Pour le rédacteur en chef du quotidien Haaretz, au-delà de la politique menée par Benyamin Netanyahou, c’est tout le pays qui fait face à un avenir sombre en négligeant les causes du conflit avec les Palestiniens.
Par un beau jour d’avril 1956, Moshe Dayan, le chef d’état-major borgne de Tsahal, se rend en voiture à Nahal Oz, un kibboutz récemment établi près de la frontière de la bande de Gaza. Dayan vient assister aux funérailles de Roi Rotberg, 21 ans, assassiné la veille au matin par des Palestiniens alors qu’il patrouillait à cheval dans les champs. Les tueurs ont traîné le corps de Rotberg de l’autre côté de la frontière, où il a été retrouvé mutilé, les yeux arrachés. C’est un choc et un deuil national.
Si Dayan avait pris la parole dans l’Israël d’aujourd’hui, son éloge funèbre aurait dénoncé l’horrible cruauté des assassins de Rotberg. Mais dans les années 1950, son discours a été remarquablement bienveillant à l’égard des auteurs de l’attentat. « Ne jetons pas le blâme sur les meurtriers, a déclaré Dayan. Depuis huit ans, ils sont assis dans les camps de réfugiés de Gaza et, sous leurs yeux, nous avons transformé les terres et les villages où eux et leurs pères habitaient en notre domaine. » Dayan faisait allusion à la Nakba, ou « catastrophe » en arabe, lorsque la majorité des Arabes palestiniens furent contraints à l’exil après la victoire d’Israël durant la guerre d’indépendance de 1948. Nombre d’entre eux ont été déplacés de force à Gaza, y compris les habitants des communautés qui sont devenues des villes et des villages juifs le long de la frontière.
Dayan n’avait rien d’un partisan de la cause palestinienne. En 1950, après la fin des hostilités, il organisa le déplacement de la communauté palestinienne restante dans la ville frontalière d’Al-Majdal, aujourd’hui la ville israélienne d’Ashkelon. Pourtant, Dayan avait compris ce que de nombreux Israéliens juifs refusent d’accepter : les Palestiniens n’oublieront jamais la Nakba et ne cesseront de rêver au retour dans leurs foyers. « Ne nous laissons pas décourager par la haine qui enflamme et remplit la vie de centaines de milliers d’Arabes vivant autour de nous, déclara Dayan dans son éloge funèbre. C’est le choix de vie que nous avons fait : être préparés et armés, forts et déterminés, de peur que l’épée ne nous soit arrachée du poing et que nos vies ne soient fauchées. »
Pire calamité de l’histoire d’Israël
Le 7 octobre 2023, le vieil avertissement de Dayan s’est concrétisé de la manière la plus sanglante qui soit. Suivant un plan élaboré par Yahya Sinwar, dirigeant du Hamas issu d’une famille chassée d’Al-Majdal, des militants palestiniens ont envahi Israël en près de trente points le long de la frontière gazaouie. Parvenant à créer une surprise totale, ils ont franchi les minces défenses israéliennes et ont attaqué un festival de musique, de petites villes et plus de 20 kibboutzim. Ils ont tué environ 1 200 civils et soldats et enlevé plus de 200 otages. Ils ont violé, pillé, brûlé et saccagé. Les descendants des habitants du camp de réfugiés de Dayan, animés par la même haine et la même aversion qu’il avait décrites, mais désormais mieux armés, entraînés et organisés, étaient revenus pour se venger.
Le 7 octobre a été la pire calamité de l’histoire d’Israël. C’est un tournant national et personnel pour tous ceux qui vivent dans le pays ou qui y sont associés. N’ayant pas réussi à stopper l’attaque du Hamas, Tsahal a réagi avec une force écrasante, tuant des milliers de Palestiniens et rasant des quartiers entiers de Gaza. Mais alors même que les pilotes larguent des bombes et que les commandos débusquent les tunnels du Hamas, le gouvernement israélien n’a pas réfléchi à la haine à l’origine de l’attaque, ni aux politiques susceptibles d’en empêcher une autre. Ce silence est dû à la volonté du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, qui a refusé de définir une vision pour l’après-guerre. Netanyahou a promis de « détruire le Hamas », mais au-delà de la force militaire, il n’a pas de stratégie pour éliminer le groupe, ni de plan clair pour ce qui le remplacerait en tant que gouvernement de facto du Gaza d’après-guerre.
Son absence de stratégie n’a rien d’un hasard. Il ne s’agit pas non plus d’opportunisme politique destiné à préserver la cohésion de sa coalition de droite. Pour vivre en paix, Israël devra enfin s’entendre avec les Palestiniens, ce à quoi Netanyahou s’est opposé tout au long de sa carrière. Il a consacré son mandat de Premier ministre, le plus long de l’histoire d’Israël, à saper et à mettre à l’écart le mouvement national palestinien. Il a promis à son peuple qu’il pouvait prospérer sans paix. Il a vendu au pays l’idée qu’il pouvait continuer à occuper les terres palestiniennes pour toujours, sans que cela ne lui coûte grand-chose, ni sur le plan national ni sur le plan international. Et même aujourd’hui, au lendemain du 7 octobre, il n’a pas changé ce message. La seule chose que Netanyahou a dit au sujet de ce qu’Israël ferait après la guerre concerne le maintien d’un « périmètre de sécurité » autour de Gaza – un euphémisme à peine voilé pour une occupation à long terme, y compris un cordon le long de la frontière qui mangera une grande partie des rares terres palestiniennes.
