Marie Vaislic-Rafalovitch a 14 ans quand elle est arrêtée devant chez elle à Toulouse et déportée au camp de femmes de Ravensbrück en Allemagne. Elle a témoigné de son histoire au Musée de la Résistance et de la Déportation ce 8 mai.
En 1944, Marie Vaislic-Rafalovitch a 14 ans. Elle est née à Toulouse et se souvient d’une enfance ordinaire et heureuse. « Mais étant d’une famille juive, mes parents à un moment donné ont commencé à ne plus pouvoir travailler. Puis il y a eu les lois juives et nous avons commencé à nous cacher ». Alors que la famille s’est éloignée de Toulouse, le père de Marie lui demande de passer à leur appartement de la rue Sainte-Catherine.
Le 24 juillet 1944, elle prend le bus puis le train et,arrivée chez elle, alors qu’elle discute avec un ami de son frère dans la cour, elle est interpelée par un milicien et un membre de la Gestapo. Marie a été dénoncée par un voisin. « Celui qui était de la milice m’a demandé si j’étais mademoiselle Rafalovich et moi comme une sotte je lui ai répondu : mais oui. Donc ça a été terminé à ce moment-là ».
Dénoncée et déportée à 14 ans
Encadrée par les deux hommes, Marie est emmenée à la Kommandantur allée Frédéric mistral. « Là on m’a un peu interrogée. Ils ont vu que je répondais n’importe quoi. J’ai eu de la chance parce que là beaucoup de personnes ont été torturées, ça n’a pas été mon cas ». Marie est transportée à la caserne Caffarelli où elle demeure une semaine avec des familles.
« La caserne était remplie de Juifs qu’ils avaient arrêtés. Comme il n’y avait plus de places dans les camps autour de Toulouse, on nous avait mis là. Comme les alliés avaient déjà débarqué en Normandie, on envoyait tous les soldats en Normandie, c’est pour cela qu’il y avait de la place dans cette caserne ». Marie est déportée en Allemagne au camp de femmes de Ravensbrück. Le train ne passe pas par Drancy où les prisonniers espèrent être libérés par les Alliés.
Une férocité atroce
La jeune adolescente est seule. « A Weimar, les portes des wagons se sont ouvertes : ça criait, ça hurlait. On a mis les hommes d’un côté et puis les femmes avec les enfants de l’autre. C’est là que pour la première fois j’ai vu les fameux chiens allemands qui étaient vraiment d’une férocité atroce. Ils avaient été dressés pour tuer. J’ai vu ce qu’ils pouvaient faire. Ils attaquaient les déportés à la gorge. C’était vite fait ».
Elle découvre l’univers des Kapos*, les appels interminables pour le décompte des prisonnières : « il fallait aller sur la place au centre du camp et on était toujours rangé par blocs, cinq par cinq. Il fallait rester là des heures entières sans bouger parce que les kapos comptaient et recomptaient. Il y avait des personnes décédées dans la nuit or il fallait que leur compte soit bon ». Elle échappe au travail forcé grâce à son jeune âge mais voit ses voisines de bloc, pour la plupart des résistantes au nazisme, être littéralement tuées par les conditions de travail. « J’ai vu arriver ces femmes en train de pleurer, de marcher difficilement, de raconter une journée extrêmement pénible. Je ne sais même pas si on leur avait donné à manger ou à boire ». Elle réalise alors qu’elle doit s’en sortir et faire le mieux qu’elle peut pour elle-même.
Bergen-Belsen, un mouroir
Ravensbrück est évacué quand les Alliés se rapprochent et Marie est transférée avec les autres détenues au camp de Bergen-Belsen, un mouroir dans lequel elle tombe malade. Les Britanniques découvrent avec horreur le camp. Mais Marie doit attendre encore quelques jours, le temps que les vainqueurs évaluent les possibilités d’évacuation en fonction de l’état de santé des prisonniers, femmes et enfants. Nombreux sont ceux qui continuent à mourir.
« Le 8 mai, j’étais déjà libéré. J’étais à Bergen. Nous avons été libérés le 15 avril 1945 par l’armée britannique, se souvient-elle. Il y avait beaucoup de personnes qui étaient malades, qui avaient la dysenterie, la tuberculose parce que dans le camp, il y avait tout ce que vous vouliez : des poux, des punaises, tout… Alors on est resté encore quelques jours dans le camp, ils voulaient voir les réactions et après il nous avait amenés à Bergen juste à côté dans des casernes de la Wehrmacht ».
Des camps rasés
Aujourd’hui, au Musée de la Résistance et de la Déportation, Marie Vaislic-Rafalovitch regrette que rien ne demeure ou presque du camp de Ravensbrück ni de celui de Bergen-Belsen.
« Comment les jeunes peuvent-ils s’imaginer ? Ce n’est pas possible. Ravensbrück, iI y a juste la porte un peu stylisée et les enceintes tout autour du camp. Il ne reste aucune des baraques, pas un morceau de bois, tout a été détruit » déplore-t-elle.
Elle estime qu’Auschwitz est le seul lieu de mémoire où l’on peut se rendre compte. D’où l’importance des témoignages pour les jeunes générations : « il faut qu’ils sachent, qu’eux fassent attention. C’est la première fois qu’on a essayé d’anéantir tout un peuple, tout le peuple juif. Tous ceux qui habitaient l’Europe de l’Est ont été anéantis. Il ne reste presque plus aucun Juif. Comment des gens soi-disant civilisés ont pu faire cela ? Comment les premières civilisations d’Europe ont pu faire des choses comme ça ? Pourquoi les tuer ? Pourquoi ? Parce qu’ils étaient juifs ? ça ne veut rien dire ! ».
*Kapos : détenus de droit commun chargés de commander les déportés ou les résistants.