Décrit comme l’architecte de l’attaque du 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1 200 morts, selon les autorités israéliennes, Yahya Sinouar, 61 ans, est le chef du Hamas dans la bande de Gaza depuis 2017. Radical, pragmatique et charismatique, cet ancien prisonnier en Israël, aujourd’hui considéré par l’État hébreu comme « le visage du diable », a fait l’essentiel de sa carrière dans l’ombre.
On le décrit comme l’architecte de l’attaque du 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1 200 morts, en majorité des civils, selon les autorités israéliennes. Yahya Sinouar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza, est considéré par l’État hébreu comme « un mort en sursis ».
Celui qui est désormais « le visage du diable », selon un autre terme de l’armée israélienne, n’est pas apparu en public depuis octobre. L’homme de 61 ans, qui a fait l’essentiel de sa carrière dans l’ombre, a passé 23 ans dans les prisons israéliennes.
Le « boucher de Khan Younès »
« C’est l’homme de sécurité par excellence » qui « prend des décisions dans le plus grand calme », affirmait à l’Agence France-Presse Abou Abdallah, un ex-codétenu du Hamas, au moment où Yahya Sinouar en prenait la tête en 2017.
En 1987, lorsque la première Intifada – le soulèvement contre l’occupation israélienne – éclate dans un camp de réfugiés du nord de la bande de Gaza, Yahya Sinouar rejoint le Hamas tout juste fondé.
Né à Khan Younès, un camp du sud du territoire, il dirige dès ses 25 ans l’Organisation du djihad et de la prédication, l’unité de renseignement du Hamas qui punit les « collaborateurs », ces Palestiniens châtiés pour intelligence avec l’ennemi israélien. Un rôle qui lui vaudra un surnom : le « boucher de Khan Younès ».
Il a fait l’objet de multiples tentatives d’assassinat
Un an après, l’homme à la chevelure blanche fonde Majd, le service de sécurité intérieure du Hamas, avant d’être incarcéré en Israël 1989, où il s’imposera comme le leader des prisonniers. Décrit comme charismatique, il est condamné plusieurs fois à la perpétuité avant d’être libéré en 2011 avec un millier de détenus, en échange du soldat Gilad Shalit, otage du Hamas pendant cinq ans.
Placé sur la liste américaine des « terroristes internationaux », il fait l’objet de multiples tentatives d’assassinat. En 2017, il prend la tête du Hamas à Gaza et impulse une stratégie « radicale sur le plan militaire et pragmatique en politique », explique à l’AFP Leïla Seurat, chercheuse au Centre arabe de recherches et d’études politiques (Carep) à Paris. « Il ne prône pas la force pour la force, mais la force pour amener (les Israéliens) aux négociations », ajoute-t-elle.
Sur le plan politique, il prône une direction palestinienne unie pour tous les territoires occupés : la bande de Gaza, actuellement tenue par le Hamas au sud, la Cisjordanie, dont le Fatah de Mahmoud Abbas tient des pans entiers au nord, et Jérusalem-Est.
La France le prive de « ressources économiques »
L’année de son élection à la tête du Hamas, le mouvement accepte le principe d’un État palestinien dans les frontières de 1967, mais conserve comme but ultime la « libération » de tout le territoire de la Palestine de 1948, incluant le territoire israélien actuel.
Le gouvernement français a interdit mardi 5 décembre 2023 et pour six mois la fourniture de « ressources économiques » au chef du Hamas à Gaza, a indiqué le ministère de l’Économie et des Finances dans un communiqué.
Un arrêté daté du 30 novembre 2023 et entré en vigueur mardi « interdit ainsi à toute personne physique ou morale » de fournir à Yahya Sinouar une aide financière, poursuit Bercy.
« Bien que Yahya Sinouar ne dispose pas d’avoirs en France, cette désignation nationale constitue un préalable nécessaire pour l’adoption d’une mesure de gel antiterroriste au niveau européen », ajoute le ministère, rappelant que le Hamas est un « groupe désigné comme terroriste par l’Union européenne ».
Le 7 octobre, il « a pris tout le monde par surprise »
En novembre, la secrétaire d’État française chargée de l’Europe Laurence Boone avait plaidé pour la mise en place de sanctions européennes visant de hauts responsables du Hamas, principalement financières, qui pourraient prendre la forme d’un gel des avoirs.
L’opération du 7 octobre dernier qui a meurtri Israël, dont il est considéré comme l’architecte, a probablement été monté pendant un an ou deux, expliquait à l’AFP Leïla Seurat, la chercheuse au Carep à Paris.
Selon elle, Yahya Sinouar « a imposé son tempo pour changer le rapport de force sur le terrain et a pris tout le monde par surprise ».
Les otages, l’une de ses armes pour combattre Israël
« Quelqu’un comme Sinouar décrypte très bien les Israéliens. Les dirigeants du Hamas ont en substance parfaitement compris les divisions du pays, donc sa faiblesse, mais aussi le fait que, pour combattre une armée nettement plus forte en moyens et en hommes, il faut recourir à des armes différentes, d’où les otages », analysait dans Le Monde Matti Steinberg, ancien membre des services de renseignement israéliens.
Lors de l’attaque du Hamas, 240 personnes ont été prises en otage. « Sinouar consacre le Hamas comme celui qui libère les prisonniers palestiniens. Ils ont imposé l’idée que le 7 octobre était une victoire de leur mouvement. Et chaque libération d’otages est un rappel de cette victoire aux yeux de l’opinion palestinienne », ajoutait le spécialiste dans le quotidien, qui le décrit comme le maître du jeu à Gaza.