Omniprésent depuis les attaques du 7 octobre, le parlementaire est un intime du Premier ministre israélien. Formé par une droite dure, cet ex-militant du Betar a été condamné pour violences dans sa jeunesse.
Il s’énerve, il pleure, il tempête. Inépuisable, incontournable Meyer Habib, qui de plateau en plateau – avec une prédilection pour les chaînes les plus droitières, CNews et i24News – vient défendre, grandiloquent, la stratégie de son ami Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien, contre ceux qu’il appelle « les barbares ». Depuis les attaques du Hamas, qui ont causé la mort de 1 200 Israéliens, la parole radicale de ce parlementaire franco-israélien de 62 ans, apparenté aux Républicains, se répand ainsi sur nos antennes.
Jusque-là, le député des Français d’Israël – mais aussi de ceux d’Italie, de Turquie et de Grèce – suscitait la méfiance, les sarcasmes du personnel politique (et aussi des journalistes). Son intimité avec Netanyahou le rendait suspect. Ses gardes du corps, sa faconde, ses chemises pas toujours bien cravatées l’auréolaient d’un folklore qui ne seyait guère aux lambris de l’Assemblée nationale. Mais depuis le 7 octobre, tout a basculé. Nous sommes à ce moment-là et Habib est l’homme de ce moment.
Omniprésent, Meyer Habib l’est aussi dans l’Hémicycle. Défendant bec et ongles la légitimité et les conditions de la riposte israélienne. Invectivant quiconque met en doute le bien-fondé des bombardements à Gaza. Capable d’apostropher le président de la commission des Affaires étrangères, Jean-Louis Bourlanges, tandis qu’à la tribune de l’Assemblée celui-ci déroule un réquisitoire anti-Netanyahou : « N’importe quoi ! Et il ose se dire président de la commission des Affaires étrangères ! C’est un discours munichois ! » Au téléphone, Bourlanges préfère dédramatiser : « Habib, c’est un chien fou. Il a une vision complètement déformée du conflit. »
Plus récemment, c’est à l’ancien ambassadeur de France en Israël Gérard Araud que Habib s’en est pris. Auditionné par la commission des Affaires étrangères, ce dernier avait dénoncé un « nettoyage ethnique » en Cisjordanie. « C’est faux, c’est indigne et c’est un mensonge ! » a répliqué Habib. « Un juif ne sera jamais un colon en Judée ! » Il y a quelques années, parler de la Judée en lieu et place de la Cisjordanie aurait fait sourire : seuls les religieux extrémistes portaient cette vision d’un Grand Israël. Mais trente ans ont passé depuis la poignée de main entre Rabin et Arafat scellant les accords d’Oslo. Les « faucons » ont gagné, imposé leur vocabulaire. Araud, qui le fréquente depuis vingt ans, tranche : « Habib ? Un fanatique. » « Truculent sur la forme, insupportable sur le fond », préfère dire le député socialiste Jérôme Guedj.
Représentant du Likoud en France
Sa proximité avec Benyamin Netanyahou, sans cesse évoquée dans ses interventions, explique en grande partie son influence : impossible pour un dirigeant français d’avoir accès au Premier ministre israélien sans le feu vert de Habib.Alors ministre de l’Economie, Emmanuel Macron avait essuyé, selon la cellule d’investigation de Radio-France, un refus humiliant lors d’un voyage en Israël en 2015. Sa colère de l’époque envers Habib ne l’a pas empêché, une fois président, d’emmener le député dans son avion à chacun de ses déplacements à Tel-Aviv.
Habib et Netanyahou se connaissent depuis le début des années 1990. Le premier est alors un représentant du Likoud en France, le second, un politicien déjà roué, à l’aube d’une carrière d’une longévité exceptionnelle. Dans les années 2000, Habib organise les séjours de Netanyahou à Paris (agenda, rencontres avec les journalistes). Quand ceux-ci se font à titre privé, la contribution de l’ami Arnaud Mimran – condamné depuis dans l’affaire dite de la taxe carbone, et mis en examen pour trois meurtres – est souvent sollicitée.
