident de ce type ne s’est produit, aucun étudiant n’a été empêché d’entrer dans l’amphithéâtre en raison de son appartenance religieuse », écrit dans un communiqué, publié le 12 mars, le Comité Palestine Sciences Po, à l’origine de l’occupation. Le collectif pointe le comportement de la jeune fille, l’accusant d’avoir par le passé filmé et posté des vidéos sur les réseaux sociaux de certains militants, les exposant à un risque de cyberharcèlement. « Où sont les preuves ? rétorque Samuel Lejoyeux. Les accusations de mensonge font aussi partie du problème, en ce qu’elles justifieraient de s’en prendre à une étudiante juive. »
Pépinière de la classe politique, l’institution de la rue Saint-Guillaume, qui n’a plus de directeur depuis la démission de Mathias Vicherat le même jour, à la suite d’accusations de violences conjugales, subit l’une de ses plus graves tempêtes. Les promos d’élèves, elles, peinent à penser aux examens qui approchent et redoutent que la valeur de leur diplôme pâtisse de cette crise qui inquiète jusqu’au sommet de l’Etat. A tel point que le président de la République a évoqué l’affaire en conseil des ministres le lendemain des faits et que le Premier ministre Gabriel Attal s’est invité à une réunion du conseil d’administration de l’établissement.
*Le prénom a été changé