À presque 80 ans, ce couple originaire du Tonneinquais a fait le choix de rester en Israël pour participer à l’aide humanitaire. Ils livrent un témoignage rempli d’espoir et soulignent l’entraide qui s’est organisée sur place
Rentrer se mettre à l’abri dans le Lot-et-Garonne ou rester en Israël pour participer à l’entraide sur place ? Le choix s’est rapidement imposé. André Frankel* et son épouse habitent à Tel-Aviv depuis qu’ils ont pris leur retraite il y a maintenant treize ans. Ils auraient pu tous les deux choisir de fuir la guerre et retourner dans la région tonneinquaise, d’où ils sont originaires.
« On était partis en voyage pendant les premières attaques le 7 octobre. On pensait que ça ne durerait que quelques jours. Mais quand on a vu que ça prenait une autre tournure, on s’est posé la question de rentrer en France ou non », raconte l’ancien avocat de confession juive.
Une aide alimentaire et psychologique
Mais à 78 et 79 ans, hors de question pour eux d’attendre patiemment la fin des attaques sans apporter leur aide. Depuis des semaines, ils préparent quotidiennement des colis de produits alimentaires, de vêtements, de médicaments ou encore de jouets à destination de ceux qui ont dû fuir leur maison. « Il y a un immense mouvement de solidarité dans lequel le peuple est uni pour aider les déplacés israéliens qui fuient depuis la ligne de front au nord ou au sud du pays », observe André.
L’ensemble des dons sont récoltés par diverses associations. Le couple les apporte ensuite dans les hôtels qui mettent à disposition des chambres pour ceux qui n’ont nulle part où aller. « Parmi eux, il y a cinq orphelins dont les deux parents ont été assassinés et pour lesquels mon épouse prépare des petits-déjeuners qu’elle leur apporte tous les jours. On essaie aussi de leur apporter de l’aide psychologique, et ayant une formation dans ce domaine, je me suis porté volontaire. Il y a une unité très forte, du peuple, pour faire face à la situation de guerre. Cela se traduit par une solidarité impressionnante. Je n’ai jamais connu cela auparavant. »
Des sirènes incessantes
Mais cette entraide hors du commun doit faire face à la peur d’une attaque inattendue. La ville est divisée en plusieurs secteurs dans lesquels une sirène retentit en cas de détection d’une ou de plusieurs roquettes. Chaque jour, celle-ci sonne plusieurs dizaines de fois. Passer quelques minutes au téléphone avec cette ancienne professeure des écoles et son mari aura suffi à entendre l’angoisse qu’elle procure. Et après la surprise qu’elle engendre, la même routine se met en place : ils ont 90 secondes pour se rendre dans une pièce sécurisée. Dans leur duplex situé au 5ᵉ étage, ils possèdent une pièce de sécurité faite de murs épais, d’une porte blindée et d’une petite fenêtre avec un volet en acier. « Dès que j’entends un bruit, dans le quart de seconde qui suit, je me demande si c’est la sirène. Cela se passe à toute heure du jour et de la nuit », précise le couple, qui doit rester enfermé à chaque fois durant dix minutes.
« Dès que j’entends un bruit, dans le quart de seconde qui suit, je me demande si c’est la sirène. Cela se passe à toute heure du jour et de la nuit » Et lorsqu’il est question de se déplacer dans la ville, l’angoisse grimpe d’un cran. Ce soir-là, André et sa femme avaient rendez-vous dans un cabinet médial situé à 5 km de leur domicile. « En permanence, je me demandais : si la sirène sonne, où pourrons-nous nous protéger ? Je regardais les immeubles dans lesquels nous pourrions rentrer. Quand il n’y en avait pas, je me disais que nous aurions à nous allonger par terre, mains sur la tête pour la protéger. Le trajet a duré quinze minutes. C’est stressant, mais il faut impérativement continuer à vivre », relate-t-il, habitué de son nouveau quotidien.
« Comme une famille »
Mais cette gymnastique intellectuelle ne s’arrête pas là. Le simple fait de monter dans un ascenseur est source d’angoisses : « Avant de m’y engager, je me suis demandé si la durée de la montée nous laisserait assez de temps pour choisir un lieu dans l’immeuble dans le cas où la sirène viendrait à sonner. En calculant qu’il nous faudrait entre 30 et 45 secondes pour atteindre le 9ᵉ étage, j’ai pensé qu’il nous resterait encore suffisamment de temps pour choisir un lieu où se protéger. Dans le cabinet, il y avait des indications sur l’emplacement de l’abri le plus proche. Une fois assis dans la salle d’attente, je me suis senti plus tranquille. »
Un climat de guerre, d’angoisse, mais surtout d’entraide qui est devenu le quotidien de ces Lot-et-Garonnais à Tel-Aviv, situé à seulement 50 km de la ligne de front de la bande de Gaza : « Ce qu’il se passe ici, c’est plus que de la solidarité, c’est comme une famille. Quand il arrive quelque chose de terrible dans une famille, on se retrouve ensemble et on combat. C’est ça aujourd’hui en Israël. »
*Le prénom et le nom ont été modifiés à la demande des intéressés.