Face à la tragédie israélienne, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, appelle à préserver l’unité et à vivre une espérance partagée.
La communauté juive de France invite ce mardi à 19 heures à la grande synagogue de la Victoire, dans le neuvième arrondissement de Paris, à une prière commune face à la tragédie qui se déroule en Israël.
Quelques heures avant ce recueillement, le grand rabbin de France Haïm Korsia a répondu aux questions du Point
Le Point : Comment le religieux que vous êtes réagit durant ces jours douloureux ?
Haïm Korsia : Je vois toutes ces réactions, et pour la première fois, qu’une vision unanime se dégage pour condamner ces attaques. Mais j’observe aussi que certaines des composantes de la Nupes, ou le NPA sortent de l’arc du bon sens républicain et versent dans ce qu’on peut appeler l’apologie du terrorisme. Honte à eux ! Cette situation renvoie aux traumatismes les plus importants que nous avons vécus récemment. Regardez tous ces jeunes assassinés lors de cette rave party, c’est le même cataclysme qui avait décimé le Bataclan ! Je suis frappé par le nombre de personnes que je croise et qui me parlent des attentats de Paris de novembre 2015. Ils revivent ces moments terribles.
Mais dans la situation actuelle en Israël, il y a un drame supplémentaire : les prises d’otages. Faire la guerre, c’est quelque chose. Mais en l’occurrence, il s’est agi aussi de faire mal à une population, qui plus est un jour de fête, un jour où l’on s’amuse, où l’on se divertit, où l’on aime la vie. On est dans la négation du droit humain. Les règles des guerres imposent d’éviter le plus possible les victimes civiles. Or, en l’occurrence, elles sont mises en première ligne. Ce qui renforce la stupéfaction, la sidération internationale. Au milieu de cette tragédie, cependant, je vois aussi la grande solidarité qui se manifeste. Je reçois des messages de partout. Des représentants des cultes, qui ont chacun eu des mots extraordinaires. Des responsables politiques. Mais aussi de nombreux anonymes que je croise. Un onguent de fraternité vient cautériser nos souffrances.
Je suis loin. Mais je pense à la population israélienne qui vit dans une angoisse permanente. Ces femmes et ces hommes qui ont perdu certains membres de leur famille, frappés soudainement par la mort, et ignorent où d’autres se trouvent. Qui ne savent pas s’il n’y a pas des terroristes tapis près de chez eux. Si l’on transpose le nombre de victimes à la taille de la population, c’est comme si en France il y avait eu plusieurs milliers de morts. Si l’on mesure cela, on comprend mieux à quel point la situation est intolérable en Israël. On a frappé un peuple ouvert à la vie, on l’a renfermé dans la mort. Comme le dit le Deutéronome : « Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal. Et tu choisiras la vie. » Choisissons la vie !
Devant tant de désespoirs, les prières servent-elles à quelque chose ?
Elles procurent le sentiment de faire quelque chose, d’agir. Que l’on croie ou que l’on ne croie pas, je pense que l’on peut transformer le monde par une espérance partagée.
Une espérance partagée sérieusement endommagée…
Si vous espérez seulement quand tout va bien, ce n’est plus une espérance.
Propos recueillis par Jérôme Cordelier