Netanyahou ne veut pas résoudre le conflit palestinien
Mais Israël ne peut plus être aussi aveugle. Les attentats du 7 octobre ont prouvé que la promesse de Netanyahou était creuse. Malgré l’enlisement du processus de paix et la perte d’intérêt des autres pays, les Palestiniens ont maintenu leur cause en vie. Sur les images prises par le Hamas le 7 octobre à l’aide de caméras corporelles, on entend les envahisseurs crier « C’est notre terre » alors qu’ils franchissent la frontière pour attaquer un kibboutz. Sinwar a ouvertement présenté l’opération comme un acte de résistance. Il a personnellement été motivé, du moins en partie, par la Nakba. Le chef du Hamas a passé vingt-deux ans dans les prisons israéliennes et aurait continuellement répété à ses compagnons de cellule qu’Israël devait être vaincu pour que sa famille puisse retourner dans son village.
Le traumatisme du 7 octobre a forcé les Israéliens, une fois de plus, à réaliser que le conflit avec les Palestiniens est au cœur de leur identité nationale et constitue une menace pour leur bien-être. Il ne peut être ni négligé ni éludé, et la poursuite de l’occupation, l’extension des colonies israéliennes en Cisjordanie, le siège de Gaza et le refus de tout compromis territorial (ou même de reconnaître les droits des Palestiniens) n’apporteront pas au pays une sécurité durable. Pourtant, il sera extrêmement difficile de se remettre de cette guerre et de changer de cap, et pas seulement parce que Netanyahou ne veut pas résoudre le conflit palestinien. La guerre a frappé Israël au moment où il était peut-être le plus divisé de son histoire. Au cours des années qui ont précédé l’attaque, le pays a été fracturé par les efforts déployés par Netanyahou pour saper ses institutions démocratiques et le transformer en une autocratie théocratique et nationaliste. Ses projets de loi et ses réformes ont provoqué des protestations et des dissensions généralisées qui ont menacé de déchirer le pays avant la guerre et qui le hanteront une fois le conflit terminé. En fait, la lutte pour la survie politique de Netanyahou deviendra encore plus intense qu’elle ne l’était avant le 7 octobre, ce qui rendra difficile la poursuite de la paix.
Début d’une ère sombre
Mais quoi qu’il arrive au Premier ministre, il est peu probable qu’Israël ait un débat sérieux sur un accord avec les Palestiniens. L’opinion publique israélienne dans son ensemble s’est déplacée vers la droite. Les Etats-Unis sont de plus en plus préoccupés par une élection présidentielle cruciale. Il y aura peu de volonté ou de motivation pour relancer un processus de paix significatif dans un avenir proche.
Le 7 octobre est un tournant, mais c’est aux Israéliens de décider quel type de tournant il s’agira. S’ils tiennent enfin compte de l’avertissement de Dayan, le pays pourrait s’unir et tracer un chemin vers la paix et une coexistence digne avec les Palestiniens. Mais jusqu’à présent, tout porte à croire que les Israéliens continueront à se battre entre eux et à maintenir l’occupation indéfiniment. Le 7 octobre pourrait ainsi marquer le début d’une ère sombre dans l’histoire d’Israël, caractérisée par une violence croissante. L’attentat ne serait alors pas un événement isolé, mais un signe avant-coureur de ce qui est à venir.
Dans les années 1990, Netanyahou était une étoile montante de la droite israélienne. Après s’être fait un nom en tant qu’ambassadeur d’Israël aux Nations unies de 1984 à 1988, il s’est fait connaître en menant l’opposition aux accords d’Oslo, le projet de réconciliation israélo-palestinienne signé en 1993 par le gouvernement israélien et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Après l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en novembre 1995 par un fanatique israélien d’extrême droite et une vague d’attentats terroristes palestiniens dans les villes israéliennes, Netanyahou est parvenu en 1996 à battre Shimon Peres, l’un des principaux architectes de l’accord de paix d’Oslo, par une marge infime. Une fois au pouvoir, il a promis de ralentir le processus de paix et de réformer la société israélienne en « remplaçant les élites », qu’il considérait comme molles et enclines à imiter les libéraux occidentaux, par des conservateurs religieux et sociaux.
