Au cœur des Cévennes gardoises, au Musée du Désert de Mialet, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, s’est vu remettre un bas-relief en bronze, réalisé par l’artiste néerlandaise Jip Wijngaarden
Comme une Assemblée œcuménique ! En présence de personnalités catholiques, protestantes, juives et laïques, et devant des dizaines d’anonymes, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, était de retour au Musée du Désert, près de Mialet, ce dimanche 4 juin, onze ans après sa dernière venue. Cela, pour un instant solennel. L’artiste Jip Wijngaarden devait lui remettre l’une de ses œuvres.
Il s’agit d’un bronze inspiré d’une peinture que cette Hollandaise, domiciliée aujourd’hui à Saint-Sébastien-d’Aigrefeuille, a imaginée en 2010. « Cette idée est née de moi, mais aussi de toute une équipe », confie-t-elle modestement à l’assistance, avant de laisser la parole au pasteur Joël Trefcon. Lui relate alors « la proximité avec le peuple juif » qui caractérise Jip Wijngaarden, marquée durant son enfance par le journal d’Anne Frank. D’un labeur attaqué il y a quelques mois, est alors né, dit-il, « un témoignage durable d’amitié et de soutien, sous la forme d’un bas-relief », pour inviter tout un chacun « à se tenir aux côtés du peuple juif face à la recrudescence des actes antisémites ». Et d’ajouter : « C’est la communauté chrétienne qui offre ce cadeau à la communauté juive de France »
Le Mas Soubeyran, « terre de refuge
« Ici, au musée du Désert, nous sommes sur une terre de refuge », dit l’historien Patrick Cabanel, au moment d’évoquer la plaque qui avait été inaugurée en 2012. Une cérémonie à laquelle avait alors assisté le grand rabbin Haïm Korsia, pour immortaliser ce qu’il s’était passé, ici même, le 6 septembre 1942. Ce jour-là, lors d’une Assemblée autour de Marc Boegner, qui était président de la Fédération protestante de France, s’était produit « un tournant dans le sauvetage des juifs ». Quelque 550 d’entre eux ont pu être cachés dans les Cévennes jusqu’à la Libération. Ils étaient venus au Mas Soubeyran, en cars, depuis la région marseillaise et, le soir, n’étaient pas retournés chez eux, évitant ainsi d’être victimes d’une rafle survenue quelques jours plus tard. Pour Patrick Cabanel, il s’agit de « l’histoire du salut, de l’aide, du sauvetage d’une minorité, les juifs, par une autre minorité, les protestants ».
Sous l’ombre des arbres du Mas Soubeyran, l’artiste néerlandaise revient ensuite sur la genèse de son œuvre : « J’ai entendu une petite voix, comme une bise légère, qui me disait de la donner au grand rabbin de France, en tant que représentant du peuple juif. Pas en tant que moi, mais en tant que nous tous ! » Elle précise alors que cette réalisation renvoie à un verset de la Bible. « Il y a des déportés représentés, la voie ferrée et un village sans fenêtre », détaille-t-elle. « Et le prophète qui sonne le shofar. Qui dit : détourne-toi et regarde, car il y a, là, quelque chose qui ne tourne pas rond.
C’est plus qu’un cadeau, c’est un engagement », dit l’artiste
Au moment de dévoiler son bronze et de le remettre au grand rabbin Haïm Korsia, Jip Wijngaarden invite tout le monde à se lever et déclare : « C’est plus qu’un cadeau, c’est un engagement que l’on prend »
Le représentant de la communauté juive tricolore entre en scène, parle de « mouvement des cœurs » et évoque « la force de ce lieu ». Au public présent, il assure qu' »une émotion réelle (l’)étreint que vous ne pouvez voir derrière mes lunettes de soleil. Mais, sans elles, je ne vois rien » Haïm Korsia compare le Mas Soubeyran au « jardin d’Eden » et rejoint les propos tenus, plus tôt, par le pasteur Joël Trefcon : « Ceux qui sont là le sont au nom de tous. L’ensemble de la société est ici représenté. »
Haïm Korsia termine en sonnant le shofar
Sa prise de parole s’achève par une citation de l’écrivain Elie Wiesel : « Il disait que l’inverse de l’amour n’est pas la haine, c’est l’indifférence. Et vous avez réalisé, ici, le refus de l’indifférence. » Un moment de grâce et de plénitude s’ensuit lorsque le grand rabbin de France ferme le ban en sonnant le shofar et fait ainsi le lien avec le bas-relief offert aux juifs. »,