Décès de Marcel Wieder, figure de la communauté juive de la Dordogne

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Il s’est éteint lundi 12 juin, à l’âge de 90 ans. Enfant caché durant la guerre, il n’a jamais quitté la Dordogne depuis. Avec son épouse Betty, il a passé sa vie à sensibiliser les jeunes générations aux dangers du racisme et de l’antisémitisme »,

Sur son lit de mort, il exhortait encore son épouse à tenir haut le flambeau de la lutte contre le racisme. « J’ai dû annuler une conférence mais lui-même souhaitait que je l’honore, raconte Betty. ‘‘Ne t’arrête jamais’’, me disait-il. Il était héroïque. » C’étaient les dernières heures de Marcel Wieder.

Il s’est éteint à Périgueux (Dordogne) lundi 12 juin, au terme d’une vie en forme de pages d’histoire. Âgé de 90 ans, cet enfant de juifs hongrois avait fui l’Alsace durant la Débâcle, pour se cacher en Dordogne. Une terre qu’il n’a jamais quittée, tout comme il n’a jamais abandonné son militantisme contre l’antisémitisme.

Enfant de choeur

Marcel Wieder était né à Strasbourg, en 1933. Ses parents avaient fui la Hongrie pour l’Alsace dans les années 1920. C’est en 1939, durant la Seconde Guerre mondiale, que les Wieder ont trouvé refuge à Périgueux. Afin d’éviter les persécutions, Bernard, le père de Marcel et de son frère, Roland, parvient à leur trouver des faux papiers.

Marcel change de patronyme pour Dupuy, du nom d’Hélène Dupuy, une résistante qui parvient à le cacher au sein de l’école Saint-Jean de Périgueux. Et pour parfaire cette nouvelle identité, ils deviennent enfants de chœur. De cette époque, Marcel a toujours conservé une profonde bienveillance pour les catholiques.

Coiffeur

Il y demeure pendant deux ans, puis prend de nouveau la fuite, pour s’installer à La Chapelle-Faucher au sein de la famille Barbarie, pour éviter les rafles. Et, de nouveau Marcel et son frère sont enfants de chœurs à l’église du village. « Avec son frère, c’est là qu’ils ont rencontré la Résistance, raconte Betty. Ils distribuaient des tracts FFI dans les sacoches de leurs vélos. »

La guerre terminée, la famille Wieder est réunie et décide de rester à Périgueux. Le père de Marcel ouvre un salon de coiffure rue Wilson baptisé Chez Bernard. L’adolescent y aide son père avant de prendre sa succession. Le salon, réputé, déménage rue de la Clarté puis place Saint-Louis.

Il rencontre à l’époque Betty Weismark, une Juive de Dordogne qui tenait un magasin de prêt-à-porter. Ensemble, il fonde une famille, qui compte aujourd’hui deux enfants, quatre petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Surtout, le couple devient une figure du militantisme.

Militant

Betty et Marcel militent de longue date au sein de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). D’abord à la section de Bordeaux, puis à celle de Périgueux qu’ils fondent en 2006. « Ils ont toujours fait un travail formidable sur le souvenir », loue Claude Pierre-Bloch, vice-président national de la Licra.

« C’était un couple de combat, ils allaient dans les écoles pour raconter leur histoire, leur vie d’enfants cachés. Il a toujours fait passer un message de tolérance et de bienveillance », ajoute Raymond Hammel, président de la communauté israélite de Périgueux.

Tous les ans, le couple Wieder se rendait à Auschwitz avec des élèves, « mais pas cette année », regrette Alain Tajchmer, vice-président de la communauté israélite. Marcel était trop fatigué. « Ils avaient tout organisé mais c’est moi qui ai dû prendre leur place. »

Marcel Wieder sera inhumé jeudi 15 juin, à 14 heures, au carré juif du cimetière de Saint-Augutre, à Coulounieix-Chamiers, où son épouse ne veut « ni fleurs ni couronnes ».

Par Grégoire Morizet

Source sudouest