Diviser pour mieux régner
Les ambitions radicales de Netanyahou se sont toutefois heurtées à l’opposition combinée des anciennes élites et de l’administration Clinton. La société israélienne, qui était alors encore généralement favorable à un accord de paix, s’est également rapidement désintéressée du programme extrême du Premier ministre. Trois ans plus tard, il a été renversé par le libéral Ehud Barak, qui s’est engagé à poursuivre le processus d’Oslo et à résoudre la question palestinienne dans son intégralité.
Mais Barak a échoué, tout comme ses successeurs. Lorsque Israël a achevé son retrait unilatéral du Sud-Liban au printemps 2000, il a fait l’objet d’attaques transfrontalières et a été menacé par la montée en puissance du Hezbollah. Le processus de paix a ensuite implosé lorsque les Palestiniens ont lancé la deuxième Intifada à l’automne. Cinq ans plus tard, le retrait d’Israël de la bande de Gaza a ouvert la voie à la prise de pouvoir par le Hamas. L’opinion publique israélienne, qui soutenait autrefois le processus de paix, a perdu son appétit pour les risques sécuritaires qui l’accompagnaient. « Nous leur avons offert la Lune et les étoiles et avons reçu en retour des kamikazes et des roquettes », a-t-on coutume de dire (le contre-argument, selon lequel Israël avait offert trop peu et n’accepterait jamais un Etat palestinien durable, n’a guère trouvé d’écho). En 2009, Netanyahou est revenu au pouvoir, se sentant conforté. Ses mises en garde contre les concessions territoriales aux voisins d’Israël s’étaient concrétisées.
Netanyahou a alors proposé aux Israéliens une alternative commode à la formule « terre contre paix », désormais discréditée. Selon lui, Israël pouvait prospérer en tant que pays de type occidental – et même tendre la main au monde arabe dans son ensemble – tout en écartant les Palestiniens. La clé était de diviser pour mieux régner. En Cisjordanie, Netanyahou a maintenu la coopération en matière de sécurité avec l’Autorité palestinienne, qui est devenue de facto le sous-traitant d’Israël pour le maintien de l’ordre et les services sociaux, et il a encouragé le Qatar à financer le gouvernement du Hamas à Gaza. « Quiconque s’oppose à un Etat palestinien doit soutenir la fourniture de fonds à Gaza, car le maintien de la séparation entre l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza empêchera la création d’un Etat palestinien », a déclaré Netanyahou au groupe parlementaire de son parti en 2019. Une déclaration qui est revenue le hanter.
Netanyahou pensait pouvoir contrôler les capacités du Hamas grâce à un blocus naval et économique, au déploiement de nouveaux systèmes de défense contre les roquettes et aux frontières, ainsi qu’à des raids militaires périodiques contre les combattants et les infrastructures du groupe. Cette dernière tactique, surnommée « tondre l’herbe », est devenue partie intégrante de la doctrine israélienne en matière de sécurité, au même titre que la « gestion des conflits » et le maintien du statu quo. Pour Netanyahou, l’ordre qui prévaut était durable. Selon lui, il s’avérait également optimal : le maintien d’un conflit de très bas niveau était moins risqué politiquement qu’un accord de paix et moins coûteux qu’une guerre majeure.
L’avenir s’annonçait radieux
Pendant plus d’une décennie, la stratégie de Netanyahou a semblé fonctionner. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont sombré dans les révolutions et les guerres civiles du printemps arabe, rendant la cause palestinienne beaucoup moins importante. Les attaques terroristes ont atteint un niveau record et les tirs de roquettes périodiques en provenance de Gaza ont généralement été interceptés. A l’exception d’une courte guerre contre le Hamas en 2014, les Israéliens ont rarement eu besoin d’affronter les militants palestiniens. Pour la plupart des personnes, et la plupart du temps, le conflit était hors de leur vue comme de leur esprit.
Au lieu de se préoccuper des Palestiniens, les Israéliens ont commencé à se concentrer sur le rêve occidental de prospérité et de tranquillité. Entre janvier 2010 et décembre 2022, les prix de l’immobilier ont plus que doublé, tandis que la ligne d’horizon de Tel-Aviv se remplissait de tours d’habitation et de complexes de bureaux. Les petites villes se sont agrandies pour faire face à ce boom. Le PIB du pays a augmenté de plus de 60 % grâce aux entrepreneurs technologiques qui ont lancé des entreprises prospères, et grâce aux sociétés énergétiques qui ont découvert des gisements de gaz naturel offshore dans les eaux israéliennes. Des accords de libre circulation avec d’autres gouvernements ont transformé les voyages à l’étranger – une facette importante du mode de vie israélien – en un produit bon marché. L’avenir s’annonçait radieux. Le pays semblait avoir dépassé les Palestiniens, et ce sans rien sacrifier – territoire, ressources, fonds – à un accord de paix. Les Israéliens avaient le beurre et l’argent du beurre.
