Finistère, Seine-Maritime, Jura… dans plusieurs départements, des dizaines d’élus et de mairies ont reçu, depuis la mi-mai, des tracts néonazis.
Des missives ornées de croix gammées appelant à « s’occuper des juifs » et renvoyant vers Démocratie participative. Ce site, reconnaissable à son ton ordurier et raciste, est capable d’interpeller les internautes en ces termes : « Tu en as assez de voir les juifs détruire ton pays par l’immigration, la dégénérescence pédo-LGBT et la guerre ? Rejoins-nous pour rétablir la domination de la race blanche en Europe ! » L’antisémitisme décomplexé et son corollaire complotiste n’en finissent plus de faire des émules…
C’est ce que corroborent les résultats du dernier baromètre de l’Anti-Defamation League (ADL), principale organisation américaine de lutte contre la haine anti-juive. D’après cette étude, effectuée dans dix pays européens, 28 % des Français considèrent que les juifs ont trop de pouvoir dans le monde des affaires. 19 % pensent qu’ils exercent un trop grand contrôle sur les médias. Des chiffres encore plus élevés chez les moins de 35 ans, classe d’âge la plus exposée aux théories du complot. C’est sur jeuxvideo.com, une plateforme fréquentée par les jeunes et les fans de « gaming », que l’on peut observer les saillies les plus extrêmes de ce complotisme venimeux.
Un internaute y a ainsi étalé son intention de perpétrer un attentat contre le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France.) « Je vais rafaler. Ce sera une boucherie non casher » , promet l’anonyme. Il menace de s’en prendre aux « pires juifs, ceux qui complotent jour et nuit » , qu’il désigne également sous le vocable d’ « empoisonneurs de puits » . L’expression ne tombe pas du ciel.
Dans les premières semaines de la crise sanitaire, l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn – dont le père, Elie Buzyn, était un rescapé de la Shoah – en a été affublée sur les réseaux sociaux et sur des inscriptions murales. Le syntagme remonte au Moyen âge, lorsque les juifs étaient accusés de souiller l’eau des puits et des fontaines pour intoxiquer les chrétiens. L’accusation, dénuée de fondement, a justifié, au cours de l’Histoire, une liste interminable d’exactions et de massacres. Les trésors d’intelligence et de connaissance accumulés pour élaborer des outils tels qu’Internet ont peu de poids face au retour des réflexes les plus archaïques qu’ils contribuent à réactiver : la rumeur, la haine, le harcèlement et le lynchage. Et ce n’est pas la première fois que la technologie est mise au service de l’infamie…
Par Rudy Reichstadt