Rarement l’annonce du décès d’un artiste aura autant uni les différentes générations d’amateurs de jeux vidéo, de manga et d’animation. Akira Toriyama est décédé le 1er mars 2024 des suites d’un hématome sous-dural aigu. Marié et père de deux enfants, le natif de Nagoya était âgé de 68 ans.
« Akira Toriyama est mort ». Le genre de sentence qui parait irréelle tant le personnage était à la fois proche et distant de nous tous. Proche, parce qu’il n’existe aucune génération depuis les années 80 ayant échappé à l’influence de ses œuvres et plus spécialement de Dragon Ball. Distant, parce que l’héritage d’Akira Toriyama était aussi omniprésent dans la culture populaire que sa parole était rare, tout comme ses apparitions et ses opinions. Partout et nulle part, Akira Toriyama était un ami intime que l’on ne connaissait pas.
Légende des années 80 et 90, Dragon Ball a connu une regain de popularité au milieu des années 2010 avec Dragon Ball Super dont Akira Toriyama était essentiellement superviseur. Dessinateur hors pair imité depuis des décennies, il est une figure encore plus incontournable au Japon pour sa participation à la saga Dragon Quest (illustration, création des monstres et des personnages) depuis le tout premier épisode de 1986. Chrono Trigger (1995), Tobal n°1 (1996) et Blue Dragon (2006) ont également bénéficié de ses talents de character designer. Créateur de Dragon Quest, Yûji Horii fait partie des personnalités ayant rendu hommage à l’artiste.
Yuji Horii (Dragon Quest creator) on Akira Toriyama’s death: https://t.co/JO47czK8qI pic.twitter.com/00Qso9uHPZ
— Gematsu (@gematsu) March 8, 2024
Ses autres œuvres incluent le manga Dr. Slump, publié de 1980 à 1984, et un certain nombre d’histoires courtes souvent restées dans l’ombre de son magnum opus Dragon Ball. C’est le cas de Sand Land, histoire tenant sur un seul volume sorti en 2000 que Bandai Namco a remis en lumière avec une adaptation en film d’animation, en attendant l’action-RPG qui sortira le mois prochain sur consoles et PC. Outre la touche d’action, d’humour et d’aventure commune à ses créations, Sand Land illustre aussi la fascination de l’auteur pour les voitures et les motos, passion qu’il tenait de son père. En 2005, le constructeur japonais CQ Motors a même produit une vraie voiture électrique basée sur un adorable design de Toriyama, la QVolt. Produite en 9 exemplaires seulement, la petite monoplace pouvait atteindre une vitesse de 30 km/h avec une autonomie de 80 kilomètres.
A message from Bird Studio on Toriyama’s passing. pic.twitter.com/2hRppQ2H3i
— Goku (@Goku) March 8, 2024
Le nom d’Akira Toriyama était cité en novembre 2017 dans les Paradise Papers pour une histoire d’investissement dans une société immobilière aux méthodes de comptabilité jugées frauduleuses, ce qui ne l’a pas empêché d’être nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture deux ans plus tard. Une médaille que son éditeur Akio Iyoku avait reçu à sa place en s’excusant de l’absence de l’intéressé, plus discret encore que la plupart des mangaka célèbres. En janvier 2013, mieux vaut tard que jamais, Akira Toriyama était déjà le premier auteur de manga récompensé d’un prix par le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême.
Message d’Eiichiro Oda à propos du décès de Akira Toriyama :
C’est beaucoup trop tôt. Mon cœur est déchiré par le vide.
L’idée de ne plus jamais vous revoir me remplit d’une immense tristesse.
Je vous admire depuis que je suis enfant.
Je me souviens très bien du jour où… pic.twitter.com/5yWAVMcN1O
— Kamal & Kyta – Le Mont Corvo (@MontCorvo_Off) March 8, 2024
Bien avant que la franchise ne soit industrialisée dans tous les sens par ses différents exploitants (Shueisha, Toei Animation, Bandai Namco), la France des années 80 était tombée sous le charme de Dragon Ball grâce à sa diffusion dans l’émission Club Dorothée à partir du 2 mars 1988. En 1993, dans un secteur encore dominé par la BD franco-belge, Glénat publiait le tome 1 du manga en France. Parce que tout est lié, votre serviteur se souvient avoir découvert le manga en question dans le cadre d’une offre spéciale avec le jeu Mega Drive Dragon Ball Z : L’Appel du Destin au milieu d’un bel été 1994.
Ni pleinement actif ni retraité, Akira Toriyama était régulièrment sollicité pour différents travaux, en particulier depuis le retour sur le devant de la scène de Dragon Ball avec les films de 2013 (Battle of Gods) et 2015 (La Résurrection de F) ayant précédé Dragon Ball Super. Il lui arrivait encore de créer des personnages originaux comme C-21 dans Dragon Ball FighterZ et Bonyū dans Dragon Ball Z Kakarot. Impliqué tout récemment dans l’adaptation en série d’animation de Sand Land que le public découvrira à partir du 20 mars, Akira Toriyama a également travaillé en étroite collaboration avec la production de la série animée Dragon Ball Daima, une nouvelle déclinaison en forme de retour aux sources, pour laquelle il est crédité à l’histoire et au design des personnages. « Je m’investis beaucoup plus que d’habitude dans ce projet », avait confié le vétéran.
La famille d’Akira Toriyama a indiqué qu’elle n’acceptait pas de cadeaux, de visites, d’offrandes et encore moins d’entrevues. Bird Studio, le studio de conception et de production de l’auteur, prévoit d’organiser un rassemblement commémoratif à l’avenir. Eiichirô Oda a regretté dans un message personnel la mort « trop précoce » de son idole de toujours. « La tristesse m’envahit quand je pense que je ne le reverrai plus jamais », a ajouté Eiichiro Oda, dont le manga One Piece est un des rares à avoir surpassé les plus de 260 millions de volumes vendus par Dragon Ball. « Pour tous les artistes de manga de ma génération, à mesure que nous nous rapprochions de la même scène que lui, l’œuvre de Toriyama est devenue une présence encore plus grande que nous ressentions profondément. C’était presque effrayant […] Avec respect et gratitude pour le monde créatif qu’il a laissé derrière lui, je prie pour qu’il repose en paix. Puisse le paradis qu’il a imaginé être un endroit des plus joyeux pour lui. »
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