Sur le plan international, le pays était également en plein essor. Netanyahou a résisté aux pressions exercées par le président américain Barack Obama pour relancer la solution à deux Etats et geler les colonies israéliennes en Cisjordanie, en partie en forgeant une alliance avec les républicains américains. Bien que Netanyahou n’ait pas réussi à empêcher Obama de conclure un accord nucléaire avec l’Iran, Washington s’est retiré du pacte après la victoire de Donald Trump à la présidence. Ce dernier a également déplacé l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, et son administration a reconnu l’annexion par Israël du plateau du Golan à la Syrie. Sous Trump, les Etats-Unis ont aidé Israël à conclure les accords d’Abraham, normalisant ses relations avec le Bahreïn, le Maroc, le Soudan et les Emirats arabes unis – une perspective qui semblait autrefois impossible sans un accord de paix israélo-palestinien. Des cargaisons de fonctionnaires, de chefs militaires et de touristes israéliens ont commencé à fréquenter les hôtels luxueux des cheikhs du Golfe et les souks de Marrakech.
Guerre culturelle
Alors qu’il mettait de côté la question palestinienne, Netanyahou s’est également efforcé de remodeler la société israélienne. Après avoir été réélu à la surprise générale en 2015, il a mis sur pied une coalition de droite pour relancer son vieux rêve de déclencher une révolution conservatrice. Une fois de plus, le Premier ministre a commencé à s’insurger contre les « élites » et a lancé une guerre culturelle contre l’ancien establishment, qu’il considérait comme hostile à sa personne et trop progressiste pour ses partisans. En 2018, il a obtenu l’adoption d’une loi majeure et controversée qui définit Israël comme « l’Etat-nation du peuple juif » et déclare que les juifs ont le droit « unique » d' »exercer l’autodétermination » sur son territoire. Cette loi donnait la priorité à la majorité juive du pays et subordonnait la population non juive.
La même année, la coalition de Netanyahou s’est effondrée. Israël s’est alors enfoncé dans une longue crise politique, le pays ayant connu cinq élections entre 2019 et 2022, chacune d’entre elles étant un référendum sur le pouvoir de Netanyahou. L’intensité de la bataille politique a été exacerbée par une affaire de corruption contre le Premier ministre, qui a conduit à son inculpation pénale en 2020 et à un procès en cours. Israël s’est divisé entre les « bibistes » et les « non bibistes ». Lors de la quatrième élection, en 2021, les rivaux de Netanyahou ont finalement réussi à le remplacer par un « gouvernement de changement » dirigé par le député de droite Naftali Bennett et le centriste Yair Lapid. Pour la première fois, la coalition comprenait un parti arabe.
Malgré cela, l’opposition de Netanyahou n’a jamais remis en question le principe de base de son gouvernement, à savoir qu’Israël pouvait prospérer sans aborder la question palestinienne. Le débat sur la paix et la guerre, qui est traditionnellement un sujet politique crucial, est devenu un sujet de dernière page. Bennett, qui a commencé sa carrière en tant que collaborateur de Netanyahou, a assimilé le conflit palestinien à un « éclat d’obus dans les fesses » dont le pays pouvait s’accommoder. Lapid et lui ont cherché à maintenir le statu quo vis-à-vis des Palestiniens et à se concentrer sur le maintien de Netanyahou hors du pouvoir.
Ce marché, bien sûr, s’est avéré impossible. Le « gouvernement du changement » s’est effondré en 2022 après avoir échoué à prolonger d’obscures dispositions légales qui permettaient aux colons de Cisjordanie de jouir de droits civils refusés à leurs voisins non israéliens. Pour certains membres de la coalition arabe, la signature de ces dispositions d’apartheid était le compromis de trop.
Pour Netanyahou, toujours en procès, l’effondrement du gouvernement était exactement ce qu’il espérait. Alors que le pays organisait de nouvelles élections, il a renforcé sa base de droite, de juifs ultraorthodoxes et de juifs socialement conservateurs. Pour reconquérir le pouvoir, il s’est adressé en particulier aux colons de Cisjordanie, un groupe démographique pour qui le conflit israélo-palestinien est sa raison d’être. Ces sionistes religieux sont restés fidèles à leur rêve de judaïser les territoires occupés et d’en faire une partie officielle d’Israël. Ils espèrent que, si l’occasion leur en est donnée, ils pourront chasser la population palestinienne des territoires. Ils n’ont pas réussi à empêcher l’évacuation des colons juifs de Gaza en 2005, alors qu’Ariel Sharon était Premier ministre, mais dans les années qui ont suivi, ils ont progressivement conquis des postes clés dans l’armée, la fonction publique et les médias israéliens, tandis que les membres de l’establishment laïque se concentraient désormais sur la recherche de profits dans le secteur privé.
