Le ministre des Affaires étrangères israélien s’est rendu en Azerbaïdjan et au Turkménistan la semaine dernière, deux pays frontaliers de l’Iran. L’Etat hébreu avance ses pions en Asie centrale et lance ainsi un message aux responsables iraniens, qui menacent régulièrement l’Etat hébreu de « destruction ».
Les déclarations sont une chose, les actes en sont une autre. Mais lorsque le geste est joint à la parole, le message est encore plus clair. « Je suis venu ouvrir une ambassade israélienne à 17 km de la frontière avec l’Iran […] La relation avec le Turkménistan est d’une grande importance sécuritaire et politique, et cette visite renforcera la position de l’Etat d’Israël dans la région », déclarait Eli Cohen, ministre israélien des Affaires étrangères à Achgabat, capitale du Turkménistan, jeudi dernier.
C’était la première visite d’un ministre israélien des Affaires étrangères dans ce pays d’Asie centrale depuis celle de Shimon Pérès en 1994, un an après le début des relations diplomatiques entre les deux pays, consécutives au démantèlement de l’Union soviétique.
La veille, le ministre accompagné d’une vingtaine d’entreprises israéliennes, était sur l’autre rive de la mer Caspienne, à Bakou capitale de l’Azerbaïdjan, autre pays frontalier de l’Iran. Eli Cohen et le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, ont souligné dans un communiqué commun leurs « défis stratégiques régionaux communs, en particulier la sécurité régionale et la lutte contre le terrorisme ». Les relations diplomatiques entre Israël et l’Azerbaïdjan ont été établies en 1992, un an après l’indépendance de l’ancienne république soviétique.
Armes et pétrole
Israël ouvre son ambassade à Bakou dès 1993, le pays caucasien ne l’a fait qu’en mars dernier. A cette occasion, Eli Cohen déclarait : « J’ai convenu avec le ministre des Affaires étrangères, Djeyhoun Baïramov, de la constitution d’un front commun face à l’Iran. » Ce dernier n’a pas commenté. D’après le Stockholm International Peace Institute, Israël exporte des armes vers Bakou depuis 2005. De son côté, l’Azerbaïdjan assure un tiers des besoins en pétrole de l’Etat hébreu.
Ce dernier consolide donc sa place en Asie centrale et le fait de manière ostentatoire contre l’Iran, son principal ennemi, dont les responsables appellent régulièrement à sa destruction. Ainsi, le président iranien Ebrahim Raïssi, déclarait mercredi dernier lors de la Parade militaire annuelle qu’à « la moindre erreur commise » par Israël contre son pays, ce dernier répondra par la « destruction de Tel Aviv et Haïfa. » Une menace récurrente donc, mais qui prononcée le jour même de la commémoration de la Shoah en Israël prenait une dimension particulière.
Le lendemain, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, déclarait : « Au premier trimestre 2023, nous avons doublé le nombre d’attaques en Syrie. Nous portons atteinte systématiquement aux capacités et aux intérêts iraniens dans la région. Nous ne permettrons pas à l’Iran de mettre en place une armée syrienne qui transformera le Golan en Liban. » Ici, la nouveauté n’est pas dans le fait qu’Israël mène des attaques en Syrie car c’est un secret de polichinelle, mais dans le fait que ce soit revendiqué aussi clairement, de surcroît par le ministre de la Défense.
L’Azerbaïdjan et le Turkménistan, deux pays musulmans, pourraient-ils servir de base pour les avions israéliens en cas d’attaque contre l’Iran ? En tout cas, ils s’en défendent. Le Turkménistan tient à sa neutralité en général et les ventes d’armes à l’Azerbaïdjan n’impliquent pas nécessairement un accord militaire stratégique.
Catherine Dupeyron (Correspondante à Jérusalem)