Dans un entretien à « L’Express » en kiosques aujourd’hui, le ministre de l’Éducation Nationale annonce avoir demandé un audit concernant les élèves juifs contraints de fuir l’école publique dans certains quartiers.
Cette promesse ne date pas d’hier, et le phénomène que cet audit entend mesurer, encore moins. Un témoignage édifiant sur cette question nous a été livré en 2017 par Bernard Ravet, ancien proviseur dans deux établissements des quartiers Nord de Marseille. Dans son livre, ce hussard de la République raconte comment il a dû, un jour, à contre-cœur, dissuader la mère d’un enfant juif de scolariser son fils dans l’établissement qu’il dirigeait. « En l’état, justifiait Bernard Ravet, je n’aurai pas pu garantir la sécurité de cet adolescent dans mon collège sans aucune mixité, où certains sont chauffés à blanc, chaque soir, via les télévisions par satellite vouant aux gémonies Israël et les juifs. » Combien d’établissements, en France, n’offrent plus un cadre assez serein, ni même parfois un cadre assez sûr pour les élèves juifs ?
C’est justement l’état des lieux qu’a demandé Pap Ndiaye au conseil des sages de la laïcité
La France, bien sûr, n’a pas de statistique ethnique. Mais le ministre compte sur la méthode sociologique. C’est à dire, nous a-t-il précisé : « interroger les familles, les chefs d’établissement ; regarder l’évolution des effectifs des écoles juives, par exemple, de Seine-Saint-Denis ou du XIXe arrondissement de Paris » fin de citation. Franchement, cet état des lieux est une bonne nouvelle. Son idée ne date pas d’hier, puisqu’Emmanuel Macron l’avait publiquement demandé en février 2019. Je me souviens m’être déjà dit à l’époque que cet audit était nécessaire pour connaître l’ampleur du problème. Et je me souviens – aussi – avoir regretté que cette annonce ait été faite au dîner du CRIF.
Pourquoi ?
Parce qu’annoncer des mesures contre l’antisémitisme lors d’une événement communautaire, cela alimente l’idée que l’antisémitisme en France ne serait le problème que des Français juifs. De manière générale, je déteste cette façon qu’a la conversation publique de parler de « l’émotion des communautés » – par exemple, de « l’émotion de la communauté LGBT » après une agression homophobe. La fraternité républicaine ne connaît qu’une communauté, la communauté nationale. Découper les préoccupations en fonction d’une origine, ou d’une orientation sexuelle, c’est organiser l’indifférence, les « à quoi bon », les « chacun ses soucis ».
Ensuite, ne nous leurrons pas : la prégnance de l’antisémitisme dans ces établissements est toujours l’indicateur d’un mal plus général. Il signale qu’une norme islamiste virulente s’y est imposée, par la pression d’une minorité sur la majorité silencieuse. Cela veut dire que bien d’autres élèves, de toutes origines ou religions, sont pris au piège quotidien de la pression. Oui. Cet audit des établissements, qui n’a que trop tardé – et qui fait si peu parler – nous concerne tous.