La psychologue pour enfants qui vit son métier avec passion critique l’éducation dite «positive» et ne craint pas de poser des limites.
C’est elle, la mère Fouettard ? D’autoproclamés gentils veulent faire de Caroline Goldman la méchante parce qu’elle critique, sans prendre de gants, les défenseurs de l’éducation dite «positive», c’est-à-dire (très) permissive, et qu’elle pointe la logique commerciale qui va avec. Psychologue clinicienne pour enfants d’inspiration psychanalytique, Caroline Goldman est favorable aux limites éducatives et au time out. Cela consiste à envoyer l’enfant qui dépasse les bornes dans sa chambre pour qu’il se calme, et pour que les parents se calment peut-être aussi, par la même occasion. Daniel Marcelli, professeur émérite de pédopsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, a rencontré Goldman dans son service : «C’est une personnalité passionnée et pugnace. Elle a été bien formée et elle appuie ses propos sur une pratique. En ce qui concerne le time out, tout est affaire de gradation. Des parents cinglés qui attachent leur enfant au radiateur ou qui le mettent dans le placard, j’en ai vu.» S’opposent à Caroline Goldman des militants qui tiennent à bout de gaffe la psychanalyse et dont la chef de file s’appelle Isabelle Filliozat, conférencière et papesse de l’éducation bienveillante. A la tête d’une petite entreprise, cette dernière propose aux parents des coachings et des stages.
Goldman voit ses podcasts écoutés par 2 millions de personnes et a écrit File dans ta chambre ! (Interéditions, 2020). Filliozat est l’autrice de Fais-toi confiance (Lattès, 2005), slogan du développement personnel. Deux titres, deux ambiances. Goldman dit de Filliozat : «Elle se débat avec ses propres démons et les projette sur moi. Ces gens ne sont pas des soignants. On ne peut pas leur reprocher de vouloir secourir l’enfance malheureuse, c’est à saluer. Mais moi, je ne m’autoriserais pas à défendre la cordonnerie demain.»
Militante à sa façon, Caroline Goldman n’y va pas avec le dos de la cuiller. Elle dégage de la force, même physiquement : crinière ondulée en liberté domptée, rire sonore, regard droit, elle montre les formes d’une «féminité puissante» : «Pas pour asservir mais dans le sens où je ne m’excuse pas d’être une fille. J’assume. J’adore transmettre cette féminité à mes filles, d’ailleurs.» Installé au rez-de-chaussée de sa maison de Montrouge, son cabinet donne sur une verdure chaotique. Caroline Goldman est titulaire d’une thèse de psychopathologie de l’enfant. Elle a travaillé en institution et depuis dix-sept ans, elle consulte en libéral. Le tarif est affiché dans la salle d’attente : 70 euros l’heure, «et je ne fais pas payer certains patients». Nous avons une heure et demie devant nous. Ensuite Caroline Goldman prend un train avec ses quatre enfants pour rejoindre, dans le sud de la France, son frère, producteur de musique, et sa sœur, pédiatre. Tous les trois sont les enfants de Jean-Jacques Goldman, qui en a six en tout. Caroline est l’aînée, celle à laquelle la star s’adressait dans Comme toi. Caroline avait 8 ans. A sa naissance, son père et sa mère avaient 23 ans, Goldman n’était pas encore célèbre.
Inutile d’essayer de tenter de poser à sa fille des questions sur le chanteur : elle dresse les limites, comme son père, champion de la discrétion. Sa mère était psychologue pour enfants en crèche et en protection maternelle et infantile. «J’ai grandi auprès de parents et de grands-parents très doux. C’était un environnement assez idéal. Je le percevais déjà ainsi à l’époque.» Ils habitaient Montrouge, où Jean-Jacques Goldman et sa femme ont grandi également. Comme son père, Caroline fut scout ; elle n’a pas tellement apprécié cette expérience. Scolarisée dans le public puis, à partir de la seconde, à l’Ecole alsacienne, elle ne s’est pas mise pour autant à fréquenter d’autres enfants de vedettes : «J’avais une vie de petite banlieusarde, mes parents fuyaient le monde du show-business.» Elle précise avec malice : «Isabelle Filliozat aussi était à l’Ecole alsacienne.»
Caroline Goldman assume penser beaucoup de bien de cet établissement privé, contrairement à d’autres : «J’ai vécu mon arrivée comme un choc thermique. Les attitudes des profs, des élèves et des familles n’avaient rien à voir avec le public. Elles étaient plus respectueuses, plus intellectuelles.» Elle qui était en échec scolaire s’est petit à petit «épanouie en classe». Mauvaise élève, elle s’imaginait un parcours bref après le bac. Elle a commencé des études de communication où un module de «psycho-socio» l’a happée : «Je me suis inscrite en psychologie à la fac. Je pleurais d’émotion en rédigeant mes fiches. J’avais l’impression de rencontrer un monde qui parlait ma langue puisque j’avais baigné dans cet axe de perception du monde qu’est l’exploration de l’inconscient. Mon stage de M1 m’a convertie à la clinique : j’aime résoudre des conflits.» Son frère Michaël le confirme : «Caroline est psy depuis qu’elle est bébé. Elle adore comprendre les interactions, les relations. Toute la famille est plutôt douée pour ça, mais de là à en faire un métier…» La psychologue répète souvent le mot «passion» et exhale quelque chose d’excessif et de maîtrisé à la fois. Elle «adore» : les enfants, la musique (elle joue du piano), la cuisine, l’amitié, et le pédiatre et psychanalyste Donald Winnicott, dont elle «dévore» les écrits : «Je n’ai plus le temps pour lire des romans, mais les patients sont devenus les romans que je ne lis plus.» Elle a néanmoins lu Feu (Fayard, 2021) de Maria Pourchet : «J’ai adoré. On est en feu en le lisant.» Elle écoute «tout le temps» de la musique, surtout du Chopin, y compris quand elle court, avec ses amies : «On fugue de notre vie de famille. Cela fait quand même dix-sept ans que je suis au service volontaire de mes enfants merveilleux.» Le plus jeune a 7 ans.
Caroline Goldman commence ses consultations à 11 heures et les arrête à 16 h 20 pour aller le chercher à l’école. Les attaques qui la visent dans les journaux, sur Instagram et Twitter les font «rire» : «Je suis une mère cool. Je ne fais jamais de problèmes avec les notes ou les sorties. Je les élève dans une grande liberté, comme j’ai été élevée, mais je ne rigole pas du tout avec la bienséance ni avec la discipline nécessaire pour honorer des engagements : on fait du sport, de la musique, et les devoirs. Tous mes enfants sont allés au conservatoire. Les auditions et les compétitions sont formatrices. La vie doit être une fête, mais avec l’extincteur sur l’épaule.» Caroline Goldman, dont on ne saura rien des options politiques, n’est pas mariée avec le père de ses enfants qu’elle a rencontré il y a une trentaine d’années. Il est entrepreneur dans le domaine de la généalogie successorale : «Encore une histoire de famille.» De quelles qualités est-elle douée, selon elle ? «Je suis aimante, rieuse, autonome, très forte au Scrabble. Maintenant, mes défauts : je manifeste parfois trop d’intensité. Dans ces moments-là, il faut me dire : “Vas-y mollo”». Un coup d’extincteur et tout rentre dans l’ordre.
29 décembre 1975 Naissance à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)
2007 Soutenance de sa thèse de psychopathologie de l’enfant à Paris-V
2020 File dans ta chambre ! (Interéditions)
2022 Début de ses podcasts
2023 Bataille avec Isabelle Filliozat, défenseuse de la bienveillance éducative