Jean-Charles Naouri, le PDG du groupe Casino, avait été placé en garde à vue ce jeudi 1er juin 2023, dans le cadre d’une enquête pour manipulation de cours et délit d’initié. Cette garde à vue intervient alors que le groupe en difficultés financières doit renégocier sa dette avec ses créanciers afin d’assurer son avenir. Elle a été levée jeudi soir, vers 22h, sans charges retenues à ce stade contre lui.
Jean-Charles Naouri, PDG de Casino, a été placé en garde à vue. L’inspecteur des finances et normalien de 74 ans est auditionné par la brigade financière, a-t-on appris de source proche du dossier, confirmant une information du JDD.
Pour l’heure, pas de commentaires du côté du groupe. Contactée, l’avocate de Jean-Charles Naouri, Me Marie-Alix Canu-Bernard, n’a pas donné suite. Sollicité, Me Sébastien Schapira, qui le représente aussi, n’était pas joignable dans l’immédiat. Quant au groupe Casino, sollicité par l’AFP, il n’a pas fait de commentaire. En Bourse, son action perdait 4,85% à 5,30 euros vers 13h10, dans un marché en hausse de 0,63%.
Cours de bourse : signalement de l’AMF
La garde à vue de Jean-Charles Naouri s’inscrit dans le cadre d’une enquête visant Casino depuis le 5 février 2020 des faits de « manipulation de cours en bande organisée, corruption privée active et passive » et « délit d’initié commis courant 2018 et 2019 », avait indiqué en mars le Parquet national financier (PNF).
Le PNF avait précisé que l’enquête, qui fait suite à un signalement de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a trait au cours de Bourse de la société « durant cette période ». En mai 2022, des enquêteurs de l’AMF s’étaient rendus au siège du groupe ainsi qu’au domicile de Jean-Charles Naouri.
Dans sa récente documentation financière, Casino indique que cette enquête « dérive d’une instance engagée à l’encontre d’un ancien consultant du groupe Casino » et précise que le groupe comme « les dirigeants concernés contestent formellement ces allégations et ont engagé tous les recours nécessaires ».
Des liens avec Nicolas Miguet ?
Selon deux sources proches du dossier, cette enquête concernerait les liens de Jean-Claude Naouri et du groupe Casino avec le patron de presse Nicolas Miguet. Cet homme d’affaires et patron de presse, connu pour sa carrière politique en tant que dirigeant du parti Rassemblement des contribuables français (RCF), a été condamné à plusieurs reprises par l’Autorité des marchés financiers (AMF) notamment de faits de manipulation de cours.
Selon plusieurs médias, les enquêteurs suspectent une possible collusion entre Casino et Nicolas Miguet qui aurait pu être payé par Casino pour défendre son cours de Bourse.
Groupe Casino, en procédure de conciliation
Cette garde à vue intervient alors que le groupe Casino, qui ne parvient pas à réduire suffisamment son important endettement, est entré la semaine dernière en procédure de conciliation. Cette procédure amiable, décidée par le tribunal de commerce de Paris, doit permettre à l’entreprise de conclure un accord avec ses créanciers en vue d’une potentielle restructuration de sa dette.
La dette nette du distributeur stéphanois et de sa maison mère Rallye dépasse les 9 milliards d’euros au 31 décembre 2022, contre 7,88 milliards un an plus tôt. La dette nette logée chez Rallye est de 2,8 milliards d’euros, celle chez Casino, de 6,4 milliards d’euros.
Parallèlement à l’ouverture de l’entrée en conciliation, Casino a annoncé le 26 mai dernier un accord avec Intermarché pour la cession de plus d’une centaine de points de vente comprenant des hypermarchés, des supermarchés et des enseignes de proximité et représentant au total 1,15 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Une cession qui reste soumise à l’accord des instances représentatives du personnel et des autorités.
Un groupe très convoité
Malgré cette écrasante dette, le groupe Casino suscite des convoitises, de la part du milliardaire Daniel Kretinsky ainsi que du groupe de distribution Teract, dont l’actionnaire majoritaire est le géant de l’agroalimentaire InVivo. Le premier, déjà actionnaire à hauteur de 10% de Casino, a proposé le 24 avril d’injecter 750 millions d’euros dans le groupe via une augmentation de capital de plus d’un milliard d’euros.
Le second, surtout présent aujourd’hui dans le secteur de la jardinerie (Gamm Vert, Jardiland, Boulangeries Louise…), est entré il y a plusieurs mois en discussion avec Casino pour intégrer l’activité française du distributeur.
Moez-Alexandre Zouari, directeur général de Teract, a tendu la main à Daniel Kretinsky et appelé à travailler de concert au chevet du distributeur.
Quel avenir pour le dirigeant historique ?
Ces convoitises pourraient en tout cas se traduire à terme par la perte de contrôle de Casino par Jean-Charles Naouri, premier actionnaire depuis 1992 et PDG depuis 2005. Daniel Kretinsky avait toutefois précisé dans une interview au Point que le dirigeant historique « pourrait conserver une place éminente » au sein du groupe si son opération est menée à son terme. De son côté, Jean-Charles Naouri a fait modifier récemment les statuts de Rallye, société par laquelle il contrôle Casino, pour repousser l’âge limite de sa présidence de 75 à 78 ans.
Casino emploie plus de 50 000 personnes en France et 200 000 dans le monde sous de nombreuses enseignes dont Monoprix, Franprix ou Pao de Acucar au Brésil. En France, ses zones d’implantation se trouvent en Ile-de-France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Rhône-Alpes. Environ 2000 personnes travaillent à Saint-Etienne, ville historique du groupe.