Si Erdogan multiplie les assauts verbaux contre Nétanyahou, les relations commerciales entre Israël et la Turquie, deux partenaires économiques de très longue date, sont au beau fixe.
Depuis le début de la guerre à Gaza, la rhétorique anti-israélienne de Recep Tayyip Erdogan atteint des sommets. Pas un jour ne passe sans qu’il ne condamne Benyamin Nétanyahou, le « boucher de Gaza ». Il promet au Premier ministre israélien qu’il finira ses jours comme un criminel de guerre à la Milosevic.
Son parti, l’AKP, a même appelé au boycott des marques perçues comme soutenant Israël. Mais derrière les discours enflammés, les relations commerciales entre les deux pays restent florissantes. Il faut dire que l’an dernier, le commerce bilatéral pesait près de 9 milliards de dollars.
Depuis le début de la guerre à Gaza, plus de 300 cargos ont quitté les ports turcs pour livrer acier, fer, produit chimique, textile et ciment à Israël, sans oublier le précieux pétrole azerbaïdjanais. Depuis le port de Ceyhan, qui assure près de 40% des besoins annuels en brut d’Israël, le robinet n’a pas été coupé. Cela n’étonne guère, Cengiz Aktar, professeur invité à l’université d’Athènes. « C’est un trait permanent des relations turco-israéliennes », assure-t-il. « Il y a toujours eu des hauts et des bas, mais ça n’a jamais, jamais, altéré ou changé quelque chose à la relation commerciale et économique qui existe entre les deux pays. »
Il faut dire qu’il serait difficile pour le gouvernement turc de fermer le port à ces départs. « L’acier part de la Turquie, et la Turquie importe aussi beaucoup de pièces de haute technologie, et notamment des pièces essentielles de ces drones, dont elle est très fière », explique le chercheur, qui résume : « devant le public on gueule le plus fort possible et derrière le commerce continue ».
Face aux accusations de complaisance, Erdogan contre-attaque
Autre lien économique entre les deux puissances régionales : le conglomérat turc Zorlu assure 7% des besoins en électricité de l’Etat hébreu. L’opposition a même récemment interpellé le gouvernement sur l’utilisation de la base aérienne d’Incirlik par l’armée américaine pour des livraisons d’armes à Israël.
Pour sa défense, l’exécutif turc fait valoir que ce sont des entreprises privées, qu’il ne peut pas intervenir dans les contrats commerciaux. Quant au président Erdogan, il ne supporte pas ces accusations. Un journaliste turc en exil, Metin Cihan, tient un compte précis des cargos turcs qui approvisionnent Israël, notamment son armée, en vêtements ou nourriture. Il a pointé l’une des sociétés d’un fils du président, Burak Erdogan, d’autres liées à son parti l’AKP ou à une fondation islamiste. En réponse, le président turc a saisi les tribunaux et porté plainte contre le journaliste pour diffamation. La justice a demandé la suppression des tweets où il détaille un commerce bien embarrassant pour le président.
Tout ce jeu économico-diplomatique irrite aussi l’Iran, qui demande à Ankara de sanctionner la machine de guerre israélienne en mettant ses actes en accord avec ses paroles. En vain pour le moment.