Joseph et Anna Sénéchal seront reconnus Justes parmi les nations pour avoir caché à Fougères Esther et Anne-Marie, une maman et sa fille juives, en 1944.
Deux Fougerais, Joseph et Anna Sénéchal, viennent d’être reconnus à titre posthume Justes parmi les Nations par l’institut Yad Vashem, de Jérusalem. Cette reconnaissance est apportée aux hommes et aux femmes non juifs qui protégèrent des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, soit en les cachant chez eux, soit en contribuant à leur exil vers le monde libre, soit en leur procurant des faux papiers…
Traquées à Paris, cachés à Fougères
Joseph et Anna Sénéchal formaient un couple d’ouvriers qui vivaient rue Canrobert, dans le quartier de Bonabry, à Fougères. A la fin de 1943, ils recueillirent Esther Kimel et sa fille Anne-Marie, née au mois de novembre précédent. Esther, comme son mari Eugène, était d’origine polonaise. Juifs ashkénazes, ils étaient arrivés en France dans les années 30. Ils vivaient à Paris.
En janvier 1944, l’étau se resserre sur cette famille. Eugène est arrêté et est emprisonné à la prison de la Santé. C’est par l’intermédiaire d’amis communistes, Joseph et Jeanne Lefranc, qu’Esther et Anne-Marie arrivèrent à Fougères. Joseph Sénéchal (dont les parents étaient eux mêmes nés à Landéan et La Chapelle-Saint-Aubert), et Anne Plard étaient nés à Fougères en 1896. Ils s’étaient mariés en 1920 à Fougères. Anna est décédée en 1948, Joseph en 1980. Le couple n’a pas eu d’enfant.
Elles y vécurent clandestinement jusqu’à la Libération, en août 1944, chez Joseph et Anna, née Anna Plard, oncle et tante des Lefranc. Eugène survécut à son emprisonnement et retrouva sa famille à la Libération.
Dans les années qui suivirent la guerre, les deux familles se rencontrèrent régulièrement. Anna Sénéchal était décédée en 1948, Joseph s’était remarié et vécut rue Canrobert jusqu’à sa mort, en 1980. Puis le temps passa et les liens se dissipèrent.
Au début des années 2000, Anne-Marie Revcolevschi fit des recherches avec l’aide de la ville de Fougères pour retrouver des membres de la famille Sénéchal, sans résultat. La publication d’un article dans La Chronique en janvier 2021 a permis de relancer les contacts, des membres de la famille Sénéchal se faisant connaitre auprès d’Anne-Marie.
Une démarche qui lui a permis de présenter un dossier de reconnaissance de Justes parmi les nations auprès du comité Yad Vashem de France, puis à Jérusalem.
Une cérémonie à Fougères
Agrégée de lettres, Anne-Marie Revcolevschi a enseigné, puis a travaillé pour le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et au sein du ministère de l’Éducation nationale. De 2002 à 2009, elle a dirigé la Fondation pour la mémoire de la Shoah, présidée par Simone Veil et David de Rothschild. Elle a lancé et présidé de 2009 à 2017 le projet Aladin, qui agit pour une meilleure connaissance mutuelle entre juifs et musulmans. Anne-Marie Revcolevschi a aussi eu des responsabilités dans plusieurs institutions juives de France, dont le comité Yad Vashem.
Anne-Marie Revcolevschi a reçu en décembre dernier la confirmation de Yad Vashem Jérusalem. Le nom de Joseph et Anna Sénéchal sera inscrit sur le mur des Justes en Israël, et au Mémorial de la Shoah, à Paris. Une cérémonie devrait aussi se tenir à Fougères.
Par Hervé Pittoni