Celle qui a organisé et porté le concours Miss France pendant plus de trente ans est morte à 90 ans. Elle s’était tristement illustrée ces dernières années par ses propos rétrogrades sur les sujets de société.
La dame au chapeau n’est plus. Geneviève de Fontenay, 90 ans, est morte à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) où elle résidait. Née Mulmann en 1932 à Longwy (Lorraine), aînée de dix enfants d’une famille bourgeoise, elle connaît une enfance stricte : interdit de parler à table, parents qu’il faut vouvoyer, menaces du martinet. Après des études dans l’hôtellerie et un début de carrière en tant qu’esthéticienne, elle rencontre un certain Louis de Fontenay, de son vrai nom Louis Poirot, un des organisateurs du concours Miss France qui célèbre chaque année une reine de beauté au terme d’élections organisées partout en France.
Geneviève de Fontenay devient l’ambassadrice du concours : dès les années 70, elle apparaît à la télévision, l’air sévère, cheveux tirés retenus en chignon, et coiffée d’un chapeau. En 1979 dans Aujourd’hui madame, elle donne sa vision de la beauté et le mantra du concours : «Bien sûr des proportions harmonieuses, mais aussi un visage expressif. Blonde ou brune, aucune importance, mais pas décolorée ! Nous interdisons les faux cils, les perruques, les faux seins. Miss France doit être le reflet de la jeune fille française, saine de corps et d’esprit.»
Bête curieuse
A la mort de Louis de Fontenay en 1981, elle devient la patronne de l’entreprise, qu’elle dirige avec son fils Xavier. L’année 1986 marque un tournant pour Miss France, avec la première diffusion de l’élection à la télé. Une soirée catastrophique, loin du show qu’on connaît aujourd’hui : mal préparée, l’émission, qui dure un temps infini, ressemble à un dîner de gala entrecoupé de chansons, de sketchs, de jeux, d’astrologie… Les miss portent une écharpe aux couleurs des annonceurs de la soirée, la personne chargée d’annoncer le résultat s’emmêle les pinceaux entre première et deuxième dauphines, la confusion règne, sous le regard noir de Guy Lux.
Le passage du concours sur TF1 dix ans plus tard accélère la notoriété du concours et de sa patronne : parce qu’elle est vue par 10 à 15 millions de Français, Geneviève de Fontenay devient un personnage médiatique façon bête curieuse, invitée des plateaux pour évoquer son vote pour Arlette Laguiller, sa vision de la France, les défilés en costumes régionaux et les tournées de la nouvelle miss élue dans toutes les foires et expositions du pays. Elle résume cela en 1998, invitée dans un débat sur France 3 : «Cette émission correspond à cette France profonde, à cette France des traditions, du folklore, du terroir, que nous défendons, comme nos élus défendent nos bons vins, nos pruneaux d’Agen.»
A la télé comme à la radio, Geneviève de Fontenay accompagne chaque année la Miss fraîchement élue tel un chaperon : c’est l’époque des Sophie Thalmann, Mareva Galanter, Sonia Rolland et Elodie Gossuin. En 2002, elle et son fils vendent Miss France à Endemol, la presse parle de 6 millions d’euros. Le producteur de Loft Story introduit les codes de ses programmes, entre votes par SMS et portraits intimes des candidates, dont on montre aussi à l’écran et dans la presse le voyage dans des lieux paradisiaques avant l’élection. L’ère de la téléréalité et d’Internet accentue le décalage entre Miss France version Endemol et la vision surannée de «GDF» : l’ancienne patronne râle régulièrement sur les musiques américaines utilisées pendant le show, peste contre les tenues qu’elle juge trop sexy, et voit rouge face aux anciennes photos de plusieurs miss qui ressurgissent çà et là, comme celles de Valérie Bègue (Miss France 2008) qui apparaît malgré elle léchant du lait concentré sur un tronc d’arbre dans le magazine Entrevue. Pour les talk-shows de la TNT façon Morandini, De Fontenay devient la «bonne cliente» : tendez le micro, la punchline arrive, et le dérapage n’est pas loin.
Prises de position rétrogrades
En 2010, le divorce avec Endemol et le Comité Miss France désormais dirigé par Sylvie Tellier la pousse à créer un concours concurrent, «Miss prestige national», diffusé dans l’indifférence générale sur Internet et des chaînes locales. Organisée fin 2011, la première édition se déroule sans Geneviève de Fontenay, interdite d’apparaître à l’écran. Henry-Jean Servat, proche de la dame au chapeau, prend des airs de Malraux pendant la cérémonie : «Des huissiers ont interdit de prononcer le nom de Geneviève de Fontenay. Préparez les menottes, allons en prison tous ensemble et disons-le : “Geneviève de Fontenay ! Geneviève de Fontenay !”»
Le tournant des années 2010 marque le retrait médiatique de Geneviève de Fontenay, surtout mentionnée dans la presse pour ses prises de position rétrogrades et ses dérapages. En 2014, elle salue «l’Algérie française» lors de l’élection de Miss Algerie où elle est invitée, avant de plaider le lapsus. Elle soutient ensuite la Manif pour tous dans ses manifestations contre la GPA. Elle rappelle dans le Figaro qu’elle a «toujours été contre» le mariage gay, non sans rappeler qu’elle a «beaucoup d’amis homosexuels». En 2021, elle sombre dans la transphobie, s’opposant à toute participation d’une candidate trans au concours qu’elle ne dirige plus depuis dix ans : «Transgenre, ce n’est pas normal, c’est pour moi une infirmité», dit-elle chez CNews. A ne pas perdre de vue lors de la séquence hommage que la cérémonie Miss France 2024 ne manquera pas d’organiser.
par Mickaël Frison