Les extrémistes ont exigé deux choses de Netanyahou. La première, la plus évidente : poursuivre l’expansion des colonies juives. La seconde : renforcer la présence juive sur le mont du Temple, le site historique du Temple juif et de la mosquée d’al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem. Depuis qu’Israël a pris le contrôle de la région environnante lors de la guerre des Six Jours en 1967, il a accordé aux Palestiniens une quasi-autonomie sur le site, de peur que le fait de le soustraire à la gouvernance arabe ne déclenche un conflit religieux cataclysmique. Mais l’extrême droite israélienne cherche depuis longtemps à changer cette situation. Lorsque Netanyahou a été élu pour la première fois en 1996, il a ouvert un mur sur un site archéologique dans un tunnel adjacent à al-Aqsa pour exposer des reliques de l’époque du Second Temple, ce qui a provoqué une violente explosion de protestations arabes à Jérusalem. La seconde Intifada palestinienne, en 2000, a été déclenchée de la même manière par une visite de Sharon sur le mont du Temple, alors chef de l’opposition à la tête du Likoud, le parti de Netanyahou.
Projet d’Israël autocratique et théocratique
En mai 2021, la violence a de nouveau éclaté. Cette fois, le principal provocateur a été Itamar Ben-Gvir, homme politique d’extrême droite qui a publiquement célébré les terroristes juifs. Ben-Gvir avait ouvert un « bureau parlementaire » dans un quartier palestinien de Jérusalem-Est où des colons juifs, s’appuyant sur d’anciens titres de propriété, avaient chassé certains habitants, et où, en réponse, les Palestiniens avaient organisé des manifestations de masse. Après que des centaines de manifestants se sont rassemblés à al-Aqsa, la police israélienne a fait une descente dans l’enceinte de la mosquée. Des combats ont alors éclaté entre Arabes et Juifs et se sont rapidement étendus à des villes ethniquement mixtes à travers Israël. Le Hamas a utilisé le raid comme excuse pour viser Jérusalem avec des roquettes, ce qui a entraîné une nouvelle vague de violence en Israël et une nouvelle série de représailles israéliennes à Gaza.
Néanmoins, les combats se sont apaisés lorsque Israël et le Hamas sont parvenus à un nouveau cessez-le-feu dans un délai étonnamment court. Le Qatar a poursuivi ses paiements et Israël a accordé des permis de travail à certains habitants de Gaza afin d’améliorer l’économie du territoire et de réduire le désir de conflit de la population. Le Hamas n’a pas réagi lorsque Israël a frappé une milice alliée, le Jihad islamique palestinien, au printemps 2023. Le calme relatif qui régnait le long de la frontière a permis à Tsahal de redéployer ses forces et de déplacer la plupart des bataillons de combat en Cisjordanie, où ils pouvaient protéger les colons contre les attaques terroristes. Le 7 octobre, il est apparu clairement que ces redéploiements étaient exactement ce que voulait Sinwar.
Lors des élections israéliennes de novembre 2022, Netanyahou a repris le pouvoir. Sa coalition a obtenu 64 des 120 sièges du parlement israélien, un véritable raz-de-marée. Les figures clés du nouveau gouvernement sont Bezalel Smotrich, chef d’un parti religieux nationaliste représentant les colons de Cisjordanie, et Ben-Gvir. En collaboration avec les partis ultraorthodoxes, Netanyahou, Smotrich et Ben-Gvir ont élaboré un projet d’Israël autocratique et théocratique. Les lignes directrices du nouveau cabinet, par exemple, déclarent que « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur l’ensemble de la Terre d’Israël », niant ainsi toute revendication palestinienne sur un territoire, même dans la bande de Gaza. Smotrich est devenu ministre des Finances et a été chargé de la Cisjordanie, où il a lancé un programme massif d’expansion des colonies juives. Ben-Gvir est nommé ministre de la Sécurité nationale, chargé de la police et des prisons. Il utilise son pouvoir pour encourager davantage de Juifs à visiter le mont du Temple (al-Aqsa). Entre janvier et octobre 2023, environ 50 000 Juifs l’ont visité, soit plus qu’au cours de toute autre période équivalente enregistrée (en 2022, il y a eu 35 000 visiteurs juifs sur le mont).
Le nouveau gouvernement radical de Netanyahou a suscité l’indignation de la gauche et des centristes israéliens. Mais ces critiques ont continué à ignorer le sort des territoires occupés et d’al-Aqsa. Au lieu de cela, ils se sont largement concentrés sur les réformes judiciaires de Netanyahou. Annoncées en janvier 2023, ces propositions de lois devaient limiter l’indépendance de la Cour suprême d’Israël – gardienne des droits civils et humains dans un pays dépourvu de Constitution formelle – et démanteler le système de conseil juridique qui assure le contrôle et l’équilibre du pouvoir exécutif. S’ils avaient été adoptés, ces projets de loi auraient facilité la tâche de Netanyahou et de ses partenaires dans l’édification d’une autocratie et lui auraient peut-être même épargné son procès pour corruption.
