Une nouvelle affaire d’erreur lors d’une fécondation in vitro agite le pays. Le ministère de la Santé tente d’éteindre l’incendie.
Y a-t-il quelque chose de détraqué au royaume israélien de la fécondation in vitro (FIV) ? Rappel : il y a huit mois, un scandale avait bouleversé le pays. Alors qu’elle était enceinte de plus de sept mois à la suite d’une FIV, une femme avait dû, avec son conjoint, se rendre à l’évidence : il y avait eu erreur lors de la transplantation de l’embryon. Les tests génétiques étaient formels : le fœtus n’avait aucun lien génétique avec la future mère ou son mari.
Et voilà que moins d’un an après une nouvelle affaire de ce genre s’invite à la une de l’actualité. Cette fois, il s’agit d’un enfant né fin 2018 après FIV et qui n’aurait aucun lien génétique avec son père. Là encore, la terrible découverte a été faite lors de tests génétiques effectués à l’étranger afin de déterminer l’origine de la maladie rare dont souffre l’enfant. Comme en octobre dernier, c’est la même chaîne de cliniques privées qui est pointée du doigt. Pour la première affaire, il s’agissait de l’hôpital Assuta à Rishon Lezion. Aujourd’hui, c’est l’hôpital Assuta de Tel-Aviv.
Au cœur de ce nouveau tourbillon médico-médiatique, trois parties se font face, avec chacune sa vérité : un couple traumatisé, un centre médical sur la défensive et un ministère de la Santé qui tente d’éteindre l’incendie. L’époux, tout d’abord. Interrogé à la télévision, il dit tout de son désarroi et de celui de sa compagne : « Depuis que nous avons découvert que je n’étais pas le père biologique de notre fils, notre monde s’est écroulé. Il n’y a plus de nuits, plus de jours, juste plus rien. » Et, dans la foulée, il révèle un détail troublant lors du traitement dans l’unité de FIV d’Assuta-Tel-Aviv : les deux coups de téléphone reçus dans la même journée concernant son don de sperme. Lors du premier coup de fil, on lui annonce une mauvaise nouvelle : nous n’avons pas trouvé de spermatozoïdes. Quelques heures plus tard, second appel, et là, les médecins lui disent qu’ils ont bel et bien trouvé des spermatozoïdes. On lui parle même d’un « véritable miracle ».
Sans ajouter quoi que ce soit à ce sujet, il passe à la réaction des responsables d’Assuta-Tel-Aviv lorsqu’il est venu leur annoncer que, selon des tests génétiques effectués à l’étranger, il n’était pas le père biologique de l’enfant aujourd’hui âgé de plus de 4 ans. Quand il demande ce qu’il en est du deuxième enfant, né là encore par FIV et dans la même clinique : « Suis-je son père biologique ou non ? » « Le médecin a baissé les yeux et m’a dit qu’effectivement il n’était pas mon fils biologique. » Plus grave encore : « Assuta, accuse-t-il, a voulu nous empêcher d’en informer le ministère de la Santé en nous proposant de régler l’affaire via des négociations entre avocats. »
Deux fronts pour le ministère
Des allégations totalement rejetées par la direction de la clinique. Elle affirme avoir insisté auprès du couple pour qu’il soit accompagné par un avocat dans le cadre d’une enquête approfondie menée au sein de l’unité. Cela étant, Assuta rejette toute erreur médicale de sa part en insistant sur le fait que, les tests génétiques effectués en Allemagne n’étant pas valables en Israël, le couple s’est vu proposer de les refaire dans le pays, « ce qu’ils ont refusé ». « Faux, répond l’avocate du couple. Ces parents n’ont aucun problème à ce sujet. Ils sont prêts à subir de nouveaux tests de paternité en Israël… »
Et le ministère de la Santé dans tout cela ? Eh bien, il agit sur deux fronts : en premier contre Assuta, qu’il accuse d’avoir enfreint toutes les procédures habituelles en ne l’informant pas de l’affaire. Il rejette également les arguments avancés par la clinique à ce sujet : « Si nous n’avons pas informé le ministère, c’est parce que notre enquête n’en était qu’au tout début et que, par ailleurs, nous craignions pour le couple une atteinte à la vie privée et une violation du secret médical. » Aujourd’hui, les autorités envisagent de fermer l’unité de FIV de cette clinique.
Effet d’annonce destiné à apaiser les inquiétudes d’un public déboussolé ou réelle volonté de réguler et contrôler enfin un marché extrêmement lucratif ? Des interrogations légitimes quand on sait qu’à la différence d’il y a huit mois, quand se posait surtout la question de savoir à qui appartiendrait l’enfant à naître, transformant l’affaire en jugement de Salomon version 2022, le nouveau scandale porte plus largement sur les FIV dans le secteur privé, lequel a pris une place prépondérante dans ces traitements (un des leaders mondiaux en matière d’inséminations artificielles, Israël a enregistré en 2022 52 000 cycles de FIV, soit une hausse de 46 % en dix ans).
Face à cela, certaines langues se délient et mettent en cause l’absence de personnel supplémentaire alors que les demandes explosent. « Laborantins et embryologues sont souvent contraints de travailler la nuit pour faire face à la demande, ce qui augmente de facto la possibilité d’erreurs critiques, comme l’échange d’embryons, le mélange d’échantillons de sperme, etc. ». Selon d’autres sources, « la solution n’est pas dans le transfert aux hôpitaux publics, mais dans une vraie politique de régulation et de contrôle des procédures au sein des établissements privés, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent ». Alors, le temps du laisser-faire est-il révolu ? « Affirmatif », répond le ministère de la Santé. Pour les patientes en plein traitement pour une FIV, c’est surtout l’inquiétude qui domine.
Danièle Kriegel