Israël tente de mobiliser des chefs de clans traditionnels, qui rassemblent les grandes familles de la bande de Gaza, pour se substituer au Hamas et prendre notamment en charge la distribution de l’aide humanitaire.
Israël a lancé une opération de recrutement de Palestiniens membres de clans de la bande de Gaza pour combler le vide créé par la guerre. Le Hamas au pouvoir depuis 2007 dans cette enclave est déstabilisé après avoir encaissé des coups très durs de la part de l’armée israélienne, qui affirme avoir tué « 10.000 terroristes » depuis le 7 octobre en réponse aux massacres commis par des islamistes dans le sud d’Israël. L’appareil militaire islamiste n’est apparemment plus que l’ombre de lui-même.
Mais personne n’a pour le moment remplacé le Hamas pour la gestion de la vie quotidienne des 2,3 millions de Palestiniens. Une réponse urgente s’impose surtout pour l’acheminement de l’aide humanitaire dans une enclave où un quart de la population, selon l’ONU, souffre de malnutrition .
Menace de mort
La réponse risque de tarder. Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, ne veut à aucun prix que l’Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas , puisse prendre le relais du pouvoir dans la bande de Gaza. Il mise sur les clans formés par des alliances de grandes familles palestiniennes. L’armée israélienne a ainsi tenté ces dernières semaines de convaincre certains chefs de ces clans d’assurer la livraison de l’aide humanitaire acheminée par camions afin d’éviter un drame comme celui du 29 février, lorsque 115 Palestiniens affamés ont été tués dans le nord de la bande de Gaza après avoir pris d’assaut un convoi. Pour le moment, cette tentative de rapprochement tarde à donner des résultats.
Les chefs d’une douzaine de clans, dont certains regroupent 15.000 à 20.000 membres, ont refusé l’offre à la suite d’un calcul très simple. Ils estiment que le surcroît de pouvoir dont ils pourraient bénéficier en assurant la distribution de l’aide, puis, après la guerre, les tâches de police, ainsi que l’administration de la santé, de l’éducation risquerait de leur coûter très cher. La branche militaire du Hamas a en effet publié la semaine dernière un communiqué menaçant de mort tous ceux « qui accepteraient de collaborer avec l’occupant [Israël, NDLR] ». L’Autorité palestinienne a également lancé une mise en garde contre toute alliance tactique entre les clans et Israël.
Guerre civile
Mahmoud Abbas rêve de reprendre le pouvoir dans la bande de Gaza que son parti, le Fatah, a exercé jusqu’à ce que le Hamas l’expulse en 2007 de cette région à l’issue d’une guerre civile sanglante entre les deux principaux mouvements palestiniens. Les Etats-Unis soutiennent l’option Mahmoud Abbas. Mais le président de l’Autorité palestinienne ne peut pas se permettre de donner l’impression de faire son retour à Gaza avec le soutien des chars israéliens.
De plus, Benyamin Netanyahou a mis son veto au projet d’une Autorité palestinienne contrôlant à la fois une partie de la Cisjordanie et la bande de Gaza. Une telle entité ne manquerait pas de préfigurer la création d’un Etat palestinien, soutenue par les Américains et les Européens, dont il ne veut en aucun cas entendre parler.
Comme alternative, le Premier ministre a présenté récemment sa vision de l’après-guerre . Selon lui, l’administration de la bande de Gaza devra être gérée par des Palestiniens « locaux » à condition « qu’ils ne soient pas affiliés à des organisations terroristes ou financés par des pays hostiles » à Israël.
Liberté d’action
Les questions de sécurité devront continuer, selon lui, à être du seul ressort de Tsahal, qui aura toute liberté d’action. Les médias israéliens ont d’ores et déjà fait état d’un débat entre responsables militaires et politiques sur la question de savoir si des armes légères pourraient être distribuées à des Palestiniens jugés « acceptables » pour effectuer des missions de police.
Miser sur les clans suscite toutefois un profond scepticisme parmi la plupart des commentateurs militaires et des experts. Ils estiment que l’influence des clans est surtout locale. « Israël peut passer des accords limités avec des clans. Mais ils ne pourront pas se substituer au Hamas à l’échelle de l’ensemble de la bande de Gaza », estime Dror Zeev, un universitaire israélien spécialiste du Moyen-Orient. Et de prédire : bon gré mal gré, « Israël devra choisir entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, car entre les deux, il n’y a rien. »
Par Pascal Brunel