À présent que tu as grandi, que tu as quitté la maison et que tu t’élances dans la vie, voici quelques conseils sans prétention qui me viennent tout juste à l’esprit.
Toi qui as choisi le droit pour faire tes études, sache que le chemin du droit est parfois sinueux, et efforce-toi de rester toujours droite. Pour ne pas être manipulée, ne sois pas manipulable. Puisque tu privilégies la justice, sois juste envers les autres, ceux qui t’entourent et ceux qui viendront te voir dans ta profession, et sois honnête envers toi. Rends-toi justice à toi-même : connais ta valeur. Ne te méprends pas sur tes capacités, ne te pose pas de frontière, ne te galvaude pas : tu es capable du meilleur.
Tu peux tout faire, tout avoir, tout savoir, tout connaître. Poursuis tes études dans les meilleures universités. Apprends tout ce que tu peux le temps de ta vie d’étudiante car tu n’auras plus jamais l’occasion de te cultiver autant et d’approfondir tes connaissances. Suis ton chemin de brillance, où tu as montré déjà tant d’intelligence. Empile les diplômes. Ne leur laisse pas croire que parce que tu es une fille, tu ne peux pas arriver au sommet. Et ne permets pas à ce monde mercantile de s’emparer de ta mentalité. Reste toujours en quête de savoir, de beauté, de vérité.
Je sais que le divorce de tes parents alors que tu étais encore une enfant, et cette vie erratique de garde que l’on appelle partagée, t’a partagée en deux. Toi qui disais, quand tu étais petite, « l’amour est mort », ne parle pas pour toi. Ne cesse jamais d’être amoureuse, et de croire aux sentiments même si tu t’es brûlé les ailes, envole-toi et ne pose pas les pieds sur terre. Certes tes parents ne formaient pas la meilleure équipe, mais elle a donné toi, et pour toi, cela valait la peine, même si la peine était grande. Et si je ne regrette rien, c’est parce que tu es là.</p><p>La justice et le bien sont tes idéaux ? Ne transige pas avec la bonté, et sois toujours de bonne volonté, car comme le dit Kant, seule la bonne volonté est bonne. Celle qui aide les pauvres, celle qui défend les justes causes. Celle qui se consacre à autre chose qu’à l’obsession de gagner sa vie. Comme le disait Jésus, qui veut gagner sa vie la perdra.
J’aimerais que tu saches d’où tu viens et que tu prennes un soin infini du trésor que tu as reçu en héritage. Ce trésor, c’est ton peuple, ta tradition, ta spiritualité et la Bible qui nous offre de si beaux passages, tout autant que ses commentaires innombrables. J’aimerais que tu gardes le shabbat et que tu le sanctifies car ce n’est pas le jour du repos mais du réveil de nos âmes, lorsque nous réussissons ce miracle de poser les portables pour se consacrer à la prière et aux autres. Je te souhaite de prier, car quand on prie on se réunit, et nous ne sommes rien sans notre communauté, qui nous offre une identité et une maison où aller quand nos maisons brûlent et nos cœurs s’affligent dans les temps de détresse et de désolation.
J’aimerais que tu te soucies des tiens. Tes grands-parents sont comme des monuments qui se remplissent de vie de voir grandir leurs petits-enfants. Tu pourras aussi t’enquérir de nous, qui avons tout fait pour que tu sois bien, sans jamais rien attendre en retour. Je t’ai élevée comme une reine car tu régnais sur mon cœur et sur ma vie, et je me suis efforcée de t’apprendre ceci : Respecte ton père et ta mère, cela signifie respecte aussi ta mère, même si nous sommes dans une société patriarcale dont nous essayons de nous sortir tant bien que mal.</p><p>Sois féministe, mais sois-le vraiment. Pas juste en le disant, mais en le montrant dans tes actes, tes actions, tes rébellions, tes prises de position. Cela signifie concrètement : engage-toi et prends le parti des femmes. Être une femme n’est toujours pas une sinécure. Entre 30 et 40 ans, tout arrive, le mariage, les enfants, la carrière, et parfois le divorce et la violence économique, morale, physique : après s’être élevée et avoir élevé ses enfants, il faut se relever et ce n’est pas toujours facile. Il faut beaucoup de courage, d’abnégation et de force. Il faut être unies pour être fortes.
Sois féminine et sois-le vraiment. Si tu as une fleur, mets-la au frais, arrose-la et prends-en soin, et puisque tu es une fleur, comporte-toi comme telle, et privilégie la délicatesse. Choisis l’élégance, reflet de ton âme. Tu sais t’habiller, tu sais décorer, tu as le goût et le talent de la beauté. Cherche toujours la grâce. Princesse, guerrière, intellectuelle, reste sur le chemin des cimes.
Et tu seras une femme, ma fille.
Eliette Abécassis