Des milliers de manifestants se sont réunis à Tel Aviv pour exiger que le gouvernement israélien mette fin à l’exemption de service militaire des jeunes ultra-orthodoxes, alors que l’armée manque de soldats depuis le début de la guerre à Gaza.
« Partagez le fardeau » : ce slogan repris en choeur jeudi soir par des milliers de manifestants à Tel Aviv résume à lui seul le profond sentiment d’injustice de la grande majorité des Israéliens. Malgré la guerre dans la bande de Gaza, un record de 66.000 jeunes ultra-orthodoxes juifs ont été exemptés sur un an du service militaire obligatoire pour les hommes (32 mois) et les femmes (24 mois). Cette communauté regroupe 12 % de la population israélienne.
En parallèle, près de 300.000 Israéliens ont dû quitter du jour au lendemain leur travail et leur foyer pour effectuer des périodes de réserves, dont certaines de plusieurs mois. 249 militaires ont été tués et près de 1.500 blessés lors d’opérations dans la bande de Gaza.
Manque de soldats
« Il n’y a aucune raison pour que mon fiancé à Gaza risque sa vie à chaque moment, alors que les Harédim (NDLR, les craignants Dieu en Hébreu) refusent de porter l’uniforme pour protéger le pays », s’indigne Aya Cohen, une jeune physiothérapeute de Tel Aviv, qui a elle-même effectué son service militaire quelques années auparavant. Comme elle, de plus en plus d’Israéliens expriment leur colère. La pression vient également de Tsahal, qui affirme manquer de soldats pour des unités déployées sur plusieurs fronts dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et aux frontières du Liban et de la Syrie .
Au pied du mur
Benyamin Netanyahou a repoussé à plusieurs reprises l’échéance mais il est au pied du mur. Ce dossier pourrait faire imploser le gouvernement. Sans le soutien des partis ultra-orthodoxes hostiles au moindre changement, Benyamin Netanyahou sera privé de majorité.
L’enjeu est tel que le Grand Rabbin sépharade (juifs orientaux) Yitzhak Yossef a fait savoir que si les jeunes ultra-orthodoxes étaient contraints de faire leur service militaire, « ils partiront à l’étranger. Il n’est pas question que cela arrive ». Ces déclarations ont provoqué un énorme scandale dans les médias, mais aussi parmi les religieux nationalistes, qui forment le gros des colons installés en Cisjordanie . Militaristes convaincus, ils sont de plus en plus nombreux parmi les officiers et ont remplacé les membres de kibboutz, ces villages collectivistes laïcs qui ont longtemps formé l’ossature de Tsahal.
« Sauver le peuple juif »
Les rabbins ultra-orthodoxes, eux, refusent que leurs ouailles quittent leur communauté pour endosser l’uniforme au côté de laïcs. Selon eux, les études religieuses ont seules permis de sauver le peuple juif. Comme l’explique Haïm Lévy, étudiant d’un séminaire talmudique dans une localité ultra-orthodoxe de la banlieue de Tel Aviv, « la Torah nous a préservés pendant les millénaires et nous a permis de surmonter toutes les souffrances que nous avons endurées. C’est grâce à elle que nous avons survécu et que nous sommes retournés sur notre terre ». Pour les laïcs, cet argument est irrecevable. » Que deviendraient-ils si nous n’étions pas là pour les protéger ? », s’indigne Aya Cohen.
Selon les commentateurs, malgré les années-lumière qui semblent séparer ces deux mondes, Benyamin Netanyahou va tenter de trouver un compromis qui contraindrait les ultra-orthodoxes à aller à l’armée, mais en prévoyant toute une série d’échappatoires acceptables par les rabbins. La question est de savoir si les laïcs accepteront un tel arrangement, surtout si la guerre dans la bande de Gaza se poursuit pendant des mois voire des années, comme l’a laissé entendre le Premier ministre.
Pascal Brunel (Correspondant à Tel Aviv)