Mardi soir, le procureur a requis trois ans de prison, convaincu que l’islamologue est « coupable de viol » envers la plaignante « Brigitte ». Elle a longuement été interrogée, après l’appel à la barre d’un témoin de dernière minute, Dieudonné.
Le premier procureur de Genève a livré un réquisitoire précis et implacable à l’encontre de Tariq Ramadan, accusé de viol dans une chambre d’hôtel en octobre 2008. « La faute de monsieur Ramadan est lourde, il s’en est pris avec violence à l’intégrité sexuelle et à la liberté de sa victime, en profitant de l’aura dont il bénéficie », tranche le magistrat dans la soirée de mardi. Il conclut que la plaignante, qui se fait appeler « Brigitte » -un prénom d’emprunt- n’est « pas une menteuse ». Pour le ministère public suisse, « aucun doute suffisant ne vient renverser la version constante, crédible et cohérente de la victime ». Le procureur Adrian Holloway a requis trois ans de prison, dont dix-huit mois ferme, à l’encontre de l’islamologue âgé de 60 ans.
Au XXIe siècle, « on protège toutes les victimes »
Dans son costume-cravate sombre, le magistrat a passé plus d’une heure à feuilleter de gros classeurs gris et à étayer son raisonnement. Il lit tout haut les nombreux messages que “Brigitte” et Tariq Ramadan se sont échangés, avant et après la nuit du 28 octobre 2008. Le procureur avance qu’elle a été “une admiratrice inconditionnelle” du prédicateur star des années 2000, qu’elle a certes fait “du rentre-dedans”. Mais il clame que « le viol du XXIe siècle protège toutes les victimes, y compris celles qui font du rentre-dedans ». Et Adrian Holloway affirme que même si « Brigitte » a contacté Tariq Ramadan sur les réseaux sociaux, elle n’est venue rencontrer le théologien à l’hôtel “Mon repos” que « pour un échange intellectuel”.
À l’inverse, « pour monsieur Ramadan, le plan est clair, il veut des relations sexuelles ». Le magistrat accusateur retrace les jours qui ont précédé cette nuit-là. 24 messages Facebook de « Brigitte », 9 de Tariq Ramadan. Puis 20 messages MSN entre 11h08 et 12h07, ce 28 octobre-là. Elle rêve de prendre un café. Il lui demande son numéro de téléphone. Quand elle arrive à l’hôtel « Mon repos », après un dernier message à 22h49, elle croit qu’elle va le trouver accompagné d’autres fans, au terme d’une conférence genevoise. Il est en réalité seul dans sa chambre. « Elle ne monte pas », affirme le procureur. Alors, « il descend, il discute quarante minutes pour l’amadouer, puis il lui demande de l’aider à porter une planche et un fer à repasser ». Un stratagème, aux yeux de l’accusation. « C’était pour rassurer sa proie et une fois la porte de la chambre verrouillée, le piège s’est refermé”, tonne le procureur.
« Il l’a traitée comme un objet pendant des heures »
Le premier procureur martèle que Tariq Ramadan est “coupable de viol sur une femme qu’il a traitée comme un objet, pendant des heures”. Et si dans les jours et les semaines qui ont suivi cette « nuit de cauchemar », elle lui a écrit des « je t’aime », des « je rêve de t’embrasser”, le magistrat estime qu’elle voulait ainsi se « réparer », et que le théologien « redevienne l’homme qu’elle avait idéalisé ». Adrian Holloway rappelle que « Brigitte » a été suivie par deux psychiatres. Une semaine après les faits, le premier a noté sur sa feuille « viol, état de stress, rapport sexuel sans consentement ». Toutes les preuves sont là, aux yeux du ministère public. Il estime qu’il n’y a pas eu de « traquenard ». C’était la ligne de défense de Tariq Ramadan, qui n’a cessé de répéter qu’on avait voulu « le faire tomber », qu’il était la victime d’un complot d’accusatrices à partir de 2017, date à laquelle elles sont au total quatre à avoir porté plainte en France, en plus de « Brigitte » en Suisse.
