Pas de synagogue cette année, pour célébrer la fête de Yom Kippour, qui s’achève ce lundi en Nouvelle-Calédonie. Le lieu est fermé depuis mai pour raison de sécurité.
Mais sur le Caillou, l’association culturelle israélite de Nouvelle-Calédonie a dû faire face à un obstacle de taille : la fermeture de la synagogue de Nouméa, depuis quatre mois, pour raison de sécurité. Elle a aussi élu, il y a peu, un nouveau président, Philippe Metsman, qui a accepté de répondre à NC La 1ère, juste avant les célébrations de Yom Kippour.
NC La 1ère : C’est la première fois que la communauté juive de Calédonie se retrouve privée de lieu de culte pour des célébrations aussi importantes que Yom Kippour ou Roch Achana. Quelles alternatives se sont offertes à vous ?
Philippe Metsman : On a trouvé plusieurs solutions. La première, pour les fêtes qui déplacent du monde mais qui sont raisonnables en termes de participants [comme Roch Achana, ndlr], on s’organise grâce à notre rabbin, qui met à disposition sa maison et qui a l’avantage d’avoir un très grand jardin, qu’il peut équiper pour nous accueillir, à condition que la météo soit favorable.
Pour Yom Kippour, qui est vraiment l’événement rassembleur de l’année, où l’on attend beaucoup de nos coreligionnaires, on s’est rapproché de la mairie, mais sans succès dans un premier temps. Ce qui nous a amenés à nous rapprocher d’un hôtel de Nouméa, qui a mis à disposition très généreusement, et pour des tarifs très favorables, une grande salle de réception. Cette option offre aussi la possibilité pour les plus pratiquants de pouvoir dormir sur place, en réservant des chambres, puisque c’est une fête qui dure vingt-six heures et qui nous oblige à rester sur place quand on est religieux.
La fête de Yom Kippour se célèbre-t-elle obligatoirement dans un lieu de culte plutôt qu’en famille ?
Au niveau religieux, dans la Torah, il y une règle qui nécessite de réunir un minimum de dix hommes, ayant atteint l’âge de 13 ans. C’est un quorum qu’on appelle le “minian”, qui permet de rendre nos prières plus efficaces. Donc, à moins d’être une famille très nombreuse et constituée de beaucoup de garçons, il est compliqué de pouvoir faire ces fêtes dans un environnement purement familial. De plus, ces fêtes sont l’occasion pour nos coreligionnaires qui sont loin de chez eux, des expatriés, des militaires, des gens qui sont en vacances par exemple, de pouvoir se réunir avec nous et de trouver du réconfort. Avec cette atmosphère familiale qu’ils partagent ici avec nous, pendant ces événements religieux majeurs, c’est un peu comme s’ils étaient à la maison.
Quelle est la symbolique de cette fête ?
Yom Kippour, ça signifie le jour du grand pardon. C’est une journée qui est consacrée à l’expiation de nos fautes. Tous les Juifs du monde demandent pardon à Dieu pour leurs propres péchés. Et par la même occasion, ils accordent leur pardon à ceux qui leur ont fait du mal. C’est une journée aussi pendant laquelle on a une pensée pour nos proches disparus. Il y a une longue prière qui s’appelle “Yizkor”, qui nous permet de leur adresser nos prières et de leur demander de veiller sur nous. C’est une journée très particulière [qui a démarré ce dimanche 24 septembre au soir, ndlr]. Juste avant Yom Kippour, il y a un repas familial, avant de se rendre à la synagogue. Et pendant 26 heures, on s’abstient de manger, de boire et de travailler. On ne peut rien faire d’autre que de penser à nos pêchés et demander pardon, jusqu’au lundi [25 septembre] au soir, où l’on va être libéré par la sonnerie du Chofar, qui est une corne de bélier dans laquelle notre officier va souffler. Cela marquera la fin de cette journée de jeûne et d’abstinence.
La synagogue a été fermée en mai par le gouvernement par mesure de sécurité. Des travaux sont-ils prévus ?
