En 1982, le commissaire de police Jean-Marc Bloch est chargé d’arrêter le groupe terroriste. Il raconte comment il a lutté, avec les moyens limités de l’époque, contre cette bande bien organisée.
« J’ai participé à la traque d’Action directe de 1982 à 1984. A l’époque, l’Etat n’a pas vraiment de service anti-terroriste. Le directeur de la police judiciaire estime que la BRI (Brigade de recherche et d’intervention), spécialisée dans la répression du banditisme et du braquage de banques, est la plus à même de lutter contre Action directe. Je suis alors commissaire principal. La vérité est que nous ne sommes pas du tout préparés à faire de l’anti-terrorisme. Nos moyens techniques sont rudimentaires, nos effectifs limités, cinquante personnes tout au plus.
Fin août 1982, on apprend par les Renseignements Généraux (RG) que deux types ont transporté les armes d’Action Directe dans une cache parisienne. On les file et on les voit descendre dans un parking avenue du Général Leclerc. Ils en ressortent très vite. Dans l’un des boxs, on découvre un énorme stock d’armes, de la dynamite, des grenades et des gilets pare-balles. Nous venons de saisir l’arsenal d’Action directe ! Quand les deux suspects reviennent quelques heures plus tard, nous les interpelons. Nous sommes le 17 septembre 1982 et la presse titre un peu rapidement « Action directe démantelée ». Certes, on a leurs armes mais ces hommes ne sont pas de hauts responsables. Nous sommes très dépendants des informations que veulent bien nous fournir les RG et la DST. On suit des gens mais on ne nous dit pas tout. On apprendra plus tard que les commandants de gendarmerie Christian Prouteau et Paul Barril, au sein de la cellule élyséenne, cherchent à manipuler certains membres de la mouvance Action directe. »
L’arrestation manquée d’Eric Moreau
« En octobre, nous repérons Eric Moreau, un membre de l’organisation, vers 16 heures avec un inconnu près de la place Gambetta, à Paris. On s’apprête à intervenir mais le patron des RG qui est avec moi dans la voiture me dit « surtout pas, celui qui est avec Moreau est un agent infiltré ! » Ce dernier finit par nous rejoindre et nous dit que Moreau n’est pas armé. Mais au moment où on veut l‘interpeller, le terroriste sort un 45 automatique et commence à canarder. J’essaie avec la voiture de le coincer le long d’un mur, il tombe sur le capot et tire vers l’habitacle. Une quarantaine de coups de feu ont échangés. Moreau se relève et disparait. C’est un beau loupé. »
« Au fil du temps, nous parvenons à interpeller une vingtaine de membres, souvent des sympathisants plus que des opérationnels. On se rend compte du rôle important d’Hellyette Besse, surnommée la Mamma, qui tient une librairie anarchiste dans le XXème arrondissement. Elle assure le rôle d’agent de liaison et logistique pour les clandestins Jean-Marc Rouillan, Nathalie Ménigon, Régis Schleicher et Joëlle Aubron. Nous plaçons Besse sous surveillance. En mars 1984, elle prend un train pour Strasbourg où elle retrouve Régis Schleicher. Ils se rendent en Allemagne en voiture. Nous ne pouvons pas les suivre car nos véhicules ne sont pas encore arrivés. Quand ils sont enfin là, on installe un dispositif aux points d’entrée de la ville, en pensant que les fuyards vont revenir. Bingo ! Le lendemain, vers 8 heures, on voit réapparaitre la voiture conduite par Schleicher. Il y a toujours Hellyette Besse, mais aussi probablement Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon à bord. On les prend en filature dans les rues de la ville, puis on les suit dans les Vosges. Ils nous échappent mais, par un coup de chance, on arrive à retrouver Hellyette Besse à la gare de Metz. Elle rentre chez elle à Paris. Elle ressort de son appartement dans l’heure qui suit et prend un train direction Marseille. Nous mettons en place un dispositif de surveillance à la gare. Surprise, notre équipe du train nous apprend qu’Ellyette est descendue à Avignon ! Elle a ensuite pris un taxi jusqu’à Pontet, en périphérie. Des hommes à nous l’ont suivi, en taxi aussi… Nous surveillons sa maison et la gare. »
L’arrestation de Régis Schleicher
« Deux ou trois jours plus tard, Régis Schleicher descend du train ; Hellyette l’attend sur le quai. Ils rentrent à Pontet. Nous encerclons la maison. Schleicher nous voit par une fenêtre, avec nos fusils d’assaut. Il sait qu’il n’a aucune chance de s’en sortir. Il enlève sa chemise et sort les bras en l’air. On lui intime de se coucher par terre. Hellyette Besse sort à son tour et se jette sur lui en criant « Ne le tuez pas ! ». La cavale de Schleicher, un des terroristes les plus dangereux de la bande, s’arrête là, le 15 mars 1984. »
Action Directe, le groupe terroriste des années Mitterrand
Action directe est un groupe terroriste, qui prétendait répondre à la violence d’Etat et du capitalisme et défendre le prolétariat par des actes violents. Le premier a été le mitraillage du siège du patronat, le 1er mai 1979. Quelques mois plus tard, deux de ses dirigeants, Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon sont arrêtés. En 1981, le premier est libéré par l’amnistie suivant l’élection de Mitterrand, la seconde pour raison médicale. Les attentats reprennent. Entre 1979 et 1987, le groupe en revendiquera 80 dont l’assassinat de l’ingénieur général de l’armement René Audran et celui de Georges Besse, le président de Renault. En 1986, Maxime Frérot pénètre dans les locaux de la Brigade de répression du banditisme et y fait exploser une bombe. Bilan : un mort et vingt blessés. Le 21 février 1987, les responsables d’Action directe, Jean-Marc Rouillan, Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron et Georges Cipriani sont capturés par le RAID dans une ferme isolée du Loiret.