Pendant que le procureur parle, on pourrait presque entendre des mouches voler. Il règne un impressionnant silence, ce qui n’a pas toujours été le cas depuis le début de ce procès. À peine quelques heures plus tôt, la salle d’audience était bien plus dissipée, quand s’est approché de la barre un témoin de moralité pour le moins surprenant : Dieudonné. C’est une étrange lettre anonyme, adressée il y a deux semaines au tribunal, qui avait soudain fait sortir du chapeau le nom de Dieudonné M’Bala M’Bala dans cette affaire Ramadan.
« Je crois en l’innocence de Tariq Ramadan », dit Dieudonné
Les deux hommes médiatiques se connaissent depuis longtemps. « Enfin, je l’ai croisé trois fois dans ma vie », avait tempéré l’islamologue sur son banc des prévenus. “Brigitte”, la plaignante, a elle aussi croisé Dieudonné lorsqu’elle était agent d’artistes. Dans son courrier, le dénonciateur mystère révélait qu’elle avait fait des confidences sur la fameuse nuit du 28 octobre 2008. Loin de se plaindre d’un viol, elle se serait vantée de sa relation intime avec Tariq Ramadan. Et Dieudonné a compris que « c’était un coup d’un soir ». À la barre, il vient donc venu dire qu’il est à « mille lieues d’imaginer une histoire de viol”. “Je crois en l’innocence de Tariq Ramadan”, clame Dieudonné. Cependant, quelques heures plus tard, le procureur Holloway balaye ces dires-là, estimant qu’ils ne valent rien.
Après Dieudonné, le tribunal entend donc « Brigitte », très longuement et très durement. “Brigitte” était arrivée au procès en se disant si « apeurée » qu’elle avait réclamé un paravent pour se protéger du regard de Tariq Ramadan. Mais ce mardi, durant plus de six heures, elle est interrogée comme si elle était accusée. Les trois juges du tribunal ont chacun le même ton sévère avec elle. Ils veulent qu’elle justifie sa plainte, dix ans après les agressions qu’elle dénonce. Ils exigent qu’elle donne tous les détails de sa nuit avec Tariq Ramadan. Elle raconte avec détachement « les coups sur la tête, les injures, et trois viols ».
« Brigitte » a eu peur de mourir étouffée
« Brigitte », 57 ans, essaye d’expliquer sa peur de mourir étouffée, sous la contrainte sexuelle. Elle reconnait « des pauses sans violence », pour expliquer pourquoi elle est volontairement restée dans le lit de Tariq Ramadan jusqu’au petit matin. Plusieurs fois, “Brigitte” semble s’emmêler dans ses réponses, ce qui a pu semer le doute. Elle finit par sangloter : “Je pensais que déposer plainte allait m’apaiser, je suis devenue invivable.” Son audition s’achève en laissant la salle perplexe.
C’est finalement au moment du réquisitoire du procureur, quand elle entend qu’il la croit victime, qu’elle se met vraiment à pleurer à chaudes larmes. Elle n’a plus de mouchoir en papier et s’essuie avec son pull. Face au magistrat accusateur, Tariq Ramadan, reste quant à lui impassible, jambes croisées. Puis il quitte le palais de justice de Genève sans un mot, entouré de son épouse et de leurs enfants. À la barre, madame Ramadan a livré un témoignage très digne, devant son mari. « En ce qui concerne l’infidélité, c’est une histoire de vie privée, elle nous regarde. Si on est là, ce n’est pas pour sa faute morale, c’est parce qu’il est accusé faussement de viol, et je suis en combat à ses côtés pour que son innocence soit reconnue. » Ce mercredi, le procès s’achèvera par les plaidoiries de la partie civile, puis celles des trois avocats de la défense. Le jugement sera rendu le 24 mai.
Par Sophie Parmentier
Dieudonné témoin de moralité au procès de Tariq Ramadan…..😂😂😂😂🤣🤣🤣🤣 wouah…