Nous sommes actuellement dans la phase de devis. On essaie d’identifier tous les aspects liés à la consolidation de l’édifice et à sa rénovation pour le rendre de nouveau praticable. L’objectif, après, sera d’établir un budget et savoir comment nous allons le financer, en nous rapprochant de nos soutiens, ceux qui veulent aider la communauté juive de Nouvelle-Calédonie. On va également se rapprocher de nos institutions : la mairie, l’Etat, la province, le gouvernement… L’objectif est de pouvoir profiter de ce lieu important. On a la chance d’avoir une synagogue en Nouvelle-Calédonie. Donc il faut qu’on puisse la rénover. C’est un peu le phare de la communauté juive au milieu du Pacifique. La reconstruire est un de nos objectifs principaux cette année.
Vous avez été élu, il y a un mois seulement, à la tête de l’association culturelle israélite de Nouvelle-Calédonie. Quelles orientations s’est fixé le nouveau bureau ?
Comme vous l’avez compris, nos grandes priorités sont orientées vers la reconstruction de la synagogue et tout ce qui va avec, c’est-à-dire son financement. Cela passe par la reconnaissance de notre statut cultuel pour pouvoir bénéficier de la fiscalité des dons à 75 % d’abattement en Nouvelle-Calédonie. On s’est donc rapproché des services fiscaux parce qu’aujourd’hui, on n’était pas dans une démarche qui était complètement aboutie auprès du gouvernement. On vise à atteindre cet objectif de reconnaissance cultuelle d’ici la fin de l’année. On voudrait aussi pouvoir gratifier notre officiant, le rémunérer pour les offices qu’il nous rend.
L’association aspire-t-elle également à plus de visibilité ?
Oui, notre ambition est de repartir sur une nouvelle dynamique pour la communauté. Aujourd’hui, on estime entre 120 et 150 personnes en Calédonie, qui sont juives ou qui se sentent proches de la communauté juive et suffisamment investies pour venir régulièrement participer aux offices ou aux travaux que nous organisons. Nous comptons également organiser nos fêtes très régulièrement, ainsi que des ateliers de transmission des valeurs juives pour les plus jeunes, dans le cadre d’un “Talmud Torah” [éducation religieuse, ndlr], tous les dimanches matins par exemple.
Nous aimerions également animer des conférences et organiser des actions sociales pour rapprocher la communauté des gens qui ne peuvent pas l’atteindre, comme les personnes plus âgées ou en situation de handicap, par exemple, mais aussi les personnes qui sont détenues ou des militaires qui auraient besoin d’un aumônier. Nous envisageons également d’être présents avec les autres communautés religieuses, catholique, protestante, musulmane… Et de participer aux grands rassemblements officiels pour porter la voix de la communauté. Enfin, l’un de nos objectifs serait aussi de pouvoir encadrer et animer les actes de la vie de nos coreligionnaires comme les mariages, les communions, les “bar-mitsvah” [rite qui marque le passage à l’âge adulte, généralement à 13 ans, ndlr] et rendre les derniers devoirs aux défunts et à leurs familles.
Vous vous êtes installé sur le Caillou relativement récemment. Quel est votre parcours personnel ?
Je suis arrivée en Calédonie, il y a trois ans, pour accompagner mon épouse, qui revenait au pays parce que c’est une Calédonienne. Et j’avais envie de pouvoir transmettre à mes enfants -deux jeunes filles en bas âge-, les valeurs et les traditions de ma communauté, alors qu’on est à 20 000 km de ma propre famille, et désormais proche de ma famille d’adoption. Je voudrais avoir aussi une petite pensée pour mon grand-père, qui était très présent dans la communauté juive à Paris, à la synagogue des Tournelles, et une autre pour mon père qui a été président de la communauté juive de Dijon pendant sept ans. Il m’a montré la voie car il a été aussi confronté aux mêmes problématiques. La synagogue de Dijon, qui est un magnifique édifice, a un dôme qui menaçait de s’effondrer. Il a fallu trouver les financements pour le réparer. J’ai une petite pensée pour lui qui est décédé il y a quelques jours. C’est aussi pour cela que j’avais envie de m’investir davantage dans la communauté juive de Nouvelle-Calédonie.