Donné favori, le parti d’extrême droite AfD a échoué à conquérir la mairie de Nordhausen, en Thuringe. Le scrutin était très suivi car la ville est située à proximité d’un ancien camp de concentration nazi.
Le résultat en a surpris plus d’un. Après avoir décroché la direction d’une collectivité territoriale fin juin, puis celle d’une mairie début juillet, le parti d’extrême droite « Alternative pour l’Allemagne » (AfD) n’a pas réussi à gagner les élections municipales, à Nordhausen (Thuringe), la première ville de taille moyenne (42.000 habitants) pour laquelle il partait favori.
Lors du scrutin de dimanche, le candidat de l’AfD, Jörg Prophet, a recueilli 45,1 % des suffrages, derrière le maire sortant sans étiquette, Kai Buchmann (54,9 %), qui avait perdu l’investiture du parti social-démocrate, après des accusations de harcèlement moral contre sa première adjointe.
L’annonce des résultats a déclenché une explosion de joie chez les partisans du maire sortant. Lors du premier tour, Jörg Prophet avait remporté 42,1 % des suffrages, loin devant son rival, arrivé deuxième, avec 23,7 % des suffrages.
Les raisons d’un retournement
Lors de la campagne électorale, le candidat de l’AfD s’était surtout focalisé sur des thèmes locaux, mettant en avant sa volonté de renforcer l’économie locale et de créer davantage de pistes cyclables ou de places de parking.
Le « culte de la culpabilité » allemande
Âgé de 61 ans et ancien entrepreneur, Jörg Prophet était néanmoins connu pour avoir critiqué les efforts de l’Allemagne pour maintenir la mémoire de l’Holocauste et avoir appelé à la fin du « culte de la culpabilité » allemande en la matière. Outre-Rhin, la fédération AfD de Thuringe est classée comme d’extrême droite par l’Office de protection de la Constitution, tout comme le président du parti au niveau régional, Björn Höcke.
En Allemagne, le scrutin était d’autant plus suivi que l’ancien camp de concentration nazi de Mittelbau-Dora est situé à moins d’une dizaine de kilomètres du centre-ville de Nordhausen. Durant la Seconde guerre mondiale, 60.000 déportés ont travaillé sur ce site destiné à la fabrication des fusées V2 et au moins un tiers d’entre eux sont morts de froid, de faim et de mauvais traitements en tout genre.
« Le résultat me soulage d’un énorme poids »
« Le résultat de ces élections me soulage d’un énorme poids, car il montre clairement que le révisionnisme historique, une attitude qui minimise les souffrances des victimes des camps de concentration, n’est pas une solution », a déclaré sur la chaîne NTV, Jens-Christian Wagner, le directeur de la Fondation qui administre l’ancien camp nazi.
« Une dictature de droite avec un leader fort »
Dopées par l’afflux de réfugiés dans le pays, les idées d’extrême droite gagnent du terrain en Allemagne. Selon une étude de la fondation Ebert publiée la semaine dernière, 6,6 % des Allemands sont favorables « à une dictature de droite avec un parti unique fort et un leader fort ». Un chiffre qui a triplé depuis 2021. Plus frappant, 23 % des 2.000 personnes interrogées dans le cadre de l’étude, sont « en partie » d’accord avec cette idée.
La violence contre les hommes politiques
Le recours à la violence ne suscite pas non plus une opposition systématique. Environ 17 % des Allemands approuvent cette idée « lorsque d’autres s’installent chez nous » et 19 % la jugent « en partie » légitime. Enfin « 13 % des personnes ne verraient pas d’inconvénient à ce que la violence soit utilisée contre des hommes politiques », indique la fondation proche des socio-démocrates.
Mais c’est l’augmentation des idées d’extrême droite chez les jeunes qui est la plus frappante : « Parmi les 18-34 ans, plus de 12 % ont une vision du monde manifestement d’extrême droite », analysent les trois auteurs de l’étude.
Fin 2022, la justice allemande avait lancé un vaste coup de filet afin de déjouer des projets d’attentats d’une cellule complotiste d’extrême droite. Vingt-cinq personnes, membres des « Citoyens du Reich », avaient été arrêtées. La semaine dernière, c’était le groupuscule néonazi « Hammerskins Germany » qui avait été interdit par le gouvernement.