La déscolarisation d’un enfant atteint de TDAH et les plaintes dont il a fait l’objet discréditent la prise en charge par l’école des enfants en situation de handicap.
Éducation nationale face à une impasse ? Après l’exclusion d’un élève hyperactif de son école à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines) et les plaintes de plusieurs parents d’élèves auprès de la justice se pose la question de l’effectivité de l’« école inclusive » que l’institution dit appeler de ses vœux. En cause : les agissements d’Arthur, 8 ans, élève de CE1 à l’école Henry-Dunant. Atteint de TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), le petit garçon « perturb[ait] sa classe » et « s’en pren[ait] physiquement à ses camarades », rapportent nos confrères du Parisien. Au moins cinq plaintes ont ainsi été déposées depuis février pour « non-assistance à personne en danger » contre la direction des services départementaux de l’institution (DSDEN), l’inspecteur académique chargé de la circonscription. Une main courante a été déposée contre le petit garçon.
« On se rend compte que nos enfants ont plus de deux cents heures de retard sur le programme scolaire parce que cet élève crie, casse des choses, menace les autres et empêche tout le monde de travailler, relate la mère d’un élève dans les colonnes du Parisien. Mon fils a peur d’aller en classe. […] Il faut que les institutions bougent ! Est-ce qu’il faut attendre un drame pour agir ? »
« L’ensemble des dispositifs d’aide a été déployé et mis en œuvre au sein de l’école, ce qui n’a pas permis d’apaiser le comportement de cet élève », précisera au Point l’académie de Versailles. En l’espèce, il s’agit d’une équipe d’appui aux enseignants composée d’enseignants spécialisés et de deux accompagnants à temps complet (AESH), dont un a démissionné et l’autre est en arrêt de travail.
Un droit fondamental
Selon Nicolas Eglin, président de la FNASEPH (Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap), aussi « triste » soit cette situation, « pour tous les acteurs » et en particulier « la famille et l’enfant lui-même », elle relève surtout l’ « échec » et « en dit long sur l’accueil aujourd’hui réservé aux élèves en situation de handicap » : « Cette histoire vient nous rappeler combien l’école inclusive reste à construire », explique-t-il au Point.
Et pour cause, si l’inclusion scolaire de ces enfants est reconnue comme un droit fondamental par la loi sur le handicap et l’égalité des chances depuis 2005, la situation se révèle bien plus laborieuse sur le terrain. Certes, les dernières années ont compté des avancées – parmi lesquelles la mise en place d’un module obligatoire de vingt-cinq heures dans la formation initiale des enseignants ou la création d’équipes mobiles d’appui à la scolarisation, faisant un pont entre Éducation nationale et monde médico-social.
Mais des difficultés persistantes sont régulièrement pointées du doigt. En premier lieu desquelles le manque d’AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap), comme le soulignait encore la médiatrice de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti-Bizot, dans son dernier rapport du 25 juillet 2022.
Si aucun texte ne conditionne la scolarisation des 430 000 élèves en situation de handicap que compte l’Éducation nationale à l’aide d’accompagnants, leur soutien se révèle, très majoritairement, indispensable. Ainsi, Caroline Boudet, dont la petite fille de 8 ans, Louise, porteuse de trisomie 21, est scolarisée en CP en dispositif Ulis (un système d’organisation adaptée au sein d’un établissement ordinaire), se rappelle : « Lorsque l’AESH de ma fille est partie en arrêt maladie et que l’académie m’a répondu qu’elle ne serait pas remplacée, je me suis demandée : Que fait l’institution ? Depuis, ce sont les enseignants qui gèrent, c’est forcément plus compliqué… »
« Je perds espoir »
Bien qu’en hausse de 35 % depuis 2017, nombre de ces précieux guides du quotidien manquent encore à l’appel. « Les enseignants craquent, les parents craquent, les élèves eux-mêmes craquent… Moi-même, je perds espoir lorsque je vois ce que l’on met derrière le terme “inclusion” », souffle la quadragénaire, pour qui la situation relève plutôt de l « intégration » : « On accepte l’enfant avec un handicap, mais on ne met pas forcément en œuvre les adaptations nécessaires à sa réussite. Or la promesse de l’école inclusive est une école qui s’adapte aux besoins de l’enfant, pas l’inverse. »
Ainsi n’est-il pas rare qu’un enfant au cours de sa scolarité en établissement ordinaire se retrouve orienté vers le secteur médico-social. Soit dans une voie – après les AESH et/ou les unités localisées Ulis – sortant du giron de l’Éducation nationale. « Un petit discours monte selon lequel l’inclusion à l’école ne marcherait pas si bien que cela », regrette ainsi Caroline Boudet, en référence aux propos tenus par le ministère de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, le 8 novembre 2022 (« Tous les enfants ne peuvent pas être en milieu ordinaire ») et qui ont provoqué la consternation des associations.
« Tant de fois on m’a dit, sous le couvert de la bienveillance, que Louise serait peut-être mieux avec des enfants “comme elle”. Mais vivre avec des personnes qui ne nous ressemblent pas est positif pour tout le monde : cela développe l’émulation des enfants en situation de handicap et l’empathie des autres, qui seront les adultes de demain », fait valoir cette dernière. Un vœu pieux ? « C’est là un monde idéal, il faudrait encore que les conditions soient réunies et ce n’est, pour l’heure, pas le cas… »
Logique préventive
« Il faut anticiper, être dans une logique préventive, cela demande des moyens », insiste Nicolas Eglin, de la FNASEPH, qui plaide pour une augmentation du nombre d’AESH, pour leur revalorisation mais aussi pour la présence d’acteurs du médico-social prépositionnés au sein même des établissements pour intervenir en cas de besoin. La situation du petit Arthur – « une mise à l’index », selon le président d’association – « témoignait déjà d’une situation très tendue », regrette-t-il. « Jamais nous n’aurions dû en arriver là… »