Tournée vers une clientèle étrangère, spécialisée dans le logiciel, la tech israélienne est moins impactée que d’autres pans de l’activité nationale par le conflit avec le Hamas.
La start-up nation israélienne endosse un nouveau rôle : moteur de l’économie du pays, elle va devoir aussi jouer les airbags. Alors que la guerre avec le Hamas entame sa neuvième semaine, Israël voit ses perspectives économiques s’assombrir. Des secteurs comme le tourisme, le BTP ou l’agriculture sont en panne sèche, la demande des ménages est en berne et la guerre coûte chaque jour 270 millions de dollars au pays, souligne l’Institut Xerfi. « L’économie israélienne n’échappera pas à la récession fin 2023, début 2024 », écrit Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision dans un décryptage publié le 30 novembre.
Dans ce paysage morose, la tech israélienne résiste. Depuis le 7 octobre, elle a enregistré 29 levées de fonds totalisant près d’un milliard de dollars, pointe un bilan de Start-Up Nation Central. Le 21 novembre, une annonce importante pour le pays a eu lieu : le début de la mise en service du supercalculateur Israel-1 construit par Nvidia. Un lancement réalisé avec deux mois d’avance. Notons enfin les rachats d’ampleur par la firme californienne Palo Alto Networks de deux jeunes pousses israéliennes : Talon Cyber Security pour 625 millions de dollars et Dig Security pour 350 millions de dollars.
Du fait de sa pyramide des âges, le monde de la tech est pourtant l’un des plus touchés par la mobilisation des réservistes. A minima 15 % des effectifs de la « start-up nation » ont été appelés. « Les entreprises ont dû reprioriser certains projets et les distribuer différemment en s’appuyant davantage sur leurs équipes internationales », observe Avi Hasson, PDG de Start-Up Nation Central et ancien scientifique en chef du ministère de l’Economie et des finances du pays.
Des start-up tournées vers l’étranger
Le secteur numérique profite néanmoins de sa singularité historique : le marché intérieur est si petit que l’écosystème foisonnant de start-up qui y a poussé est tourné, de longue date, vers la clientèle étrangère, notamment les Etats-Unis. La demande n’a donc pas été entamée. « La plupart des entreprises de la tech israélienne opèrent dans le domaine du software », rappelle le patron de Start-Up Nation Central. Elles n’ont donc pas d’approvisionnement sensible à sécuriser, ni de circuit logistique complexe à gérer. Enfin, le cœur battant de cette filière est situé à Tel Aviv, dans le centre du pays. « Une zone qui n’est pas perturbée par le conflit », précise Avi Hasson.
L’Ukraine a déjà montré comment l’économie numérique pouvait encaisser les chocs en période de guerre. Au cours des six premiers mois de l’année 2022, les professionnels ukrainiens du logiciel avaient réussi l’exploit d’augmenter leurs exportations de 23 % par rapport à l’année précédente. Mais si la tech israélienne communique avec tant d’ardeur sur sa résilience – « Israeli start-up deliver. No matter what », martèle sa dernière campagne -, c’est que les enjeux sont de taille.
Le secteur représente en effet plus de 18 % du PIB du pays, et environ la moitié de ses exportations. Le gouvernement le surveille donc comme le lait sur le feu. Si les investissements étrangers piquent du nez, l’impact se fera aussitôt sentir. D’autant que les tensions politiques autour du projet de réforme judiciaire de Benyamin Netanyahou avaient déjà créé des remous dans l’écosystème. Au premier trimestre 2023, les investissements dans les start-up avaient ainsi baissé de 70 % comparés à l’année précédente, pointait l’Autorité israélienne pour l’innovation. En avril dernier, elle soulignait également que le ratio de nouvelles start-up enregistrées à l’étranger plutôt que sur le territoire national était plus élevé que d’ordinaire : entre 50 et 80 %, contre 20 % l’année passée.