Le dernier film d’Amos Gitaï est une proposition, d’une grande acuité aujourd’hui, autour de la thématique qui traverse sa filmographie : le conflit israélo-palestinien.
C’est une expérience filmique qu’offre le cinéaste israélien Amos Gitaï dans Shikun, son dernier long métrage en salles le 6 mars 2024. Dans les méandres d’un bâtiment, qui donne son nom au film, des hommes et des femmes circulent et discutent de choses et d’autres, rendant ainsi compte, en filigrane, de l’histoire et du destin d’un pays, Israël. Dans cette multitude de trajectoires, le personnage interprété par la comédienne française Irène Jacob, qui voit apparaître de menaçants rhinocéros, constitue le fil rouge de ce récit évoquant, entre autres, le conflit israélo-palestinien. Le film s’inspire de la pièce Rhinocéros d’Eugène Ionesco, une dénonciation du totalitarisme.
Shikun réunit une pléiade d’acteurs fidèles à Amos Gitaï. À l’instar de Yaël Abecassis vue dans Kadosh (1999), Un tramway à Jérusalem (2018) ou encore Le Dernier jour d’Yitzhak Rabin (2015) dans lequel joue également Pini Mittelman. Idem pour Hana Laslo, au casting de Free Zone (2005) et Laila in Haifa (2020). Un film au générique duquel on retrouve aussi Naama Preis et Bahira Ablassi. La mise en scène emprunte à l’univers du théâtre et les plans séquences de Gitaï aident à suivre du regard le mouvement des comédiens, à être au plus près des personnages dans leurs déambulations.
Le théâtre d’une allégorie
Le long-métrage a été tourné dans un bâtiment connu et emblématique, un immeuble de logement social situé à Beer-Sheva, ville située dans le sud d’Israël, dans le désert de Néguev. Le lieu correspond ainsi à l’une des définitions de « Shikun », celle qui renvoie à « logement social » en hébreu, à un refuge donc. Dans ce huis clos, c’est l’histoire d’Israël qui se déroule, entre la Shoah et le conflit avec la Palestine. Le film, né alors que nombre de ses compatriotes protestaient contre les réformes judiciaires antidémocratiques initiées par le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son gouvernement d’extrême droite, est d’une troublante acuité.
L’attaque perpétrée le 7 octobre par le Hamas contre Israël et qui a débouché sur une sanglante guerre, donne une résonance singulière au long métrage. Notamment quand il est question de cette paix à laquelle aspirent, ensemble, beaucoup d’Israéliens et de Palestiniens. Une femme, s’exprimant en hébreu, discute avec un homme parlant arabe. Puis, ils clament : « À une époque de rhinocéros, restons humains », avant d’échanger un baiser. De même, monte la critique de l’occupation des territoires palestiniens et de ses désastreuses conséquences sur les populations quand une jeune femme s’adresse à un homme plus âgé en lui lançant : « Le jour viendra peut-être où de jeunes Israéliens demanderont à leurs parents : comment avez-vous pu ? »
Ce film concept s’avère déroutant, particulièrement dans sa mise en scène. Les individus solitaires ou en groupe surgissant de but en blanc sans qu’on en comprenne vraiment la raison. Toutefois, les dialogues éclairent sur l’intention et la symbolique des choix d’Amos Gitaï. Maintenir le flou semble même intentionnel. Interrogé sur le mélange des langues (hébreu et arabe) et le fait qu’elles ne soient pas différenciées à l’écran, le cinéaste a expliqué qu’il ne souhaitait pas faire de Shikun une œuvre didactique. Pari réussi pour un film pour lequel il faut faire appel à son instinct pour en appréhender la subtilité. Pour autant, rien n’est garanti.
Il devient fatigant ce Amos Gitai… Tjrs la même rengaine