Batia Baum, enseignante et traductrice de yiddish, sa langue maternelle, nous a quittés. Née à Paris durant l’Occupation, elle a survécu à la Shoah. Grâce à ses traductions et à son enseignement, elle joua un rôle crucial dans la promotion de cette littérature, travaillant sur des romans, aussi bien que des pièces de théâtre, de la poésie, des témoignages…
Suite à des études à l’université d’Oxford et de Jérusalem, Batia Baum a entamé sa carrière de traductrice, à laquelle elle a voué sa vie, rapporte The Times of Israël. Pendant plusieurs années, elle a animé un atelier de traduction à la Maison de la culture yiddish-Bibliothèque Medem à Paris.
Elle aura traduit de nombreux textes, dont entre autres, Yossik, Joseph Bulow (Phébus), Prix de traduction Halpérine-Kaminsky découverte de la SGDL ; Contes d’hiver et d’autres saisons, Alter Kacyzne (Liana Levi) ; Le chant du peuple juif assassiné, Yitskhok Katzenelson (Zulma) ; La Haridelle, Mendele Moykher-Sforim (Bibliothèque Medem) ; Entre les murs du ghetto de Wilno, Yitskhok Rudashevski, L’Antilope, 2016 (Grand Prix de la traduction de la Société des gens de lettres).
Mais l’autrice s’intéressa également aux contes hassidiques autant que des témoignages sur l’extermination des Juifs d’Europe, comme Écrits I et II : témoignage d’un Sonderkommando d’Auschwitz de Zalmen Gradowski (Kimé) et Archives clandestines du ghetto de Varsovie, (Fayard/BDIC).
« Batia Baum, c’est une vie entièrement dédiée à la traduction des œuvres du patrimoine littéraire yiddish. C’est une exigence, un talent à la hauteur des difficultés d’une mission que l’Histoire a rendue urgente et incontournable. C’est aussi une vie vouée à la transmission du yiddish via des ateliers de traduction suivis avec passion. C’est une générosité sans faille, un engagement constant, un désintéressement rare » déclarait La Société des Gens de Lettres après lui avoir remis le prix en 2017 pour la traduction de Entre les murs du ghetto de Wilno.
Les éditions de l’Antilope avaient alors ajouté : « Quelle récompense méritée pour Batia, immense traductrice. Batia vit les textes qu’elle traduit de l’intérieur. Elle passe, repasse, laisse reposer des mois, des années parfois. Elle pense à ses textes nuit et jour, ils ne la quittent pas. Jusqu’à la dernière minute, elle précise. Et quand elle parle du livre, elle l’incarne. »
Et de préciser : « Pour le journal de cet adolescent prodige, assassiné en octobre 1943, Batia ne s’est pas contentée de la version imprimée, publiée en 1953 dans une revue yiddish de Tel-Aviv. Elle nous a tannés pour que nous recherchions le manuscrit original. Nous l’avons retrouvé au YIVO, à New York. À réception des scans, nous nous sommes rendu compte qu’il manquait au moins un tiers de ce texte magnifique dans la version imprimée. Batia a passé des mois à déchiffrer ces lignes serrées, écrites à la mine de plomb sur un vieux livre de compte soviétique. »
Son père, Abraham Baum, était un résistant juif. Originaire de Pologne, il s’était exilé en France, où il avait milité au sein d’organisations ouvrières juives avant de devenir résistant. Arrêté et incarcéré à Paris, il a été interné au camp de Pithiviers (Centre-Val de Loire) avant d’être pris comme otage à la suite d’un attentat contre un soldat allemand, puis exécuté sur le champ de tir des Groues de Saint-Jean-de-la-Ruelle, le 7 mars 1942. Batia Baum a elle-même témoigné à plusieurs reprises de son expérience de survivante de la Shoah.