« Fauda », « Our Boys », ou encore « False Flag »… Les séries israéliennes tentant de relater le conflit israélo-palestinien se sont multipliées ces dernières années.
Pour chercher l’inspiration, les producteurs américains ont pris pour habitude de regarder à l’Est. Ces dernières années, Israël est devenu l’un des premiers exportateurs de fictions aux Etats-Unis. Depuis la diffusion d’Hatufim, en 2010, série qui a inspiré l’américaine Homeland, l’Etat hébreu accumule les succès d’audience : Possession, No Man’s Land, BeTipul… Exportée, regardée, adaptée – BeTipul est le concept original de l’excellente En thérapie –, la fiction israélienne séduit, en faisant le choix d’être le plus possible aux prises avec le réel.
Dans Hatufim, deux otages israéliens sont de retour au pays, 17 ans après avoir été kidnappés par une cellule islamiste. Dans Téhéran (Apple TV +), une agente du Mossad infiltre la capitale iranienne, pour sa toute première mission. Dans False Flag, chaque saison met en scène une opération sous faux pavillon des services secrets israéliens. Tensions géopolitiques, drame, et espionnage… La recette gagnante des séries israéliennes l’est aussi d’un point de vue budgétaire : la production de Homeland a par exemple coûté deux fois plus cher que sa version originale. « La télévision israélienne peut capitaliser sur un sujet qui parle à son public national, tout en étant familier au reste du monde, observe le Dr Nahuel Ribke, professeur associé à l’Université ouverte d’Israël, spécialiste des séries. Cela les rend donc plus simples à exporter à l’international, d’autant qu’elles jouent souvent sur des codes qui nous sont familiers, comme ceux du thriller et de l’espionnage. »
De Fauda à Our Boys
La série à succès Fauda (Netflix) ne déroge pas à la règle. Ses quatre saisons imaginent le quotidien d’agents infiltrés arabophones dans les territoires palestiniens – la saison 3 se déroule même dans la bande de Gaza. Tournée en hébreu et en arabe – Fauda signifie d’ailleurs « chaos » dans cette langue -, elle entend projeter le spectateur dans une vision hyperréaliste du quotidien de part et d’autre de la frontière. Inspirée du vécu de ses deux créateurs – Lior Raz est un ancien agent sous couverture dans la région et Avi Issacharoff un journaliste spécialiste du conflit -, la série ne recule devant aucune scène de violence. Elle n’hésite ni à exposer la surveillance tous azimuts des territoires palestiniens, ni à montrer les héros israéliens sous un jour défavorable.
Mais Fauda est aussi vertement critiquée : à l’international, elle est accusée de véhiculer uniquement la vision israélienne du conflit. Le quotidien israélien Haaretz a même déploré que la fiction « ne se rende pas compte des réalités en Cisjordanie ». « Fauda ressemble aux westerns, qui racontaient l’affrontement des ‘gentils’ Américains avec les Amérindiens, renchérit Nahuel Ribke. Comme du temps des westerns américains, Fauda est perçue par les Israéliens comme une peinture de la réalité du conflit avec les Palestiniens, alors qu’elle ne fait souvent qu’en renforcer leur vision préconçue. »
D’autres séries tentent pourtant d’adopter une vision beaucoup plus nuancée de la réalité. Our Boys, production israélo-américaine, raconte le meurtre d’un jeune Palestinien après le triple assassinat d’adolescents israéliens. Diffusée en 2019 sur HBO, elle rappelle la flambée de violences entre les deux peuples qui avaient suivi ces événements à l’été 2014. La série, soucieuse de présenter les deux côtés de l’histoire, avait provoqué l’ire du Premier ministre Benyamin Netanyahou, qui avait réclamé son boycott. Peine perdue : avec son ton âpre et son refus de tout manichéisme, la série s’est imposée comme un classique du genre, remportant 13 Ophir (l’équivalent des césars) en Israël.