À la fin des années 80, lors de fouilles d’un ancien bain public menées à Ashkelon, en Israël, des archéologues ont fait une sombre découverte. Dans des sous-sols construits au 4e siècle de notre ère gisaient les ossements de près de cent nourrissons, pour la plupart de sexe masculin, mélangés à des os d’animaux. Aujourd’hui encore, ces restes humains continuent de déconcerter les chercheurs.
Un ossuaire déconcertant
Ashkelon est une ancienne cité portuaire située sur la côte méditerranéenne dont l’occupation remonte à plusieurs milliers d’années. Sur place, les fouilles ont révélé une variété de vestiges archéologiques, notamment des bâtiments, des artefacts et des dépôts funéraires, offrant aux archéologues un aperçu de la vie quotidienne et des pratiques culturelles de différentes époques.
La découverte des ossements de nourrissons a été faite dans le cadre de recherches menées pour comprendre l’utilisation et la signification des bains publics à l’époque romaine tardive et byzantine. Ces bains publics étaient des structures importantes dans la vie urbaine de l’époque, servant à des activités de baignade, de détente et de sociabilité.
L’analyse de ces restes humains, mêlés à des restes d’animaux dans les égouts, a permis d’estimer le nombre de nourrissons à une centaine. La plupart de ces os étaient également intacts et toutes les parties des squelettes étaient représentées, suggérant que les nourrissons avaient probablement été jetés dans l’égout peu après leur mort. Ces analyses ont également révélé de l’oxyde de fer concentré dans la couche externe de l’émail immature en développement de ces bébés. Il pourrait s’agir des produits de dégradation de l’hémoglobine libérés par le saignement dans les tissus buccaux au moment du décès. Des produits de dégradation de l’hémoglobine ont déjà été identifiés dans la dentine des dents adultes, en particulier après asphyxie.
Ainsi, il apparaît que tous ces nourrissons ont été victimes d’infanticides (le grand volume de parties du corps suggérait qu’il ne s’agissait pas de mortinaissances). Cela étant dit, les raisons exactes pour lesquelles ces nourrissons ont été déposés dans les égouts des bains publics ne sont pas encore claires.
Quelles sont les hypothèses proposées ?
Les chercheurs ont proposé plusieurs idées pour expliquer ces découvertes troublantes. Certains suggèrent qu’il pourrait s’agir d’une pratique d’inhumation spécifique liée à des croyances ou rituels de l’époque. D’autres imaginent des raisons sanitaires, suggérant que les égouts auraient pu être utilisés comme un lieu d’enterrement pour les nourrissons décédés. Cependant, le fait que tous avaient à peu près le même âge au moment du décès ne semble pas s’accorder avec cette idée.
Il y a quelques années, une équipe de chercheurs avait également proposé que les bains publics auraient pu servir de lieu de prostitution et que les bébés retrouvés étaient la progéniture non désirée issue de ces activités. Cette hypothèse repose sur des considérations socioculturelles de l’époque, ainsi que sur des parallèles avec d’autres découvertes archéologiques. « Dans l’Empire romain, l’une des principales sources de prostitution était les enfants abandonnés qui avaient été sauvés et élevés pour travailler comme prostitués à un âge précoce« , avaient écrit les auteurs. « Nous pourrions imaginer que les courtisanes d’Ashkelon ont gardé et élevé de manière sélective certains de leurs descendants illégitimes (principalement les filles), tout en rejetant les autres. »
Cette explication a cependant été remise en question par l’historien John M. Riddle, de l’Université d’État de Caroline du Nord. Il rappelle en effet que des méthodes contraceptives étaient déjà utilisées à l’époque. « Les preuves littéraires classiques, médiévales et modernes sont pratiquement unies pour affirmer que les prostituées savaient quoi faire pour empêcher les grossesses à terme« , avait-il ajouté à l’époque. « Pourquoi les prostituées d’Ashkelon seraient-elles différentes ?« .
Ainsi, pour l’heure, personne ne sait vraiment pourquoi ces nourrissons ont été tués, puis jetés dans les égouts.