En Israël, Habib a un statut spécial, sorte d’ambassadeur bis. En 2005, il assiste au dîner privé entre les couples Sarkozy et Netanyahou, quand Gérard Araud, alors ambassadeur, est tenu à l’écart. Plus édifiant encore : à l’issue d’un voyage d’Emmanuel Macron à Tel-Aviv en janvier 2020, Habib se vante, sur son compte Facebook, d’avoir, à la demande de celui-ci, « accompagné le président à un petit déjeuner de travail de 2 heures à la résidence du Premier ministre Netanyahou. Je ne peux entrer dans tous les détails de 90 % des dossiers abordés pour des raisons de confidentialité évidentes ». La candidature de Habib à la députation a été encouragée par Netanyahou. En 2013 et en 2017, ce dernier va jusqu’à enregistrer des vidéos dans lesquelles il appelle à voter pour celui qu’il désigne ainsi : « Un bon ami de moi et un bon ami d’Israël. »
Il ne faut pas s’y tromper : Habib n’a rien d’un hurluberlu. Il fait de la politique. « Sur la question palestinienne, il a conduit les élus Les Républicains, qui ne veulent pas se couper d’un électorat juif, à durcir leur position », constate Jean-Louis Bourlanges. Parmi ceux-là, Michel Herbillon, vice-président de la commission des Affaires étrangères, tombé sous le charme de Habib, « un homme chaleureux et sympathique. C’est un militant de la cause d’Israël, qui s’exprime de façon véhémente mais avec conviction. Ses interventions après le 7 octobre ont été extrêmement émouvantes ». Plus récemment, c’est aux élus du Rassemblement national (RN) que Habib fait les yeux doux : applaudissements ostentatoires à l’Assemblée ou ce tonitruant « Bravo ! » lancé à Marine Le Pen le 10 octobre, après une question sur l’islamisme, trois jours après les attaques du Hamas.
De la politique encore. Quand Habib assène : « Cette guerre n’est pas une guerre de territoire, c’est une guerre de civilisation », il parle aussi bien aux électeurs de Zemmour – qui a totalisé 54 % des voix chez les Français d’Israël au premier tour de la présidentielle – qu’à ceux de Marine Le Pen ou d’Eric Ciotti, le patron des Républicains (LR). Mais aussi à des figures macronistes comme Mathieu Lefèvre ou Caroline Yadan, et à toute une frange d’intellectuels, d’Alain Finkielkraut à Michel Onfray. Tous unis par cette obsession : la poussée de l’islam en Occident. Habib peut ainsi qualifier La France insoumise de « cinquième colonne du djihad » et, dans le même temps, affirmer, à l’instar du chasseur de nazis Serge Klarsfeld, que « le Rassemblement national est rentré dans le camp républicain », sans provoquer de réactions outrées. L’adoubement n’est pas que symbolique : aux Français juifs, effrayés par la montée de l’antisémitisme, Habib dit qu’ils peuvent à présent voter, sans culpabilité, pour d’anciens antisémites ou pour les enfants de ces derniers (même si lui-même soutient qu’il ne votera pas pour Marine Le Pen en 2027).
Enquête préliminaire et amitié avec Arnaud Mimran
Il serait facile de faire de Habib une incarnation des illusions perdues des Français juifs. De leur peur. Mais qui représente-t-il vraiment ? L’homme se targue d’être élu depuis 2013 « par les 180 000 Français d’Israël ». La réalité, en raison d’une abstention record, est toute différente : sur les 83 397 électeurs français inscrits en Israël en avril dernier, seuls 4 889 ont voté pour Habib au premier tour (soit 5,9 % du corps électoral) et 5 926 au second (7,1 %). Ses méthodes de campagne ont plusieurs fois été dénoncées et, l’an passé, le Conseil constitutionnel a invalidé son élection pour « irrégularités ». Ce qui ne l’a pas empêché d’être réélu.
Vice-président du Conseil représentatif des Institutions juives de France (Crif) jusqu’en 2013, Habib fait figure de trublion dans la communauté juive. Le grand rabbin Haïm Korsia le trouve « attachant » mais refuse de s’exprimer sur ses positions politiques. Yonathan Arfi, le nouveau président du Crif, opposé à la présence de Marine Le Pen lors de la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre, n’a pas souhaité parler à son sujet. « Il dessert notre cause », résume son adversaire aux législatives, Deborah de Lieme-Abisror, sentiment qui nous a plusieurs fois été exprimé. Son style peu orthodoxe n’explique pas tout. Il y a l’enquête préliminaire dont il fait l’objet pour « détournement de fonds publics ». Ou ses liens avec l’escroc Arnaud Mimran. Dans des conversations interceptées dans sa cellule en 2019, et révélées par Mediapart, Mimran parlait ainsi de Habib : « Ça fait vingt ans que je lui fais gagner de l’argent. […] C’est grâce à moi qu’il a été élu député, c’est moi qui lui ai financé tout. […] Il a voulu faire croire qu’il n’était pas au courant du CO2, il a eu peur […], alors qu’il savait tout, je lui ai tout dit, à Meyer. »
Tout aussi troublant, et peu commun pour un parlementaire, Habib a écopé d’une sévère condamnation pour violences à la fin des années 1980. L’épisode n’a rien d’anecdotique : il permet de remonter le fil d’un parcours singulier, et de mesurer le chemin parcouru par un homme qui, après avoir « combattu l’extrême droite avec ses poings » comme il le dit lui-même, a choisi, trente-cinq ans plus tard, de défiler à ses côtés.
