Rabbin Zalman Teboul de Bastia : « lors de Pessa’h, le cœur juif se réveille »

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Depuis trois ans, le jeune rabbin de 27 ans a créé, à Bastia, un centre communautaire pour redonner un élan à la communauté juive de la ville. Un lieu de rencontres, de prière et de solidarité qui s’avère déjà trop petit pour accueillir les membres de la communauté. Nous l’avons rencontré.

Au rez-de-chaussée du petit local du boulevard Giraud, le rabbin Chneor Zalman Teboul slalome entre les piles de cartons et les congélateurs, les bras chargés de nourriture. Depuis trois ans, c’est ici que se trouve le Beth Habad, le centre communautaire juif de la région bastiaise.

La fête de Pessa’h approche, et toute la communauté juive de la région bastiaise s’apprête à défiler ici pour s’approvisionner en produits casher afin de préparer comme il se doit la célébration qui va durer 8 jours, du 5 au 13 avril.

Mode de vie

Pessa’h, c’est la Pâque juive, explique le rabbin Zalman Teboul. « C’est la fête de la liberté. Cette fête, c’est un peu la naissance du peuple juif, le moment où il s’est libéré de l’esclavage en Egypte. C’était en l’an 2248 ». Le rabbin de 27 ans s’excuse et s’empare de son téléphone portable. Après quelques secondes de recherche, il se tourne de nouveau vers nous. « Ou en 1313 avant l’ère commune ». Ce que l’on appelle aussi 1313 avant Jésus-Christ.

« Pessa’h, c’est un moment de partage très important, pour toute la communauté ». Le responsable du centre bastiais réceptionne à la porte un autre colis de denrées casher, déposé par un livreur, et signe le reçu. A l’intérieur, des boite de Matsa, la galette ronde traditionnelle, qui est le met incontournable de la fête, et qui doit être consommé le premier soir de la fête, lors du premier Seder, le repas cérémonial.

« Le judaïsme, c’est un mode de vie », précise Zalman Teboul. « Beaucoup de personnes, qui ne sont pas religieuses, sont malgré tout attachées à Pessa’hLe cœur juif se réveille », sourit le rabbin. « Certains se rappellent de l’ambiance quand ils étaient enfants, de leur mère préparant le repas, et ils ont envie de revivre ça ».

Raviver la tradition

Le rabbin Chneor Zalman Teboul est arrivé en Corse durant l’été 2020, avec son épouse Haya. « Si nous sommes là, c’est grâce à Levi Pinson, le rabbin directeur, qui est à Ajaccio. C’est là que se trouve le centre du judaïsme corse. Depuis son arrivée sur l’île, en 2016, le rabbin Pinson a fait un travail formidable, qui a permis de réunir la communauté juive insulaire. Il s’occupait de l’ensemble de la Corse, et il nous a demandé si nous voulions venir à Bastia, pour être son relais en Haute-Corse. Nous avons fait un essai, on a vu le potentiel, et nous avons décidé de rester ».

Sur l’écran d’une grande télévision posée au sol passe en boucle un documentaire sur Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, le rabbi de Loubavitch. En face, son portrait, souriant, est accroché au mur. « Il était un homme incroyable. C’est un grand saint. Il est le chef de notre génération. Nous sommes ses Chlouh’im, ses émissaires à travers le monde ». 

Leur rôle, réunir la communauté juive autour de traditions parfois oubliées, et assurer la transmission aux nouvelles générations. « La flamme toujours demande qu’on s’occupe d’elle », assure le rabbin Chneor Zalman Teboul, en ajustant la manche de sa chemise blanche.

Avant l’arrivée de Levi Pinson, durant de longues années, la communauté juive était dispersée, et vivait sa foi en toute discrétion. Aujourd’hui, il existe trois Beth Habad, à Ajaccio, Porto-Vecchio et Bastia. Ici, on peut acheter des produits casher qu’il était jusque là très difficile de trouver, mais il y a bien plus.

Une cantine casher a été créée pour accueillir les enfants scolarisés dans les établissements voisins, des cours sont dispensés aux adultes, hommes et femmes, le Talmud Torah enseigne le Judaïsme aux enfants. Et, bien sûr, les offices s’y déroulent lors des Chabbat.

« Quand je suis arrivé, il y a trois ans, j’aurais eu du mal à imaginer que le Beth Habad serait aussi bien accueilli », reconnaît Chneor Zalman Teboul.

Quand on lui demande comment se sont passées ses premières semaines dans une ville qui n’avait pas vraiment l’habitude de croiser un homme en tenue de rabbin, longue barbe, chemise blanche, costume et large chapeau noirs, il sourit : « au début, voir un rabbin, ça pouvait surprendre, mais il n’y avait aucune hostilité, juste une curiosité. J’aurais eu la même réaction à leur place, mais au fil du temps, on créé des liens, on parle, on se découvre, et les gens sont accueillants ». 

Préserver

La vie du rabbin Zalman Teboul est toute entière dévouée à la religion, depuis sa naissance, à Lyon, il y a 27 ans« J’ai suivi des études juives. A l’adolescence, il n’y avait pas d’école adaptée à Lyon, et je suis parti à Brunoy, dans l’Essonne, dans une école rabbinique. C’était un internat, et j’y ai passé des années en or, dans une ambiance magnifique ».

C’est ensuite à Morristown, dans le New-Jersey, qu’il va parfaire sa formation, avant de partir en Argentine durant un an, pour enseigner, à son tour, aux plus jeunes. A son retour en France, il fait la rencontre de Haya, sa future épouse.

Dans la communauté des Habad Loubavitch, rien ne se fait au hasard, en matière de mariage. Il n’est pas question de mariages arrangés, explique le rabbin. Tout se fait au sein de la communauté, par le biais d’un ‘ »intermédiaire », qui met l’homme et la femme en relation. « Ensuite on se rencontre, et on voit si l’on est compatibles, si on voit les choses de la même manière, si l’on s’entend. C’est le plus important. Ensuite viennent les sentiments, par eux-mêmes ». 

Et si l’un et l’autre ne se plaisent pas, si cela ne « matche pas », comme dit Zalman Teboul, « c’est un intermédiaire qui transmet l’information, pour ne pas vexer l’autre. Regardez comme c’est beau la Torah ! »

Grandir

Aujourd’hui, le rabbin Chneor Zalman Teboul aimerait rassembler plus de membres encore de la communauté juive, qu’il est impossible de quantifier. Mais le premier objectif, c’est de quitter le local du boulevard Giraud. « C’est devenu trop petit… De plus en plus de personnes nous rejoignent pour les fêtes, et c’est difficile de trouver de la place pour tout le monde. Mais pour le grand Seder, mercredi, on se serrera un peu, ce n’est pas grave. On sera bien, ce sera la joie, et c’est ce qu’on cherche. La chaleur humaine »

Écrit par Sébastien Bonifay