Préfacé par le grand rabbin de France Haïm Korsia, le nouveau livre de la Conférence des évêques de France, « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien », entend devenir un outil pour passer de « l’enseignement du mépris à celui de fraternité ».
« Si, il y a cinquante ans, on avait dit qu’il y aurait un ouvrage pour déconstruire l’antijudaïsme chrétien, on ne l’aurait pas cru ! », s’exclame Moché Lewin, vice-président de la conférence des rabbins européens. Celui qui est également rabbin de la synagogue du Raincy (Seine-Saint-Denis) se tient, mardi 30 mai, aux côtés du père Christophe Le Sourt, directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme de l’Église de France. Les deux hommes sont réunis en conférence de presse au Fonds social juif unifié, dans le 5e arrondissement de Paris, pour présenter le nouveau livre de la Conférence des évêques de France, Déconstruire l’antijudaïsme chrétien (1).
Cet ouvrage entend devenir un « manuel simple et pédagogique » pour les diocèses. « Les juifs sont-ils responsables de la mort de Jésus ? », « Les chrétiens ont-ils pour mission de convertir les juifs ? » Dans ce livre de 150 pages, le directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme et son équipe ont rassemblé vingt « mythes » à l’origine de l’hostilité chrétienne envers les juifs.
Parmi eux, deux préjugés fondamentaux : la question du peuple déicide, qui aurait tué Jésus ; et celle de la « substitution », qui relègue le judaïsme au statut de relique du passé, remplacée par le Nouveau Testament. Chaque « cliché » – posé sous forme de question au début de chaque chapitre – est démonté. L’argumentation s’appuie sur des passages de la Bible et de la Torah, ainsi que sur les travaux des comités épiscopaux et conseils pontificaux réalisés depuis soixante ans sur la relation entre judaïsme et christianisme, réalisés depuis soixante ans.
Une préface de Haïm Korsia
Loin d’écrire une nouvelle Nostra Aetate (la déclaration du concile Vatican II sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, publié en 1965, NDLR), cet ouvrage s’inscrit plutôt dans le « cheminement de la relation entre judaïsme et christianisme ».
Le livre, préfacé par Haïm Korsia, grand rabbin de France, et accompagné de l’avant-propos de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, fait suite à la déclaration des évêques de France du 1er février 2021, qui exhortait « les catholiques, mais également tous leurs concitoyens, à lutter énergiquement contre toute forme d’antisémitisme politique et religieux ». À cette déclaration, l’équipe du service national a voulu apporter une réponse pratique. « Si la lutte contre l’antijudaïsme et l’antisémitisme doit passer par des actes solennels », il faut aussi, écrit Mgr Éric de Moulins-Beaufort, « travailler les cœurs et les esprits de tous ».
L’antijudaïsme, terreau de l’antisémitisme
Car à l’origine de cette déclaration de février 2021, c’est une note d’interpellation du Service national pour les relations avec le judaïsme qui s’alarmait de la montée de l’antisémitisme en Europe. L’antisémitisme se distingue, certes, de l’antijudaïsme qui, pour sa part, n’est pas revenu de manière récurrente, admet le père Christophe Le Sourt. Mais il n’en reste pas moins que « l’antijudaïsme a été le terreau de l’antisémitisme, et que, par conséquent, il ne faut pas permettre aujourd’hui son développement chez les chrétiens ». Destiné au plus grand nombre, ce « manuel » devrait, selon le souhait de ses rédacteurs, pouvoir prendre place sur les étagères des établissements scolaires catholiques, des séminaires et des paroisses.
(1) Déconstruire l’antijudaïsme chrétien, Éditions du Cerf, 18 €.
Alix Champlon