La société de production de l’humoriste Dieudonné est visée par une enquête du fisc. Il est soupçonné d’avoir organisé un système d’échappement à l’impôt en déclarant, notamment, de fausses pertes. L’ampleur de la fraude serait telle qu’un “service d’élite” du fisc est sur l’affaire.
Nouvelle année, nouvelle affaire Dieudonné. Cette fois, l’humoriste de 57 ans, également chef de dizaines d’entreprises, aura bientôt des comptes à rendre au fisc. L’organisme chargé du contrôle des impôts le soupçonne d’avoir élaboré un système de détournement de fonds, d’abus de biens sociaux et de montages pour échapper à l’impôt, selon les informations de Libération. C’est sa société de production, Les Productions de la plume, qui est dans le viseur de l’administration fiscale.
Alors que l’humoriste a déclaré une perte de 200.000 euros entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019, la société aurait en réalité engrangé 1,5 million d’euros de bénéfice avant impôt. Or, en déclarant des pertes, Dieudonné Mbala Mbala aurait échappé à l’impôt. Et cela pourrait lui coûter cher : en cas de condamnation, il encourt 600.000 euros d’amende.
D’après les soupçons de l’administration fiscale et de son entourage, l’humoriste multi-condamné, notamment pour antisémitisme, n’en est pas à son coup d’essai. Son ex-compagne Noémie Montagne, qui a quitté le domicile conjugal avec ses quatre enfants en 2018, a porté plainte contre lui pour “escroquerie” et “harcèlement”. L’humoriste l’avait placée en charge de la gestion de ses entreprises, sans pour autant lui donner le moindre pouvoir. Il était en réalité celui qui chapeautait les opérations, d’après les révélations de Libération. “Il s’est servi de moi, confiait-elle au quotidien. J’étais un fusible.” Des accusations qui recoupent la décision de la cour d’appel de Paris.
Une opération “fantaisiste”
Pour mieux comprendre, la procédure de Dieudonné serait toujours la même : placer un proche à la tête de ses entreprises, jusqu’à se faire pincer par l’administration fiscale et recommencer. Comme avec sa société Bonnie Productions, provenant du prénom de sa première fille, radiée du greffe de Paris en 2016 et remplacée par Les Productions de la plume, aujourd’hui dans le viseur du fisc.
En tout, l’humoriste aurait escamoté plus d’un million d’euros dans l’affaire. Son système reposant sur deux banales lignes de compte : la première est une “provision pour risque sur perquisition” de 535.083 euros et la deuxième une ”provision pour impôts non déductibles” de 474.427 euros d’après les documents du fisc consultés par Libération. En d’autres termes, l’humoriste tentait d’échapper à l’impôt en prévoyant de payer un rappel pour avoir préalablement déduit des impôts… qui ne sont pas déductibles ! L’opération semble grossièrement ficelée, même “fantaisiste”, et c’est justement ce que pointe le fisc.
Il est par ailleurs reproché à Dieudonné des monceaux de dépenses faites au nom de l’entreprise sans aucun justificatif pour le seul exercice 2018-2019. Si 37.000 euros semblent correspondre à des besoins professionnels, 65.774,27 euros de factures sont a priori jugés “non engagés dans l’intérêt de la société” par l’administration. Dans les documents, les services de recouvrement ont mis la main sur des dizaines de “charges correspondant à des dépenses de nature personnelle”, à l’instar de billets d’avion, de nuits d’hôtel, de vêtements ou encore de courses alimentaires.
Vers une procédure pénale ?
Il lui est aussi reproché la non-justification d’un contrat de prestation conclu avec la société L’Esprit de la forêt à hauteur de 362.799,99 euros. Une société de prestations de services dépêchée pour organiser ses spectacles, du moins en apparence, elle aussi contrôlée par Dieudonné via l’intermédiaire de son ex-compagne. Un comble alors que sa société Les Productions de la plume “gère et organise” déjà tous les aspects techniques de ses spectacles.