Les projets de réforme judiciaire étaient, sans aucun doute, extraordinairement dangereux. Ils ont légitimement suscité une énorme vague de protestations, des centaines de milliers d’Israéliens manifestant chaque semaine. Mais face à ce coup d’Etat, les opposants de Netanyahou ont à nouveau agi comme si l’occupation était une question sans rapport avec le sujet. Même si les lois ont été rédigées en partie pour affaiblir la protection juridique que la Cour suprême israélienne pourrait accorder aux Palestiniens, les manifestants ont évité de mentionner l’occupation ou le défunt processus de paix, de peur d’être taxés d’antipatriotiques. En fait, les organisateurs se sont efforcés de mettre à l’écart les manifestants israéliens contre l’occupation afin d’éviter que des images de drapeaux palestiniens n’apparaissent dans les manifestations. Cette tactique a été couronnée de succès, car elle a permis d’éviter que le mouvement de protestation ne soit « entaché » par la cause palestinienne : les Arabes israéliens, qui représentent environ 20 % de la population du pays, se sont largement abstenus de participer aux manifestations. Compte tenu de la démographie israélienne, les juifs de centre-gauche doivent s’associer aux Arabes du pays s’ils veulent un jour former un gouvernement. En délégitimant les préoccupations des Arabes israéliens, les manifestants ont joué le jeu de la stratégie de Netanyahou.
Divorce avec Tsahal
Les Arabes étant exclus, la bataille sur les réformes judiciaires s’est déroulée comme une affaire intra-juive. Les manifestants ont adopté le drapeau bleu et blanc de l’étoile de David, et nombre de leurs dirigeants et orateurs étaient des officiers supérieurs à la retraite. Les manifestants ont montré leurs références militaires, inversant ainsi le déclin du prestige de Tsahal depuis l’invasion du Liban en 1982. Les pilotes réservistes, qui sont essentiels à la préparation et à la puissance de combat de l’armée de l’air, ont menacé de se retirer du service si les lois étaient adoptées. Dans une démonstration d’opposition institutionnelle, les dirigeants de Tsahal ont repoussé Netanyahou lorsqu’il a exigé qu’ils disciplinent les réservistes.
Il n’est pas surprenant que Tsahal ait rompu avec le Premier ministre. Tout au long de sa longue carrière, Netanyahou s’est souvent heurté à l’armée, et ses principaux rivaux ont été des généraux à la retraite devenus politiciens, tels Sharon, Rabin et Barak, sans parler de Benny Gantz, que Netanyahou a intégré à son cabinet de guerre d’urgence mais qui pourrait finalement le défier et lui succéder en tant que Premier ministre. Netanyahou rejette depuis longtemps la vision des généraux d’un Israël fort militairement mais souple sur le plan diplomatique. Il s’est également moqué de leur caractère, qu’il considère comme timide, sans imagination, voire subversif. Cela n’a donc pas été une surprise quand il a renvoyé son propre ministre de la Défense, le général à la retraite Yoav Gallant, après que ce dernier est apparu en direct à la télévision en mars 2023 pour avertir que les divisions d’Israël avaient rendu le pays vulnérable et qu’une guerre était imminente.
Le licenciement de Gallant a entraîné de nouvelles manifestations spontanées dans les rues, et Netanyahou l’a réintégré (ils restent des rivaux acharnés, même s’ils mènent la guerre ensemble). Mais Netanyahou n’a pas tenu compte de l’avertissement de Gallant. Il a également ignoré une alerte plus détaillée émise en juillet par le principal analyste du renseignement militaire israélien, selon laquelle des ennemis pourraient frapper le pays. Netanyahou a apparemment estimé que ces avertissements étaient motivés par des considérations politiques et reflétaient une alliance tacite entre les chefs militaires en exercice au siège de Tsahal à Tel-Aviv et les anciens commandants qui manifestaient de l’autre côté de la rue.
Certes, les avertissements reçus par Netanyahou portaient essentiellement sur le réseau d’alliés régionaux de l’Iran, et non sur le Hamas. Bien que le plan d’attaque du Hamas ait été connu des services de renseignement israéliens et que le groupe ait pratiqué des manœuvres devant les postes d’observation de Tsahal, les hauts responsables de l’armée et des services de renseignement n’ont pas imaginé que leur adversaire de Gaza puisse réellement passer à l’acte. Ils ont donc enterré les suggestions contraires. L’attaque du 7 octobre a été, en partie, un échec de la bureaucratie israélienne.
Néanmoins, le fait que Netanyahou n’ait organisé aucune discussion sérieuse sur les renseignements qu’il avait reçus est indéfendable, tout comme son refus d’accepter un compromis sérieux avec l’opposition politique et de combler les lacunes du pays. Au lieu de cela, il a décidé d’aller de l’avant avec son coup d’Etat judiciaire, sans tenir compte des graves mises en garde et des répercussions possibles. « Israël peut se passer de quelques escadrons de l’armée de l’air, mais pas d’un gouvernement », a-t-il déclaré avec arrogance.