Prison avec sursis pour « coups et violences volontaires »
Issu d’une famille juive traditionnelle, d’origine tunisienne, Meyer Habib a grandi dans le 19e arrondissement de Paris. Impossible d’évoquer ses années de jeunesse sans citer le nom de Jacques Kupfer, personnage charismatique dont l’influence fut déterminante sur des générations de militants sionistes. Et sur Habib particulièrement, tant les deux hommes ont été proches. Disparu il y a deux ans, celui qui appelait Tsahal à faire de la bande de Gaza « un site archéologique » fut longtemps le chantre de la droite dure israélienne en France. C’était aussi un disciple de Zeev Jabotinsky, partisan d’un Etat d’Israël s’étendant sur les deux rives du Jourdain (et englobant donc la Jordanie), opposé à Ben Gourion, le fondateur de l’Etat juif, qui défendait, lui, une vision plus pragmatique. Jabotinsky fut à l’origine de la création du « parti révisionniste » – ancêtre du Likoud – et du Betar, organisation de jeunesse paramilitaire que Kupfer développera en France à partir des années 1970, et où Habib commencera son parcours militant.
A la fin des années 1980, le Betar jouit d’une forte réputation dans le monde étudiant. L’organisation combat aussi bien les militants propalestiniens que l’extrême droite : le Front national (FN), alors en pleine ascension, et les groupuscules nostalgiques de Pétain et de l’Allemagne nazie qui pullulent dans son orbite. Le 8 mai 1988, un rassemblement est organisé place Saint-Augustin, à Paris, par L’Œuvre française, mouvement ouvertement antisémite. Le Betar a décidé de frapper. Une trentaine de militants armés de barres de fer et déguisés en néonazis se présentent sur la place. Parmi eux, Meyer Habib. Dans un documentaire diffusé en 2019 sur Public Sénat (« le Descendant », de Stéphane Girard), Thierry Attali, un chef du Betar, raconte l’opération, et son résultat : « J’avoue que c’est pas beau à voir, c’est un carnage. » Dans leur procès-verbal, les policiers, eux, évoqueront des « victimes à terre baignant dans leur sang et des agresseurs qui continuaient à les frapper sauvagement ». Trois assaillants sont arrêtés, dont Habib.
Le futur député sera condamné à deux ans de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans pour « coups et violences volontaires commis avec préméditation, et pour rébellion ». Une peine ramenée à un an avec sursis par la cour d’appel de Paris, puis confirmée en Cassation en 1992. Preuve de la gravité des faits, les huit victimes seront indemnisées par le fonds de garantie contre les actes de terrorisme.
Sa condamnation n’entrave pas un itinéraire poursuivi dans l’ombre de Kupfer. Comme son aîné, Meyer Habib se lance dans la bijouterie de luxe. Et quand Kupfer quitte le Crif pour dénoncer son soutien aux accords d’Oslo, en 1993, c’est Habib qui continue de relayer la parole du Likoud au sein de l’institution. Président du Crif de 1995 à 2001, Henri Hajdenberg se souvient bien du personnage : « C’était un militant fougueux, mais qui avait du mal à s’exprimer. Je n’aurais jamais prédit qu’il aurait ce parcours, qu’il arriverait à ce niveau-là. Il s’est montré très habile, très manœuvrier. »
Entre-temps, et vraisemblablement par l’entremise de Kupfer, Habib a rencontré Benyamin Netanyahou, l’homme qui allait changer sa vie.Et faire de lui l’un de ses propagandistes les plus redoutables.
La façon de présenter cet homme courageux révèle son petit bobo-gaucho. Je pense, en tant que non juif que c’est faire l’oeuvre du diable de chercher à diviser ceux qui réagissent à la barbarie issue de l’islamisme radical via le hamas.
Avec mes salutations attristées