Le journaliste Gérard Eder signe aux Éditions Elkar un petit livre documentaire, où il répertorie avec minutie 156 gamins mis à l’abri des nazis par des institutions ou des particuliers du Pays basque.
Au début du mois d’avril, les Éditions Elkar publiaient « Enfants juifs protégés en Pays basque », par le journaliste Gérard Eder. Il a mené trois années de recherches, pour cet ouvrage solidement documenté sur ces enfants mis à l’abri par des institutions ou des familles basques, entre 1940 et 1945.
Au départ, il s’intéresse au hameau de Bascassan, où il vit, sur la commune d’Ahaxe. Mes petites filles me posaient beaucoup de questions sur Bascassan, j’ai fini par écrire un petit livre pour elles. » Sa voisine, Marie-José Salagoïty, conserve « pas mal de documents sur le village ». « Elle m’a raconté que ses grands-parents ont caché une petite fille juive, pendant la guerre. Il se trouve que les grands-parents de ma femme aussi. » Les premiers fils de la pelote : « Je me suis demandé si c’était des cas isolés… »
1 400 dossiers
Gérard Eder a gardé ses réflexes de reporter, à Londres pour la télévision britannique, puis pour « Sud Ouest ». « Je me suis mis à éplucher toute la documentation disponible sur le sujet. » Ses fouilles l’amènent à s’intéresser au préventorium d’Arbonne, qui accueillit en cure, entre 1922 et 1980, les enfants tuberculeux. « Par chance, les dossiers des petits pensionnaires ont été conservés. » Et l’Institut international pour la mémoire de la Shoah, Yad Vashem, a identifié 40 fillettes.
L’enquêteur compulse les 1 400 dossiers de gamins d’Arbonne, classés dans les archives départementales. « Il y avait 200 enfants et un gros turnover. J’ai trouvé une trentaine de fillettes en plus des 40 de Yad Vashem. » Il découvre aussi que 7 petites ont finalement été déportées. « Elles venaient de Paris et c’est à leur retour là-bas qu’elles ont été arrêtées. » Gérard Eder dédie son ouvrage à 21 enfants juifs « vivant au Pays basque ou ayant séjourné à Arbonne » déportés par les nazis. Douze le furent depuis le Pays basque.
Résistants
Gérard Eder présente au lecteur ces familles qui ont accueilli des enfants. Comme les Elichiry, des agriculteurs d’Ostabat « qui faisaient passer la ligne de démarcation ». « Souvent, vous aviez une fille d’ici, de la ferme, qui montait à Paris pour travailler. Elle se liait avec une famille juive. Quand la guerre éclatait, la fille proposait à la famille d’envoyer leur enfant au Pays basque. » Les instituteurs laïcs plaçaient aussi « des enfants nécessiteux » dans les fermes, chez des artisans. « Un grand nombre de ces enfants étaient juifs. »
Dans les institutions comme Arbonne ou le collège Saint-François de Mauléon, une grande partie du personnel était dans la Résistance. » Les « réseaux » orientaient les enfants vers des établissements amis. « Entre 20 et 25 % des Justes parmi les nations étaient des résistants », souligne Gérard Eder. Marguerite Schwab, directrice du préventorium d’Arbonne durant l’occupation, compte parmi ces personnes bienfaitrices.
L’auteur a consigné cette histoire « pour qu’elle ne se perde pas ». Son petit volume est précieux en ce qu’il répertorie de manière recoupée, avec la rigueur du journaliste et le souci de l’historien, 156 enfants juifs protégés au Pays basque. Et ceux qui les ont aidés.