L’ex grande voix de France Inter publie un nouveau roman « Mon oncle de Brooklyn » (Flammarion) Elle est l’invitée de 9h10.
Paula Jacques vient de publier « Mon oncle de Brooklyn » (chez Flammarion), où elle raconte les trépidations d’une toute jeune journaliste envoyée à New York, elle est pigiste pour le journal « Jeune Afrique ». C’est un récit autour de son expérience de journaliste qui tient pour beaucoup de l’autobiographie. Toutes les interviews, volontairement retravaillées, sont réelles. Partir à la rencontre de cultures déracinées, par l’intermédiaire de son double littéraire, l’a aidée à mieux comprendre et renouer avec ses origines familiales juives. Son jeune personnage se rend compte qu’il s’agit de son unique famille.
Renouer avec ses origines et l’histoire du Judaïsme
Un besoin qu’elle a ressenti après avoir rencontré son oncle de Brooklyn. Lequel, aussitôt arrivé à New York, est devenu juif ultraorthodoxe, juste après l’expulsion de sa famille d’Egypte dans les années 1950. C’est l’histoire d’un homme très triste qu’elle raconte qui, le soir d’un shabbat, en tripatouillant une chaudière l’a fait exploser, tuant tragiquement sa femme et plusieurs de ses enfants. Il se déculpabilisait en affirmant que c’était la volonté de Dieu.
Voilà cette jeune journaliste française envoyée à New York, priée par sa mère de se rendre au chevet de l’oncle de Brooklyn. Elle se retrouve face à cette communauté ultraorthodoxe à laquelle elle ne va rien comprendre du tout au départ et s’y attacher progressivement : « Cette journaliste arrive dans cette famille qu’elle ne connaît pas, où tout le monde la rapporte aux valeurs sociales ultra traditionnelles que supposent leurs convictions religieuses. Mon personnage, Eva, est absolument interloquée, mais ce qui me les rend sympathiques, au-delà, c’est l’esprit de sollicitude et d’entraide qui les conditionnent. Le fait d’être tous unis par la même foi, c’est une chance extraordinaire« .
Elle finit par rendre attachante, une communauté qu’elle jugeait, au départ, très fermée : « D’après ce que j’ai pu en juger, les Juifs devenus ultraorthodoxes aux États-Unis ont gardé une espèce de joie de vivre. Ils sont très matérialistes, ils ne se soucient pas tellement des questions spirituelles. Quant à mes origines, je ne me suis pas du tout posé la question quand je suis arrivé en France, je voulais me fondre dans la masse. Je ne voulais pas être égyptienne et juive, je voulais être française et c’est vers 18 ans, en lisant « Le dernier des Justes » d’André Schwarz-Bart, que tout d’un coup, mon judaïsme est revenu. Mais moi, je ne suis pas du tout croyante, je suis terriblement attachée à l’histoire mythologique et historique de ce peuple qui a réussi à survivre à tant de persécutions et j’ai voulu interroger les raisons pour lesquelles ils sont restés les mêmes depuis 2000 ans« .
Mettre en parallèle les Juifs et Noirs américains discriminés
Elle projette sa jeune journaliste, son double littéraire, dans un New York en pleine effervescence. Un jeune homme noir a été sauvagement assassiné par des Blancs, la ville est en proie aux émeutes, aux pillages et il y a quelque chose qui se télescope, c’est la question de la haine des juifs qui taraude l’Amérique de manière assez profonde et depuis très longtemps, et celle de la haine des Noirs : « Ce qui m’intéressait, c’était de parler des communautés qui ont été humiliées, j’ai voulu vraiment établir une espèce de liaison entre les juifs américains et les Noirs américains. Les Juifs américains ont énormément soutenu la cause abolitionniste. Ils ont participé à la lutte contre les droits civiques et jusqu’aux années 1960-1980, il y avait vraiment un élan de solidarité entre les juifs et les Noirs, ils faisaient cause commune contre le racisme. Et puis sont arrivés les Black Panthers et les choses se sont dégradées. Mais moi, ce que je voulais, c’était mettre en parallèle deux communautés discriminées. Mon personnage se balade entre cette famille juive orthodoxe qui se remet du terrible accident qu’a causé l’un des leurs et la ville en effervescence. Son ami écrivain va l’introduire dans tout le gratin culturel nord-africain. Elle va vraiment participer aux deux cultures à un moment crucial pour la ville, puisqu’il y a un maire noir qui se présente aux élections et qui va être élu à New York« .
Cette rencontre méprisante avec Spike Lee
Son double littéraire rencontre le célèbre cinéaste et raconte que le premier contact ne s’est pas très bien passé, d’où un Spike Lee qui aurait été effroyablement méprisant aux premiers abords avec elle : « Ça a été une rencontre abominable. Il me reçoit dans les bureaux de la production en France et il me tourne le dos, il a les pieds sur la table, il ne me regarde pas, il lève les yeux au ciel, il soupire et à chaque fois que je posais une question, il se détournait. J’ai senti un truc qui m’a fait réfléchir sur ce qu’on appelle le racisme inversé. Il me détestait parce que j’étais blanche. Je me suis fâchée et j’ai failli m’en aller. Finalement, ça ne s’est pas trop mal passé et, à la fin, il s’est rattrapé comme il a pu« .
Rencontre avec l’écrivaine Toni Morrison
Dans son récit, on trouve plus d’un souvenir autobiographique, et parmi les interviews, celle qui signe le climax du livre, la rencontre avec la romancière Toni Morrison. C’est un magnifique entretien qu’elle retranscrit (questions/réponses) ce qui n’arrive jamais dans un roman classique : « En ce qui me concerne, je ne l’ai pas rencontré pour « Be loved », prix Pulitzer de 1987, mais beaucoup plus tard. Je dois dire que ça s’est très bien passé, elle m’a beaucoup aimé et qu’à chaque fois qu’elle venait à Paris, elle demandait à me voir. J’étais très heureuse. Quant à l’interview qui est reproduite dans le livre, je l’ai inventée en quelque sorte, mais de manière cohérente par rapport à ce que je sais d’elle, puisque ça portait sur un autre livre« .