La croyance selon laquelle l’Europe serait une civilisation de paix et d’amour en raison de sa majorité chrétienne pourrait s’avérer, en réalité, réductrice.
En effet, l’histoire de l’Europe est marquée par de nombreux conflits, guerres, oppressions et discriminations de toutes sortes, ainsi que par des mouvements extrémistes et violents, tels que le racisme, l’intolérance religieuse, le fascisme et le nazisme qui ont causé des ravages considérables dans le monde. Cependant, il est tout aussi important de souligner que l’Europe a également connu des périodes de paix, de tolérance et de coopération entre les nations et que des progrès significatifs ont été réalisés dans la promotion des droits de l’homme, de la diversité culturelle, de la démocratie et de la laïcité, surtout après la Seconde Guerre mondiale. En somme, l’histoire de l’Europe est complexe et nuancée et ne peut être réduite à une simple dichotomie entre le bien et le mal.
L’histoire du traitement des minorités religieuses en Europe est tourmentée. Les juifs ont été victimes de persécutions et de violences tout au long de l’histoire européenne, en particulier du Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle. Cependant, dans certains pays européens, tels que les Pays-Bas (1581-1795), la Pologne-Lituanie (1569-1795) et durant la Renaissance italienne, dans les villes de Florence, Venise et Mantoue, les juifs ont bénéficié de périodes de relative tolérance religieuse. En effet, ils étaient autorisés à pratiquer leur religion et à gérer leurs propres affaires. Cependant, même dans ces cas, des restrictions et des discriminations ont souvent été imposées aux minorités religieuses.
Mis à part les pays mentionnés ci-dessus ainsi que quelques périodes favorables aux juifs, ces derniers ont subi une discrimination systématique, des persécutions, des expulsions ainsi que des violences dans la plupart des pays européens depuis le Moyen Âge. Les rois, souvent motivés par l’appât du gain, ont régulièrement expulsé les juifs de leurs terres, les privant ainsi de leurs droits fondamentaux et les contraignant à vivre dans des ghettos. Les juifs ont aussi été fréquemment utilisés comme boucs émissaires durant les épidémies et les grandes crises économiques.
Quelques exemples marquants de cette discrimination et de ces persécutions.
Pour commencer par le Vatican, celui-ci a souvent entretenu avec les juifs une relation complexe et tumultueuse. En effet, certains papes ont adopté à leur égard des positions controversées, contribuant à renforcer les idées erronées quant à leur rôle dans la mort de Jésus-Christ, encourageant et renforçant ainsi la discrimination et les restrictions, tels les ghettos. Cependant, il est important de souligner qu’en revanche, d’autres papes, notamment ceux du XXe siècle, ont pris des positions plus favorables en faveur du dialogue interreligieux et de la réconciliation avec le peuple juif.
La première croisade en 1096 a marqué le début d’une violence généralisée contre les juifs en Europe, victimes de pillages et de meurtres perpétrés par les croisés. Ces violences étaient motivées par la fausse croyance – déjà mentionnée – selon laquelle les juifs étaient responsables de la mort de Jésus. Cette violence a contribué à renforcer les préjugés et les discriminations contre les juifs qui ont persisté durant des siècles.
En France, les rois Philippe IV le Bel (1285-1314) et Charles VI (1380-1422) ont confisqué les biens des juifs et les ont expulsés du royaume. Ceux qui restaient, une petite communauté dénommée les juifs du pape, vivaient jusqu’en 1791 dans le Comtat Venaissin et à Avignon, enfermés dans des « carrières », sous la surveillance du pape. Ils étaient maintenus dans des conditions humiliantes, l’objectif de cette surveillance n’étant pas simplement de protéger la communauté, mais aussi de la garder comme « peuple témoin » de la crucifixion de Jésus. Après la Révolution française, en 1790, les juifs ont été autorisés à revenir en France. Depuis, la communauté juive française joue un rôle important dans la vie culturelle, économique et sociale du pays.
En Angleterre, en 1290, le roi Édouard Ier a ordonné l’expulsion des juifs, confisquant leurs biens et les forçant à quitter le pays. Cette expulsion a marqué le début d’une longue période de discrimination et de persécution contre les juifs en Angleterre, qui a duré pendant des siècles.
