Chronique d’Eliette Abécassis sur la guerre qui sévit, et la solitude ressentie par le peuple israélien, sur ce thème récurrent : « Vous n’êtes pas seuls ».
Vous n’êtes pas seuls, You are not alone . D’un discours, Joe Biden a bâti une cathédrale d’amour et de fraternité, d’intelligence et de bonté, de consolation pour ceux qui ont perdu leur famille, parfois toute leur famille, de lutte contre le mal que représente le terrorisme dans sa forme la plus absolue, qui consiste à massacrer des familles, torturer des enfants, les brûler vifs, à tuer sauvagement hommes, femmes et enfants, après les avoir torturés.
Devant la barbarie, il faut bâtir des cathédrales, immenses, de pierres ou de paroles, sous lesquelles on puisse s’abriter, dans lesquelles on puisse prier, à l’ombre desquelles on puisse voir la lumière, filtrée par des vitraux. Et, comme inspiré, il a prédit le pire pour ceux qui poursuivraient leur dessein, qui n’est autre que la destruction d’Israël. Il a répété « Ne le faites pas ». La fin de son discours a pris un tour mystique ; il a parlé d’inspiration et de lumière du monde.
Son cœur s’est exprimé avec une émotion qui dépasse le cadre de sa fonction, qui transcende le temps et l’espace pour nous emmener dans une autre dimension, spirituelle. Et, hanté par les visions d’horreur, il réfléchissait à rétablir la lumière dans la vie quotidienne, à travers l’existence humaine, pour faire advenir le bien devant tant d’atrocités. Et, fort de sa conviction intime et profonde, de son expérience, de ses voyages précédents, il disait « Vous n’êtes pas seuls ».
Peuple solitaire et toujours seul au milieu de tous. Seuls depuis Abraham qui a brisé les idoles dans la boutique de son père et qui est parti, un jour, laissant maison, famille et amis, pour vivre dans une tente au pays de Canaan. Seuls comme Isaac et Jacob au milieu des plaines avec leurs familles, quelques bêtes et un puits. Seuls comme Joseph qui s’échappe en Égypte, vendu par ses propres frères, dans un pays étranger, de famine et de rêve, où il n’y a pas d’Hébreux. Seuls comme Moïse lorsqu’il quitta sa ville en esclave alors qu’il y était prince, qu’il gravit la montagne pour chercher les tables de la Loi et qu’il en redescendit illuminé de la parole divine, mais plus seul que jamais, incompris des siens. Seuls comme Déborah juge et prophète, sous son palmier au mont Thabor au-dessus de la plaine de la Galilée, qui envoie l’armée de Nephtali et de Zebulon combattre les Cananéens.
Seuls au milieu des Babyloniens, des Séleucides et des Grecs qui vous ont brûlés ainsi que votre temple avant de vous déporter. Seuls sous les Romains qui vous ont envahis, torturés, massacrés, crucifiés. Seuls à Massada qui résista vaillamment, assaillie de tous côtés par l’armée romaine et qui succomba au siège par une tragédie. Seuls à Megiddo derrière ses remparts, aussi appelée Armageddon, théâtre de l’Apocalypse, et des sanglants assauts de la part des Égyptiens, des Perses, des Syriens.
Seuls sur votre terre. Seuls en dehors de votre terre. Seuls dans les mellahs sous le statut de dhimmis, protégés mais soumis aux rois, aux sultans, aux califes, interdits de lieux et de rêves, dans tous les pays arabes. Seuls parmi les chrétiens qui ont supprimé vos livres, vos vies et votre religion au nom de la Sainte Inquisition, et vous ont chassés de leurs pays. Seuls parmi les cosaques qui arrivaient à l’aube dans les villages pour détruire par le feu, le glaive et la haine hommes, femmes et enfants. Seuls face aux nazis qui vous ont déportés, mis dans des camps et déshumanisés, qui vous ont exterminés. Seuls lors de la guerre d’indépendance lorsque au lendemain du partage de l’ONU, huit pays arabes vous attaquèrent.
Seuls, aujourd’hui dans ce minuscule pays qui est plus petit que la Normandie, coincé entre la vaste Syrie, la longue Jordanie, l’immense Arabie saoudite et la grande et belle Égypte. Seuls dans vos maisons pauvres aux chambres d’enfants torturés, brûlés vifs, retrouvés enlacés, abattus par les terroristes islamistes, toujours on vous réunit, toujours on vous enferme, toujours on vous brûle, toujours on vous tue.
Mais seuls, l’étiez-vous avant ? Le terrorisme islamique a frappé à ce moment précis où vous n’étiez plus seuls afin de vous isoler et d’enflammer la région de sauvagerie. Qui sait que la paix se poursuivait à bas bruit chez vous et vos voisins, ceux qui vous entourent par les accords d’Abraham, l’homme solitaire, de qui descendirent des millions d’étoiles ? Après l’Égypte et la Jordanie, la paix s’est conclue avec les Émirats arabes unis, avec Bahreïn, avec le Soudan et avec le Maroc. Qui l’eût cru ? Cette paix était en train de se faire avec l’Arabie saoudite, qui abrite La Mecque : terre de croyants, terre native de l’islam, terre de pèlerinage et de vénération, qui était justement en train de s’unir à la sainte Jérusalem dans un traité de reconnaissance et de lien rétabli, un traité de paix, oui, car c’était à l’Arabie de proclamer à la face du monde, des terroristes, des fous, et juste avant le désastre : « Vous n’êtes pas seuls »
Eliette Abécassis