L’armée israélienne aurait réussi à détruire un missile balistique tiré par les rebelles Houthis du Yémen en plein vol… dans l’espace, selon plusieurs médias depuis dimanche. Ce serait une première dans l’histoire militaire, mais qui n’a pas été confirmée par Tel Aviv. En revanche c’est bel et bien la première interception d’un missile balistique par le très sophistiqué système israélien de défense Arrow.
La guerre entre Israël et le Hamas se déroule au sol, dans les airs avec le déluge de bombardements et lancements de roquettes, et peut-être même dans l’espace dorénavant.
L’État hébreu aurait réussi à intercepter pour la première fois un missile balistique ennemi alors qu’il se trouvait en dehors de l’atmosphère terrestre, soit à plus de 100 km au-dessus du sol, a affirmé le quotidien britannique The Telegraph, dimanche 5 novembre. Une information ensuite reprise par plusieurs médias, dont le très sérieux quotidien israélien Haaretz.
Cet exploit, qualifié par certains médias comme le Jerusalem Post de « première escarmouche spatiale de l’histoire militaire« , se serait produit mardi 31 octobre lorsqu’Israël a abattu en plein vol un missile balistique qui se dirigeait vers la ville d’Eilat au sud du pays.
Espace ou pas espace ?
Lancé depuis le Yémen par les rebelles Houthis pro-Iraniens, le missile a fait les frais de la première utilisation en temps de guerre d’Arrow, le système de défense anti-aérien israélien, développé depuis près de 25 ans « précisément dans le but de faire face à ce type de menace exceptionnelle d’une attaque par missile balistique à longue distance », explique Sim Tack, analyste militaire pour Force Analysis, une société de surveillance des conflits.
L’armée israélienne avait déjà confirmé la semaine dernière le recours à Arrow – et plus précisément Arrow-2, la deuxième itération (sur trois) de ce système de défense – contre ce missile des Houthis, mais sans entrer dans les détails. Dans un communiqué, l’État major israélien s’est contenté de stipuler avoir procédé à l’interception « au moment et à l’endroit opérationnels les plus appropriés ». « Il n’y a aucune preuve concrète qu’Israël a bel et bien abattu le missile dans l’espace, et la vidéo qui a été publiée par l’armée israélienne ne permet pas de dire avec certitude qu’il a été détruit avant son retour dans l’atmosphère », résume Sim Tack.
Les missiles comme celui lancé par les Houthis peuvent traverser en quelques minutes plus de 900 km et pour voler aussi loin leur trajectoire doit former un arc de cercle qui passe par l’espace.
Ce n’est pas un type de menace contre lequel le célèbre Dôme de fer israélien est efficace. « Le système israélien de défense anti-aérien se compose de trois couches : le Dôme de fer pour protéger le territoire contre les roquettes à courte distance, la Fronde de David qui doit permettre de se défendre contre les missiles de croisières et certains avions et Arrow, conçu pour intercepter les missiles les plus rapides qui volent le plus haut », résume Sim Tack.
Ultra-perfectionné et coûteux
Mais les dispositifs pour contrer les missiles balistiques ne visent pas forcément tous l’espace. « L’Ukraine abat des missiles balistiques russes depuis 18 mois sans avoir à les intercepter dans l’espace », note Frank Ledwidge, spécialiste des questions de guerre aérienne à l’université de Portsmouth. « Les Patriotes américains, par exemple, sont conçus pour détruire les missiles balistiques à courte distance lorsqu’ils s’approchent de leur cible », précise Sim Tack.
Ce ne sont que les programmes de pointe – comme le système Thaad américain, le S-500 russe ou encore Arrow – qui prévoient la possibilité d’une interception en dehors de l’atmosphère. Le défi de programmer avec précision le point d’impact du missile anti-missile à une telle distance relève de la gageure. D’autant plus que la cible peut voler à plusieurs kilomètres par seconde. « Il est aussi beaucoup plus difficile de corriger d’éventuelles erreurs de trajectoire lorsqu’on n’est plus dans l’atmosphère », ajoute Sim Tack.
La possibilité d’abattre un missile à cette distance de la terre est, cependant, connue depuis des décennies. « Il y a eu plusieurs tests d’interception dans l’espace dans les années 1980 et 1990, mais ils ont été abandonnés car ils produisaient des débris qui, à cette altitude, pouvait devenir dangereux pour les satellites », explique Alexandre Vautravers, spécialiste des questions d’armement et rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.
Ces systèmes ultra-perfectionnés et très coûteux – un missile Arrow coûtait plus de 3 millions de dollars au début des années 2000 – présentent un avantage considérable : « s’il rate sa cible dans l’espace, il reste du temps pour essayer de l’intercepter quand il retourne dans l’atmosphère », assure Sim Tack.
Une caractéristique essentielle aux yeux des Israéliens. L’État hébreu craint depuis près de trente ans d’être submergé par une pluie de missiles balistiques venus d’Iran et d’ailleurs, et le programme Arrow constitue à cet égard un premier pare-feu, expliquait en 2008 Uzi Rubin, un ingénieur considéré comme l’un des pères du système de défense anti-aérien israélien.
Double succès
Mais jusqu’à présent il était difficile de savoir si Israël a eu raison de dépenser des milliards – même si les États-Unis ont fourni plus de 50 % des fonds de ce programme – pour s’équiper d’un tel système.
Il a bien déjà été utilisé avec succès une première fois en 2017. Mais il s’agissait alors d’abattre un missile sol-air syrien qui avait pris pour cible un avion israélien. Tel Aviv avait eu recours au dispositif Arrow car la trajectoire de la cible « s’apparentait » à celle d’un missile balistique. Mais ce n’était pas un vrai test pour savoir si ce système de défense fonctionne comme prévu.
Avec le missile balistique lancé par les Houthis, Arrow a, pour la première fois, eu affaire à son adversaire naturel. Et c’est probablement plus important que de savoir si la cible a été détruite dans l’espace ou non. « Le succès de cette interception prouve en condition réelle que ceux qui ont élaboré Arrow ont bien fait leur travail », confirme Sim Tack.
« Ce qui était en jeu, ce n’est pas uniquement la défense des résidents d’Eilat », a assuré au Telegraph un responsable militaire israélien qui a préféré garder l’anonymat. « Cela permet de prouver à l’Iran qu’Israël dispose des moyens de contrer son programme de missiles balistiques », conclut-il.
Israël a d’ailleurs réussi une deuxième interception samedi 4 novembre. Cette fois-ci, l’armée israélienne affirme qu’il s’agissait d’un missile balistique tiré depuis Gaza et qui visait aussi Eilat.