En juillet 2023, la première loi judiciaire a été adoptée par le parlement israélien, ce qui a constitué un autre point fort pour Netanyahou et sa coalition d’extrême droite (elle a été annulée par la Cour suprême en janvier). Le Premier ministre pensait qu’il allait bientôt s’élever davantage en concluant un accord de paix avec l’Arabie saoudite, l’Etat arabe le plus riche et le plus important, dans le cadre d’un triple accord comprenant un pacte de défense entre les États-Unis et l’Arabie saoudite. Cela aurait été la victoire ultime de la politique étrangère israélienne : une alliance américano-arabo-israélienne contre l’Iran et ses mandataires régionaux. Pour Netanyahou, il s’agissait d’un couronnement qui lui aurait permis de s’attacher les faveurs du grand public.
Le Premier ministre était si sûr de lui que, le 22 septembre, il est monté sur la scène de l’Assemblée générale des Nations unies pour promouvoir une carte du « nouveau Moyen-Orient », centrée sur Israël. Il s’agissait d’une allusion intentionnelle à son défunt rival, Shimon Peres, qui avait inventé cette expression après la signature des accords d’Oslo. « Je crois que nous sommes à la veille d’une avancée encore plus spectaculaire : une paix historique avec l’Arabie saoudite », s’est vanté Netanyahou dans son discours. Il a clairement indiqué que les Palestiniens n’étaient plus qu’un élément secondaire pour Israël et la région dans son ensemble : « Nous ne devons pas donner aux Palestiniens un droit de veto sur les nouveaux traités de paix. Les Palestiniens ne représentent que 2 % du monde arabe. » Deux semaines plus tard, le Hamas a attaqué, réduisant à néant les plans de Netanyahou.
Responsabilités personnelles de Netanyahou
Netanyahou et ses partisans ont tenté de rejeter la responsabilité du 7 octobre. Selon eux, le Premier ministre a été induit en erreur par les chefs de la sécurité et du renseignement qui ne l’ont pas informé d’une alerte de dernière minute indiquant que quelque chose de suspect se passait à Gaza (bien que même ces signaux d’alarme aient été interprétés comme des indications d’une petite attaque, ou simplement comme du bruit). Son cabinet a écrit sur Twitter plusieurs semaines après l’attaque : « En aucun cas et à aucun moment le Premier ministre Netanyahou n’a été averti des intentions de guerre du Hamas » (il s’est par la suite excusé pour ce message).
Mais l’incompétence des militaires et des services de renseignement, aussi lamentable soit-elle, ne peut exonérer le Premier ministre de sa responsabilité, et pas seulement parce qu’en tant que chef du gouvernement, Netanyahou porte la responsabilité ultime de ce qui se passe en Israël. Sa politique imprudente d’avant-guerre, qui consistait à diviser les Israéliens, a rendu le pays vulnérable, tentant les alliés de l’Iran de frapper une société déchirée. L’humiliation des Palestiniens a permis au radicalisme de prospérer. Ce n’est pas un hasard si le Hamas a baptisé son opération « Déluge d’al-Aqsa » et a présenté les attaques comme un moyen de protéger la mosquée d’une mainmise juive. La protection du lieu saint musulman a été perçue comme une raison d’attaquer Israël et de faire face aux conséquences inévitablement désastreuses d’une contre-attaque de Tsahal.
L’opinion publique israélienne n’a pas exonéré Netanyahou de sa responsabilité dans l’attentat du 7 octobre. Son parti est en chute libre dans les sondages et sa cote de popularité s’est également effondrée, bien que le gouvernement conserve la majorité parlementaire. Le désir de changement du pays ne s’exprime pas seulement dans les sondages d’opinion. Le militarisme est de retour dans toutes les couches de la société. Les manifestants anti-Bibi se sont empressés de remplir leur devoir de réserve malgré les protestations, alors que les organisateurs anti-Netanyahou ont supplanté le gouvernement israélien dysfonctionnel dans la prise en charge des personnes évacuées du sud et du nord du pays. De nombreux Israéliens se sont armés d’armes de poing et de fusils d’assaut, aidés par la campagne de Ben-Gvir visant à assouplir la réglementation sur les armes légères privées. Après des décennies de déclin progressif, le budget de la Défense devrait augmenter d’environ 50 %.
Société nouvellement militariste
Pourtant, ces tendances, bien que compréhensibles, sont des accélérations et non des changements. Israël suit toujours la même direction, celle dans laquelle l’a mené Netanyahou durant des années. Son identité est désormais moins libérale et égalitaire, plus ethnonationaliste et militariste. Le slogan « Unis pour la victoire », visible à chaque coin de rue, sur les bus publics et sur les chaînes de télévision en Israël, vise à unifier la société juive du pays. La minorité arabe de l’Etat, qui a massivement soutenu un cessez-le-feu rapide et un échange de prisonniers, s’est vu interdire à plusieurs reprises par la police de manifester publiquement. Des dizaines de citoyens arabes ont été légalement inculpés pour leurs publications sur les réseaux sociaux exprimant leur solidarité avec les Palestiniens de Gaza, même si ces publications ne soutenaient ni n’approuvaient les attentats du 7 octobre. De nombreux juifs israéliens progressistes, quant à eux, se sentent trahis par leurs homologues occidentaux qui, à leurs yeux, se sont rangés du côté du Hamas. Ils reconsidèrent leurs menaces d’avant-guerre d’émigrer loin de l’autocratie religieuse de Netanyahou, tandis que les sociétés immobilières israéliennes anticipent une nouvelle vague d’immigrants juifs cherchant à échapper à l’antisémitisme croissant qu’ils ont connu à l’étranger.
