Qui est Ofer Yannay, businessman israélien qui a fait fortune dans les énergies renouvelables, et qui depuis le 7 octobre est dans l’action? Un milliardaire et philanthrope qui a financé des équipements pour l’armée, a embauché cinq personnes à plein temps pour débusquer les fake news sur les réseaux sociaux et fait du soft power, y compris avec son équipe de basket, Hapoël Tel-Aviv. Rencontre.
« Prenez garde, ces terroristes veulent renvoyer le monde libre et les démocraties au Moyen-Age. Pas seulement Israël, mais tout l’Occident. Vous qui venez de commémorer les attaques du Bataclan, n’oubliez jamais qu’ils sont capables de tout. De massacres, de tortures, de viols, d’assassinats les plus abjects. D’autant qu’ils sont des marionnettes de l’Iran, avec qui ils pourraient aller jusqu’à envoyer des bombes, y compris nucléaires, sur Milan, Berlin, Rome voire sur les Champs-Élysées. Cela ne leur poserait aucun problème moral. Il faut arrêter ces sauvages ! » L’homme qui multiplie les mises en garde ces jours-ci en Europe (il est passé à Venise, Londres, Munich, Hambourg, avant Paris) et qui s’apprête à s’envoler pour les États-Unis, où il s’arrêtera à New York et Washington, s’appelle Ofer Yannay.
A 48 ans, il est la 40e personnalité la plus influente d’Israël, selon le classement du Jerusalem Post. A la fois homme d’affaires, milliardaire et philanthrope, il a fait fortune dans les nouvelles technologies, dans les énergies renouvelables et leur stockage, avec l’entreprise qu’il a fondée en 2012, Nofar Energy, cotée à la Bourse de Tel-Aviv depuis trois ans et valorisée à plus d’un milliard de dollars.Shakespeare à la rescousse
Moins volubile qu’à l’accoutumée (tout Israël est en deuil) mais extraverti malgré tout, jamais à court d’un trait d’humour ou d’une citation de Shakespeare (Henry VI, en l’occurrence), il est à Paris pour le business, a loué des salons dans un grand hôtel du côté de l’avenue de Friedland pour travailler avec ses équipes venues exprès de Pologne. Mais il a aussi tenu à organiser quelques rencontres pour faire du soft power, faire prendre conscience du danger. « Ce qui s’est passé le 7 octobre dépasse l’entendement. Même moi qui habite en Israël j’ai du mal à réaliser. J’ai parfois l’impression que je vis un cauchemar, dont je vais me réveiller. » Il soupire: « je me suis couché serein, avec un sentiment de sécurité le 6 octobre. Le lendemain, ça a été le coup de massue. Depuis, je ne dors plus tranquille. Je suis constamment sur le qui-vive. » Dans un anglais très fluide, il parle de « wake up call », de signal d’alarme, comparable au 11 septembre pour les Américains. Il évoque encore et encore le détail des attaques, pour être sûr que l’interlocuteur en mesure le degré d’horreur. Il rappelle les scènes « de torture et de carnage que les assaillants ont eux-mêmes filmées pour les diffuser sur les réseaux sociaux. Comment ont-ils pu ? tonne-t-il. C’est proprement inhumain, l’incarnation du mal. Le pire depuis l’époque nazie. Ils ont réussi à ressouder la société israélienne »
Mais, se console le patron, la voix un peu plus légère, « ils n’ont pas atteint tous leurs buts : ils pensaient être à Tel-Aviv en quelques heures, mais des civils héroïques les en ont empêchés, avant que l’armée prenne le relais. Ils pensaient également finir de diviser la société israélienne qui était extrêmement polarisée. Ils sont parvenus, au contraire, à nous souder. »
L’énergie créatrice d’Israël est mobilisée au service du pays et des victimes
Il raconte qu’en réaction au drame, il a choisi d’être dans l’action. Il a dépensé « plusieurs millions de shekels » pour des équipements destinés à l’armée. Le premier vendredi qui a suivi les attaques, il a acheté des pages entières de publicité dans les journaux du pays pour distiller le message « Israël vaincra » Il a aussi embauché 5 personnes à plein temps pour 3 mois pour « faire la chasse aux contrevérités sur les réseaux sociaux, et rétablir les faits. »
Pour son passage en France, il a planifié deux entretiens avec la presse : avec Challenges et avec un journaliste des pages sports du quotidien Le Parisien. Car il possède aussi une équipe de basket qu’il s’est offerte il y a deux ans : l’Hapoël Tel-Aviv. Malgré la guerre, ses joueurs ont poursuivi les compétitions et gagné au cours des semaines passées à Venise, Hambourg et Londres, mais perdu à Paris, le mercredi 8 novembre dans la Halle Carpentier. Pour suivre ces rencontres, Ofer Yannay a invité une dizaine d’enfants et d’adolescents du fan-club de l’équipe, dont un ou plusieurs parents ont été tués ou kidnappés le 7 octobre. « Ces pauvres petits sont traumatisés. Certains ont vu des proches torturés sous leurs yeux. Ce voyage leur apporte un peu de réconfort ». Pendant les matchs, il porte un T-shirt avec les photos des victimes. Il a envoyé balader un responsable sportif, qui lui avait demandé de se changer car dans les salles de sport, on ne fait pas de politique. « J’aurais fait de Gaza un territoire prospère, un vrai Singapour » .
Comment voit-il l’avenir de Gaza, lui qui emploie des Palestiniens dans son entreprise (à tous les niveaux hiérarchiques, sauf dans la direction générale) et dont 40 % des salariés hommes israéliens sont soit réservistes, soit sur le front ? « Je suis favorable à la paix, à la coexistence pacifique. » Il appelle de ses vœux la création d’une équipe de médiateurs internationaux, qui serait composée de leaders arabes influents, Saoudiens et Emiratis, et d’Occidentaux, américains et européens. « Il faut inventer de nouvelles stratégies, imaginer un agenda créatif pour trouver de nouvelles solutions. » Il parle même d’une coalition occidentale qui pourrait attaquer l’Iran pour stopper net son rôle délétère, y compris, « pourquoi pas, avec l’arme atomique »… Il a l’imagination fertile, mais ne veut pas du Turc Erdogan pour négocier: «Il est trop tourné vers ses propres intérêts et manque totalement d’empathie. Biden par exemple s’est laissé aller à la compassion, et l’a montré, lorsqu’il a vu les films des massacres. Cela nous a fait du bien. »
Pour l’homme d’affaires, l’avenir de Gaza doit se faire sans le Hamas, qui « a pris des années durant les Palestiniens en otage et les a privés de leurs ressources et de la possibilité de se développer. » Et de conclure « si moi en tant que patron j’avais dirigé Gaza depuis 2005, aujourd’hui j’en aurais fait un territoire prospère, un vrai Singapour »
Par Sabine Syfuss-Arnaud
Congratulations je ne dirais qu’un mot BRAVO