Emmanuel Macron doit inaugurer ce jeudi 29 février le titanesque projet immobilier étalé sur trois communes de Seine-Saint-Denis, à cinq mois de l’ouverture des Jeux.
Métal blanc ou jaune, briques rouges, façades bois ou roses, les 41 lots (pour 82 bâtiments) du village olympique ont été conçus par 41 architectes différents. Ce qui est facile à retenir mais qui à l’œil donne un petit côté de bric et de baroque. Emmanuel Macron inaugure ce jeudi 29 février ce titanesque projet immobilier piloté depuis sept ans par la Solideo et étalé sur trois villes – Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Ile-Saint-Denis. Cette remise des clés, c’est le signe que les JO «prennent doucement et concrètement vie», se réjouit l’Elysée à l’heure où l’enthousiasme populaire reste discret, sinon inexistant. Avant la visite présidentielle, Libération fait un petit tour du propriétaire.
Une usine olympique
Selon les calculs de Nicolas Ferrand, le patron de la Solideo, ce sont près de 30 000 personnes qui ont travaillé «d’une manière ou d’une autre depuis 2017» sur le chantier, qu’elles aient fait une semaine sur un renfort de plomberie ou six ans de gros œuvre. Une fois n’est pas coutume, l’Elysée est moins dithyrambique, préférant évoquer «près de 4 000 ouvriers et compagnons». Mais on parle tout de même du «plus grand chantier mono-site d’Europe» pour lequel ont travaillé 1 749 entreprises issues de 70 départements français. Pour surveiller les conditions de travail et le respect des droits des travailleurs, Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT, a été nommé coprésident du comité de suivi de la charte sociale de Paris 2024. «On nous a comparés au Qatar, ça a été un peu blessant», souffle Nicolas Ferrand de son côté en référence aux chantiers de la Coupe du Monde 2022. Selon la Solideo, 168 accidents ont été recensés sur l’ensemble des chantiers, dont 26 graves et un seul avec des séquelles irrémédiables, «soit quatre fois moins que sur des chantiers standards».
Morvan et Congo
Miracle de la novlangue technocratique, on parle de «cœurs de forêts» entre les immeubles du village olympique, qui sont en réalité des mini-espaces jardins. Au total, le projet comprend six hectares d’espaces verts publics sur lesquels la Solideo a planté 9 000 arbres. Le bois est aussi omniprésent dans les constructions, pour les structures ou les façades, et la règle était la même pour tous : utiliser du bois provenant de forêts gérées durablement et 30 % de forêts françaises. Ce qui colle avec le chêne venu des pépinières franciliennes qui trône sur la toute nouvelle «place des Athlètes»,à l’entrée du village, ou le bois du Morvan utilisé pour une passerelle au-dessus de l’A81. Mais qui colle beaucoup moins avec le bois de tali, originaire du… Congo, utilisé le long des berges de Seine en raison de sa très forte densité : il ne s’imprègne pas d’eau.
5335 sofas
Le village s’étend sur 52 hectares au nord de Paris et sera composé de près de 82 bâtiments, 3 000 appartements et 7 200 chambres pour accueillir 14 500 athlètes répartis en 206 délégations olympiques. Si les murs sont terminés, il faut désormais meubler ce village olympique. «Cela représente plus de 345 000 pièces en tout qui vont être acheminées. Des couettes, des tables de chevet, des lits, il y en aura 14 250, 8 200 ventilateurs et 5 535 sofas», détaille Laurent Michaud, directeur des villages olympiques et paralympiques chez Paris 2024. Cette ville éphémère, où les athlètes arriveront à partir du 18 juillet, comptera une épicerie, un commissariat, un salon de coiffure, un bar (sans alcool) et un centre multiconfessionnel. Petit bobo ou gros claquage, les sportifs pourront se rendre dans une polyclinique de 3 000 m 2 qui sera ouverte 24 heures sur 24. La salle de fitness et de musculation installée dans la magnifiquement rénovée halle Maxwell de Saint-Denis sera reconvertie en annexe du… ministère de l’Intérieur après les JO.
Une poste mais pas de mairie
Le village olympique comptera aussi un bureau temporaire jusqu’à la clôture des Jeux paralympiques en septembre. D’ordinaire, une sommité du sport du pays hôte joue le rôle de maire, dévoué à l’accueil des délégations et des athlètes, mais le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) de Paris 2024 a annoncé qu’il se passerait de ce rôle protocolaire, confirmant une information du Parisien. Les petites cérémonies d’accueil avec fanfare ont été supprimées dans le cadre de la «nouvelle norme proposée par le CIO». La «mairie» avait pourtant été pensée dans le village et cet espace de bureau devrait devenir une nurserie «pour accueillir confortablement les enfants en bas âge des athlètes», souligne le Cojo. En revanche, pour les parents qui voudraient vivre les dix-sept jours de compétition avec leurs enfants, il faudra s’isoler du village. Paris 2024 a annoncé une solution inédite en début de semaine : ils auront droit à un logement à l’hôtel Pleyel, situé à quelques centaines de mètres à Saint-Denis, pour offrir «les meilleures conditions d’équilibre» aux compétitrices et «prendre en compte la parentalité», y compris les pères.
Une cantine à la sauce Luc Besson
Du gourmand croquant taille géant. Les athlètes prendront leurs repas dans la Nef, qui était à l’origine une centrale électrique, construite en 1933 afin de fournir de l’énergie au métro parisien. Le bâtiment avait été redécouvert par Luc Besson qui y a installé sa Cité du cinéma, réquisitionnée le temps des JO. Les dimensions de cette cantine sont hors normes : une galerie de briques de 240 mètres de longueur et 24 mètres de largeur, le tout couvert par un toit de verre, où pourront s’installer 3200 personnes en même temps. Dans les appartements des athlètes, il n’y aura pas de cuisine : ils auront donc accès 24 heures sur 24 au restaurant dont les rênes ont été confiées à trois grands chefs français, dont le tri-étoilé marseillais Alexandre Mazzia. Celui qui a failli devenir joueur de basket professionnel aux Etats-Unis devra inventer de quoi servir… 40 000 repas équilibrés par jour.
par Laure Bretton