Le Mémorial de la Shoah à Paris organise sa première exposition majeure sur l’utilisation de la musique dans les camps nazis. Plus de trois cents documents permettent d’explorer les différentes facettes de son utilisation, comme un instrument de contrôle ou source de résistance, notamment.
Première exposition d’ampleur sur cette thématique : le Mémorial de la Shoah à Paris explore toutes les facettes de l’usage de la musique dans les camps nazis, instrument de mise au pas ou souffle de résistance. « On a à peu près trois cents documents et objets qui viennent de Mémoriaux et fonds d’archives du monde entier, ce qui est unique car d’habitude chaque Mémorial fait son exposition avec ses propres sources », explique à l’AFP Élise Petit, commissaire de l’exposition qui s’ouvre jeudi 20 avril 2023, jusqu’au 24 février 2024.
De nombreuses archives mises en avant
Sont visibles certains instruments, comme cette contrebasse construite par des détenus dans le camp de Mauthausen, mais aussi des cahiers clandestins illustrés des prisonniers ou des photographies-souvenirs prises par des SS autour de la musique dans les camps.
« Les SS ont caché leurs activités dans les camps mais ont bizarrement conservé des albums-souvenirs dans des greniers, qui n’ont pas été montrés par les enfants, ni les petits-enfants. Mais maintenant les arrière-petits-enfants les donnent aux musées », détaille cette maîtresse de conférences en Histoire de la musique à Grenoble (est de la France).
Des casques audio livrent « des enregistrements par des survivants, des chansons de l’époque, et quelques créations, comme des marches militaires reconstituées ou une petite chanson de résistance », poursuit cette spécialiste de la musique sous le IIIe Reich et dans le système concentrationnaire nazi.
Différentes musiques, parfois sordides
L’exposition s’articule autour de lieux comme « les camps de concentration, les centres de mise à mort et des camps-antichambres, transitoires », détaille Élise Petit. La musique « contrainte » peut partir d’un commandant de camp « mélomane », comme à Buchenwald, et d’un « enjeu de prestige par rapport à ses collègues » : « montrer qu’on a le meilleur orchestre de détenus ».
Élise Petit raconte également ces « cérémonies d’accueil des nouveaux prisonniers sur une musique très ironique, cynique » et les « départs et retours » des travaux forcés au son d’une « musique très utilitaire, pour synchroniser les pas ». Ou encore « ces musiques jouées pour accompagner traitements cruels et punitions pour le plaisir sadique des SS ». « La musique n’a pas été jouée dans les chambres à gaz, mais aux alentours pour masquer les cris des victimes. »
Et puis il y a aussi cette « musique de résistance psychologique des prisonniers, ces moments de liberté dans les latrines sordides où les SS ne mettent pas les pieds, ces chansons-parodies pour tenter de se remonter le moral », conclut Élise Petit.