Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, l’ancienne secrétaire d’État Rama Yade a défendu Gims après ses déclarations contestées sur l’Afrique et les pyramides. L’essayiste Fatiha Boudjahlat fustige une lecture démagogique et idéologique de l’histoire.
Dans une vidéo partagée sur Twitter, Rama Yade, ancienne secrétaire d’Etat et éphémère candidate à la présidentielle, a souhaité apporter son soutien au chanteur Gims, après une interview dans laquelle il expliquait que l’or en haut des pyramides en faisait des antennes et que les Égyptiens, partant, l’Afrique, avaient inventé l’électricité. EDF a même lancé une campagne sur cette sortie. Rama Yade parle du lynchage dont Gims aurait été victime. Non, il a été moqué parce que sa sortie était grotesque et fausse. Il ajoutait, autre exemple, que les premiers habitants et chevaliers européens étaient noirs avant d’être massacrés par les blancs venus d’Asie… Rama Yade lit avec naturel un texte. Son intervention est préparée, une affiche de son employeur américain, l’Atlantic Council, lobby atlantiste et multiculturaliste, et une image artistique de deux Africaines complètent le tableau et forcent le trait : Rama Yade est une Africaine pleine d’africanité. Et c’est en tant qu’Africaine qu’elle veut apporter son soutien à Gims. Elle parle de connexion du Congo, elle intervient pour que «leurs enfants ne rasent plus les murs et marchent la tête haute».
Message d’Amérique à @GIMS, en français : une vidéo Twitter un peu spéciale cette semaine #pyramides #egypte #cleopatre #jesuisgims pic.twitter.com/vggx9OCWhE
— Rama Yade 🌐 (@ramayade) May 2, 2023
La vérité historique ne l’intéresse pas, elle parle au nom de la justice, Gims a «juste voulu corriger une injustice et réparer les Africains dans leur dignité d’hommes». Ce n’est pas du «wokisme», qui n’existe pas nous dit-on, c’est de la justice sociale à laquelle les faits doivent se plier et devant laquelle les historiens doivent abjurer. Pas de science. Pas de faits. Chacun peut formuler sa vérité dans une entreprise de renarcissisation. Il faut réparer les Africains des préjudices que leurs ancêtres ont subis. Plagiant saint Paul, Rama Yade explique que dans les propos de Gims «ce n’est pas la lettre qui est importante mais l’esprit». Il dit n’importe quoi, mais son but est noble, sauver l’honneur d’un continent.
Personne ne sera dupe de l’opportunisme et de la démagogie de Rama Yade qui doit se faire pardonner son sarkozysme passé. Elle a le zèle des convertis, sa religion est le multiculturalisme de ses nouveaux employeurs. Elle participe désormais, comme Rokhaya Diallo, à la critique permanente de la France dont le modèle républicain et universaliste est un modèle à abattre pour les Américains. Rama Yade dit «Il n’y avait peut-être pas d’électricité en haut des pyramides mais il y avait mieux que ça», la bipédie, l’agriculture, l’artisanat seraient nés en Afrique. Non, l’agriculture puis la sédentarité sont apparues au Moyen-Orient. Ce n’est pas un concours, c’est la vérité historique.
Rama Yade parle des Pharaons comme le «couronnement du leadership africain»… Rama Yade remercie Netflix et son documentaire histoire consacré à Cléopâtre, un documentaire, pas une fiction, qui mettait en scène une Cléopâtre noire. C’est tellement révélateur de l’univers de décors de carton-pâte dans lequel elle baigne désormais. L’intersectionnalité trouve vite ses limites puisqu’un avocat égyptien a porté plainte contre Netflix. C’est comique : la très islamique Égypte aime l’argent du tourisme mais maltraite les descendants des Égyptiens de l’Antiquité, les Coptes. Elle minore tout ce qui est pré-islamique. Mais est vexée que l’on dise que les pharaons aient pu être noirs.
Cela prête à rire mais c’est sérieux. Des paillettes de Rama Yade au militantisme politique de l’identitaire Kemi Séba, il y a un continuum qui fait de l’ethnie l’identité absolue des individus, qui fait du passé un droit de créance à perpétuité et l’Europe ainsi que la France doivent payer. Un continuum qui présente le passé comme une opinion, et une opinion comme un fait indiscutable. Cela nous concerne, puisque des élèves ne tirent leurs informations et leur savoir que des réseaux sociaux et se mettent à croire que le Wakanda a vraiment existé. Ou alors qu’il aurait existé si l’Europe ne s’était pas emparée les richesses africaines. L’opinion, les valeurs sont présentées comme le prolongement de l’identité épidermique, elles sont donc incontestables. Les contredire est alors perçu comme de la violence comme une agression. Le «wokisme» est profondément nombriliste.
Notre attitude est à interroger. Dans la nouvelle doxa «progressiste» toutes les opinions sont respectables, toutes les opinions se valent puisqu’elles sont liées à l’identité. Il n’y a plus de frontière à tracer entre le souhait, le ressenti, l’opinion et le fait, historique, scientifique ou médical. Il ne faut pas cliver. Complotisme, souvent associé à l’antisémitisme, et révisionnisme historique, et nous devrions laisser dire et laisser faire, par peur d’être taxé de «facho» ou d’être accusé de harceler. On ne harcèle pas quand on dément un mensonge, on ne harcèle pas quand on pourfend une fiction présentée comme équivalente en valeur à la vérité historique forgée après un long travail d’archéologie, de paléographie, d’études de textes. Quand c’est faux il faut le dire. La fiction n’est pas la réalité. Rama Yade solde ses comptes avec la France. Avec l’intégrité et la vérité aussi.