Les Emirats arabes unis, qui s’apprêtent à accueillir la COP28, sont le seul pays du Moyen-Orient à s’abstenir de toute critique virulente de l’Etat hébreu. Les liens économiques et militaires priment.
Une délégation de 1 000 personnes, le président Isaac Herzog, le Premier ministre Benyamin Netanyahou et une flopée de ministres. Le casting des invités israéliens à la COP28 de Dubaï, qui s’ouvre le 30 novembre, avait tout de la démonstration de force, comme une preuve ultime de la solidité des liens nouveaux entre les Emirats arabes unis et Israël, forgés dans les accords d’Abraham de 2020.
Mais depuis l’envoi des invitations à la conférence sur le changement climatique, il y a six mois, la guerre s’est invitée dans la diplomatie régionale, et le temps n’est plus aux célébrations. Il n’empêche : les Émirats n’ont pas officiellement retiré l’invitation de Netanyahou à Dubaï, malgré les bombes sur Gaza, malgré les milliers de morts palestiniens, malgré les condamnations quasi unanimes du monde arabo-musulman. Quasi unanimes car, en ces heures sombres, Israël peut compter sur l’appui discret de ses nouveaux amis émiriens.
Les Emirats préparent l’avenir de Gaza
Mohammed ben Zayed (MBZ), le tout-puissant président émirati, a été le premier dirigeant arabe à appeler Netanyahou après les attaques du Hamas, et à condamner les actes de l’organisation palestinienne. Mieux, les Emirats arabes unis sont allés jusqu’à bloquer toute sanction commune contre Israël lors du grand sommet arabo-musulman de Riyad, le 11 novembre, malgré les pressions de leurs voisins en faveur d’un blocus total de l’Etat hébreu. « Ce n’est pas une surprise : s’il y a bien un pays dans la région qui se tiendra le plus longtemps possible aux côtés d’Israël, ce sont les Emirats arabes unis, estime Michael Koplow, directeur de recherche au Israel Policy Forum, à New York. La raison principale en est l’existence de liens économiques et militaires très forts entre ces deux pays. La seconde raison est qu’il y a un passif de mauvaises relations entre les Emirats et l’Autorité palestinienne, et qu’Abou Dhabi ne soutient évidemment pas le Hamas. »
En réalité, la destruction du Hamas, émanation des Frères musulmans, dont l’islamisme constitue l’ennemi n° 1 des autocraties du Golfe, ne déplairait pas aux Emirats. Confiant dans la réussite militaire israélienne, MBZ prépare déjà l’avenir de la bande de Gaza, en essayant d’y placer l’un de ses hommes de confiance au pouvoir, le gazaoui Mohammed Dahlan. Ancien chef de la sécurité de l’Autorité palestinienne à Gaza, il a été expulsé par le Hamas en 2007 et vit depuis à Abou Dhabi, où il exerce comme conseiller sécuritaire de MBZ. L’occasion rêvée pour les Emirats de gagner de l’influence dans la région. « C’est tout le dilemme des Emirats arabes unis, explique Yoel Guzansky, spécialiste du Golfe à l’Institute for National Security Studies de Tel Aviv. Ils veulent à la fois montrer leur soutien aux Palestiniens et écraser le Hamas. En coulisses, ils nous répètent suffisamment souvent qu’il faut en finir pour de bon avec cette organisation terroriste… » C’est pourquoi Abou Dhabi a promis la construction d’un hôpital de campagne à Gaza et de soigner 1 000 enfants palestiniens sur son territoire. Sans pour autant rappeler son ambassadeur en Israël.
Reste à savoir jusqu’où, et jusqu’à quand, MBZ poussera son double jeu.
Corentin Pennarguear