Et comme avant cette guerre, presque aucun juif israélien ne réfléchit à la manière dont le conflit palestinien pourrait être résolu de manière pacifique. La gauche israélienne, traditionnellement intéressée par la recherche de la paix, est aujourd’hui presque éteinte. Les partis centristes de Gantz et de Lapid, nostalgiques du bon vieil Israël d’avant Netanyahou, semblent se sentir chez eux dans cette société nouvellement militariste et ne veulent pas risquer leur popularité en soutenant des négociations « terre contre paix ». Et la droite est plus hostile aux Palestiniens qu’elle ne l’a jamais été.
Netanyahou a assimilé l’Autorité palestinienne au Hamas et, au moment d’écrire ces lignes, a rejeté les propositions américaines visant à en faire le dirigeant de Gaza d’après-guerre, sachant qu’une telle décision relancerait la solution à deux Etats. Les amis d’extrême droite du Premier ministre veulent dépeupler Gaza et exiler ses Palestiniens vers d’autres pays, créant ainsi une seconde Nakba qui laisserait la place libre à de nouvelles colonies juives. Pour réaliser ce rêve, Ben-Gvir et Smotrich ont exigé que Netanyahou rejette toute discussion sur un arrangement d’après-guerre à Gaza qui laisserait les Palestiniens aux commandes, et ont demandé que le gouvernement refuse de négocier la libération des otages israéliens. Ils ont également veillé à ce qu’Israël ne fasse rien pour arrêter les nouvelles attaques des colons juifs contre les résidents arabes de Cisjordanie.
L’unité nationale se fissure déjà
Si le passé constitue un précédent, il y a toujours un espoir. L’histoire suggère qu’il est possible que la gauche revienne et que les conservateurs perdent leur influence. Après de précédentes attaques majeures, l’opinion publique israélienne s’est d’abord orientée vers la droite, mais a ensuite changé de cap et accepté des compromis territoriaux en échange de la paix. La guerre du Yom Kippour de 1973 a finalement conduit à la paix avec l’Egypte ; la première Intifada, qui a débuté en 1987, a conduit aux accords d’Oslo et à la paix avec la Jordanie ; et la deuxième Intifada, qui a éclaté en 2000, s’est terminée par le retrait unilatéral de Gaza.
Mais les chances que cette dynamique se reproduise sont faibles. Il n’existe aucun groupe ou dirigeant palestinien accepté par Israël, comme l’Egypte et son président l’ont été après 1973. Le Hamas est déterminé à détruire Israël et l’Autorité palestinienne est faible. Israël est également faible : son unité en temps de guerre se fissure déjà, et il y a de fortes chances que le pays se déchire davantage quand les combats diminueront. Les anti-bibistes espèrent tendre la main aux bibistes déçus et forcer des élections anticipées cette année. En janvier, des proches d’otages ont fait irruption lors d’une réunion parlementaire pour exiger que le gouvernement essaie de libérer les membres de leurs familles, dans le cadre d’une bataille entre Israéliens pour savoir si le pays devait donner la priorité à la défaite du Hamas ou conclure un accord permettant de libérer les captifs restants. La seule idée sur laquelle il existe une unité est peut-être celle de s’opposer à un accord « terre contre paix ». Après le 7 octobre, la plupart des juifs israéliens conviennent que tout nouvel abandon de territoire fournira aux militants du Hamas une rampe de lancement pour le prochain massacre.
En fin de compte, l’avenir d’Israël pourrait donc beaucoup ressembler à son histoire récente. Avec ou sans Netanyahou, la « gestion des conflits » et « tondre l’herbe » resteront une politique d’Etat, ce qui signifie davantage d’occupations, de colonies et de déplacements. Cette stratégie pourrait apparaître comme l’option la moins risquée, du moins pour un public israélien marqué par les horreurs du 7 octobre et sourd aux nouvelles suggestions de paix. Mais cela ne fera que conduire à davantage de catastrophes. Les Israéliens ne peuvent pas espérer une stabilité s’ils continuent d’ignorer les Palestiniens et de rejeter leurs aspirations, leur histoire et même leur présence.
C’est la leçon que le pays aurait dû tirer de l’avertissement séculaire de Dayan. Israël doit tendre la main aux Palestiniens s’ils veulent une coexistence vivable et respectueuse.
Aluf Ben est rédacteur en chef du quotidien Haaretz. Cet article vient de paraître en version originale dans le magazine Foreign Affairs. © 2024 Foreign Affairs. Distributed by Tribune Content Agency.