En Allemagne, les juifs ont été victimes de persécutions et de discrimination avant même le XXe siècle. Ainsi, durant le Moyen Âge, des lois réglementaient la vie de leur communauté et limitaient leurs droits et leurs activités économiques, les excluant souvent de certaines professions et les soumettant à des impôts supplémentaires. Pendant la Réforme, les dirigeants protestants, eux aussi, les ont souvent expulsés, tandis que les catholiques ont toléré leur présence. Bien que l’émancipation des juifs ait débuté au XVIIIe siècle, elle s’est déroulée de manière lente et inégale.
En Suisse, au début des années 1290, les juifs ont été injustement accusés de meurtres rituels et de la propagation de la peste noire. Cela a conduit à l’expulsion de plusieurs communautés juives du pays à partir de 1349.
L’Espagne musulmane médiévale (711-1492), quant à elle, a connu une période de coexistence pacifique entre musulmans, chrétiens et juifs, connue sous le nom de « Convivencia ». Cependant, cette période de tolérance a pris fin avec la Reconquista chrétienne en 1492, ce qui a entraîné l’expulsion des juifs et des musulmans. Certains ont été accueillis par les Ottomans musulmans.
À partir du XIXe siècle, la situation des juifs a commencé à s’améliorer dans certaines parties de l’Europe occidentale, notamment en France, en Angleterre et en Allemagne. Des émancipations ont été mises en place dans ces pays, permettant aux juifs de devenir des citoyens à part entière et de participer pleinement à la vie politique et économique. Cependant, l’antisémitisme persistait parmi certaines populations européennes. Cet état de fait s’est manifesté de manière flagrante dans l’affaire Dreyfus qui a débuté en 1894 et qui a divisé la France en deux camps : les dreyfusards, représentant les libéraux, et les antidreyfusards, représentant l’extrême droite et les groupes racistes et antisémites. Après cet épisode, les lois discriminatoires ont été progressivement abolies et les juifs ont commencé à bénéficier de certains droits civiques, tels que le droit de vote et le droit de s’installer là où ils le souhaitaient.
Les juifs d’Europe centrale et orientale ont été, à leur tour, victimes de discriminations et de persécutions tout au long de leur histoire et régulièrement attaqués lors de pogroms. Cependant, la situation s’est intensifiée après l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881, provoquant une vague de pogroms dans l’Empire russe et les territoires environnants. De plus, les juifs ont été contraints de vivre dans des ghettos insalubres et précaires, soumis à des restrictions économiques et à des discriminations légales, telles que les lois sur la résidence qui limitaient leur liberté de circulation. À la fin du XIXe siècle, la montée de l’antisémitisme a entraîné une migration importante des juifs vers l’ouest de l’Europe et l’Amérique et, en partie, vers la Palestine.
Entre les années trente et la Seconde Guerre mondiale, la situation des juifs en Europe s’est détériorée de manière significative. Les nazis ont mis en place une politique de discrimination rapide contre les juifs dans tous les pays qu’ils ont occupés, les ghettoïsant et déportant des millions d’entre eux dans des camps de concentration dans lesquels ils ont été exterminés. Les persécutions ont commencé en France peu de temps après l’arrivée des nazis en 1940, tandis qu’en Italie, elles ont débuté dès 1938, mais ont été moins sévères. Depuis la fin de la guerre, les juifs européens ont retrouvé leurs droits au complet en tant que citoyens européens. Cependant, l’Holocauste a eu un impact profond et durable sur la communauté juive en Europe et dans le monde. De ce fait, la lutte contre l’antisémitisme et la promotion de la tolérance et du respect de la diversité culturelle et religieuse restent des enjeux cruciaux aujourd’hui.
Il est important, à notre sens, de reconnaître que le comportement des individus ne dépend pas uniquement de leurs croyances religieuses. La théorie de l’apprentissage social soutient, en effet, que leur comportement est influencé, de manière plus large, par plusieurs facteurs, tels que leur expérience religieuse antérieure à leur conversion, leur histoire personnelle et l’environnement physique et social dans lequel ils évoluent.
Par Georges Élias Boustani