Interpellé en août dernier, Aurélien A. se faisait passer tantôt pour un riche héritier, tantôt pour un avocat new-yorkais, espérant duper les femmes et vivre à leurs crochets.
Ça commence par des messages sur un site de rencontres, type Tinder. Un jeu de séduction se met en place. Les messages s’enchaînent. Tout va très vite. Rien d’étonnant à cela : Charles-Robert Kabla Schneider ne laisse pas les femmes indifférentes. Il est jeune. Charmant. Riche. Brillant.
Son parcours impressionne. Sur les réseaux sociaux, il assure avoir été diplômé en 2008 d’Harvard, en droit. Il se dit avocat fiscaliste au sein de sa propre entreprise, «Schneider & Co». Il habite Manhattan.
Charles-Robert a tout de l’homme idéal. Impossible, a priori, d’imaginer cet homme derrière les barreaux. Et pourtant, actuellement en détention provisoire, il comparaît ce mercredi 20 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour des faits de «vol» et «escroquerie» commis le 19 juillet dernier au préjudice d’une victime, indique au Figaro le parquet de Paris. Mais Charles-Robert ne va pas être jugé pour une arnaque comme une autre : il s’agit là d’une arnaque aux sentiments.
🇫🇷 FLASH | Aurélien A., « l’arnacœur » a été interpellé après avoir escroqué des femmes pendant des années. Il se faisait passer pour un diplomate, un avocat, un autiste ou un héritier selon les cas après un contact sur des sites de rencontre. Demande en mariage, vol de cartes… pic.twitter.com/ofP6Ha9hli
— Cerfia (@CerfiaFR) August 22, 2023
De multiples identités
Sur le profil de l’avocat, les jeunes femmes pouvaient faire défiler des photos de New York, d’un avion sur une piste d’atterrissage, d’un voilier, ou encore de Charles-Robert en personne, en costume, assis nonchalamment sur une chaise de bureau, ordinateur portable sur les genoux, l’air amusé, désinvolte. Dans sa description, il dit «apprendre à coder», «faire de la musique» et aimer «la randonnée», «les voyages», «le billard» ou encore «faire du shopping». Il rapporte avoir voyagé à Paris, au Liechtenstein, à Bruxelles.
Il poste aussi quelques vidéos. Sur l’une d’elles, on peut l’entendre chanter à un concert une chanson de Robbie Williams, où il dit aimer une femme qui lui «offre sa protection». Dans une autre vidéo, il publie des citations, affirmant que «chaque année qui passe est un nouveau départ, une renaissance».
Cela n’a jamais été aussi vrai pour Charles-Robert. Car Charles-Robert a eu plusieurs vies. Avant, il ne s’appelait pas Charles-Robert, mais Charles-Edouard. Il était diplomate américain. Encore avant, il s’appelait James Jacob Kempinski. Il était l’héritier fortuné du groupe hôtelier suisse du même nom.
Un impressionnant tableau de chasse
Aucune de ces identités n’est réelle. Derrière Charles-Robert, Charles-Edouard et James Jacob se cache en réalité Aurélien A., 32 ans, né à Armentières, dans le Nord. Interpellé le 21 août 2023 dans un appartement du 8e arrondissement de Paris, il est accusé d’avoir dupé plusieurs femmes, leur promettant l’amour ad vitam eternam…tout en piochant allégrement dans leur portefeuille.
La victime qui témoignera cette après-midi à la barre ne serait en effet pas la seule à avoir été trompée par Aurélien A. Parmi ses proies, Mary*, une femme d’affaires travaillant à Amsterdam, rapporte France Bleu. Elle rencontre James Kempinski à Bruxelles au printemps 2023, lors d’un voyage professionnel. C’est le coup de foudre. À la fin du séjour, James la suit à Amsterdam. Il s’installe chez elle. Bientôt, il demande sa main. Il veut un mariage intimiste, à Monaco. Il prépare déjà les faire-part. Mary vit un conte de fées.
Mais James disparaît subitement quelques mois après leur rencontre, en juillet 2023, lors d’un voyage en amoureux à Paris, rapporte le média local. Médusée, Mary découvre que non seulement son amant s’est volatilisé, mais encore ce dernier a emporté avec lui sa carte bancaire.
Quelques recherches sur Internet suffisent à Mary pour lui faire comprendre que James n’est pas celui qu’elle croit : c’est un «arnacœur». Et la femme d’affaires découvre dans un article de France Bleu datant de juillet 2021 que James n’en était pas à son coup d’essai : elle apprend que James s’appelle en réalité Aurélien et que, en 2020, une autre femme, Sophie*, a été abusée par cet arnaqueur aux sentiments. Elle a fait la connaissance de James à Lyon, au parc de la Tête d’Or. Il lui dit avoir récemment subi une opération du cœur, être propriétaire de 75 hôtels de luxe et vivre aux États-Unis. La jeune fille est tombée amoureuse. Très vite, James lui a parlé mariage, enfants. Avant de s’évaporer dans la nature. L’enquête du média local dévoile aussi qu’Aurélien avait séduit une certaine Maud*, en 2019. La romance de cette femme avec Aurélien A. rappelle à Mary la sienne : les similitudes sont frappantes.
«Un beau parleur»
En octobre 2019, Aurélien A. avait été interpellé non loin de Cannes, avant d’être placé en garde à vue. Mais cela ne l’aurait pas arrêté dans sa course folle. Loin de là. Selon nos informations, le mis en cause a par la suite été arrêté en février 2023 en Belgique pour «escroquerie». Il a été placé en détention provisoire durant environ trois mois. Le 17 avril 2023, il a été libéré sous conditions. Notamment : «régulariser sa situation», «suivre une thérapie», «ne plus utiliser de fausse identité» et «suivre une formation professionnelle», a indiqué au Figaro une source proche du dossier. L’affaire se trouve actuellement toujours à l’instruction, mais un procès devrait avoir lieu courant 2024.
Entre autres, la justice belge reproche à Aurélien A. d’avoir «utilisé de fausses identités sur des sites de rencontre», des «vols» et des «escroqueries» et une «usurpation de l’identité». Le mis en cause aurait en ce sens «volé le sac d’un avocat dans un bar dont il aurait utilisé les papiers pour se faire passer pour un avocat», rapporte cette même source. Trois personnes auraient déposé plainte à son encontre.
«Il a un côté charmeur, c’est un beau parleur», concède son avocat belge, Me Benoît Lemal, affirmant qu’on «ne peut pas lui reprocher de s’être présenté sur les sites de rencontre d’une manière qui n’est pas tout à fait conforme à la réalité, puisque, sur ces applications, tout le monde fait en sorte de se montrer à son avantage». Reste à savoir si piéger ses semblables en leur faisant croire au coup de foudre est condamnable.
*Le prénom a été modifié