Des archéologues de l’Université Hébraïque de Jérusalem en sont convaincus : les premiers hommes sculptaient délibérément des sphéroïdes, ou sphères de pierre, il y a au moins 1,4 million d’années. Leur utilisation reste toutefois inconnue.
On ne sait toujours pas à quoi ils pouvaient servir, mais des archéologues sont convaincus que les premiers humains taillaient à dessein des sphères de pierre, appelées sphéroïdes, il y a au moins 1,4 million d’années, selon une étude parue le 6 septembre 2023.
Ces drôles de cailloux sont-ils le résultat involontaire de la percussion d’une pierre à l’aide d’une autre, pour fabriquer un outil, ou le résultat délibéré d’une taille visant à obtenir une forme sphérique ?
Une dimension « géométrique »
Pour l’équipe d’Antoine Muller, archéologue au laboratoire d’informatique archéologique de l’université hébraïque de Jérusalem (Israël), l’étude de 150 sphéroïdes de calcaire extraits du site d’Ubeidiya, fait pencher la balance vers la deuxième hypothèse.
Situé dans le nord de l’actuel Israël, Ubeidiya est connu comme le site le plus ancien, en dehors de l’Afrique, représentatif de l’Acheuléen, un type de fabrication d’outils de pierre, documenté sur le continent africain il y a environ 1,7 million d’années.
À cette époque, les premiers homininés, ancêtres de la lignée humaine, fabriquent des bifaces, des outils de pierre qui sur le modèle d’une hache sont considérés comme le premier exemple de la capacité à « imposer intentionnellement une forme symétrique à une pierre », selon l’étude signée par Antoine Muller dans Royal Society Open Science.
Les sphéroïdes représentent un pas supplémentaire dans cette démarche, visant à ajouter une dimension « géométrique » à ce travail, selon l’équipe de Jérusalem. Qui en fait la démonstration à l’aide de méthodes de pointe d’analyse des formes en trois dimensions.
« L’étude est très intéressante dans l’approche et le résultat, car la méthode est quantitative et réplicable sur d’autres séries de sphéroïdes d’autres sites », commente auprès de l’AFP l’archéologue Julia Cabanès, doctorante au Muséum national d’histoire naturelle et signataire d’une autre étude remarquée sur le sujet.
Capacités cognitives
Cette méthode pourrait par exemple s’appliquer aux plus anciens sphéroïdes répertoriés, datant de 2 millions d’années, dans les gorges d’Olduvaï, en Tanzanie.
Selon l’étude de l’équipe d’Antoine Muller, les « artisans » du site d’Ubeidiya — dont on ignore à quelle lignée humaine ils appartenaient — ont effectué une séquence de réduction d’une pierre afin d’obtenir une sphère. Un travail requérant des « capacités exceptionnelles de taille de la pierre et un objectif très clair », selon un communiqué de l’université hébraïque de Jérusalem.
Autrement dit, il fallait aux auteurs « une séquence préconçue mentalement avant l’exécution », explique Julia Cabanès à l’AFP. Et donc les capacités cognitives permettant cette réalisation. Avec ce procédé, « les sphéroïdes ne sont pas devenus plus lisses, mais avant tout plus sphériques », concluent les chercheurs. Une précision importante, car si la nature sait rendre un galet très lisse, comme ceux que l’on trouve sur une plage ou dans un torrent, celui-ci n’approche « quasiment jamais » une forme réellement sphérique de manière naturelle.
Quant à savoir quel pouvait être l’usage de ces pierres rondes, le mystère reste entier. On suppose la fabrication d’un outil servant à briser les os pour mieux en extraire la moelle, ou permettant de broyer des végétaux. Des scientifiques avancent que ces sphères ont pu servir de projectiles. Sans exclure une finalité symbolique ou purement esthétique. « Toutes les hypothèses sont possibles, selon Julia Cabanès. Et selon elle, on « ne pourra sans doute jamais vraiment connaître la réponse. »