Plusieurs ex-proches de l’humoriste multicondamné remettent en cause la sincérité des excuses de l’histrion. Qui, dans son délire complotiste, espérerait en recueillir les fruits en pouvant à nouveau se produire dans de grandes salles de spectacle, notamment pour son show avec Francis Lalanne.
«Moi, cette histoire de demande de pardon à la communauté juive, je n’y crois pas une seconde», affirme à Libération Hervé Houdemont. Ce Breton à la carrure imposante et à la barbe fournie a été pendant une quinzaine d’années l’homme à tout faire de Dieudonné. Celui qui le conduit. Qui joue la doublure pour les tests d’éclairage de ses spectacles. Qui fait parfois office de garde du corps. Un homme que l’humoriste antisémite appelle non sans une certaine emphase «mon frère». Cette pseudo-fraternité qui unit les deux individus, Hervé Houdemont a décidé d’y mettre fin mi-janvier, écœuré par les «magouilles», les «petites combines» et surtout les «mensonges» de Dieudonné.
Attablé à la terrasse d’un café rennais début mars, Hervé Houdemont, 47 ans, parle librement et sans gêne de son aventure avec Dieudonné, au point d’attirer les regards curieux des autres clients attablés sous un soleil clément pour la saison. Devant son café allongé, il raconte à Libé les quinze ans qu’il a passés au côté de l’humoriste multicondamné. «Au début, je croyais sincèrement qu’il n’était pas antisémite mais je pense qu’il l’est devenu : il est anti-tout ce qui ne va pas dans le sens de ses intérêts», juge-t-il.
«Gouroutique et sectaire»
Entre deux rires tonitruants, Hervé Houdemont explique avoir été d’abord un fan du duo formé avec Elie Semoun. Puis de Dieudonné seul après la séparation. Il aidait bénévolement avant d’être intégré plus étroitement à l’équipe, au point de devenir un maillon essentiel du «système Dieudo» que ce «repenti» décrit désormais comme «gouroutique et sectaire». C’est par exemple à lui que l’histrion a confié les rênes de Jungle party, un parc pour enfants installé en Eure-et-Loir lancé fin 2022 et dont l’activité avait «bien démarré». Hervé Houdemont y a investi sur ses fonds propres mais, lassé des coups fourrés, il a décidé récemment de claquer la porte.
Un des derniers dérapages nauséabonds de Dieudonné a pesé dans sa décision. A la mi-janvier, dans les pages d’un tabloïd israélien proche de l’extrême droite, l’ancien acolyte d’Elie Semoun se livrait à un étonnant mea culpa en direction de la communauté juive assurant «demander pardon» pour ses multiples saillies haineuses dont bon nombre l’ont conduit devant les tribunaux. «Je tiens également à demander pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive, avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère», dit-il notamment dans cette lettre ouverte. «Surenchère», le mot est faible de la part d’un homme qui a par exemple fait monter sur la scène du Zénith de Paris en 2008 le négationniste Robert Faurisson. Ou encore déploré que le journaliste Patrick Cohen n’ait pas été exterminé lors de la Shoah…
Des propriétaires de salles trompés
Cette étonnante association entre Dieudonné et un journal israélien s’est faite par l’entremise de Francis Lalanne, affirme Hervé Houdemont, qui a assisté aux tractations en coulisses. L’ancien chanteur devenu une figure du complotisme hexagonal doit d’ailleurs bientôt se produire sur scène avec Dieudonné pour un spectacle intitulé la Cage aux fous. Une resucée de l’expérience avortée du show Foutu pour foutu que Dieudonné entendait organiser avec un Jean-Marie Bigard qui, s’il avait acquiescé à cette idée dans l’entre-soi d’un repas festif, n’a finalement pas donné suite… L’humoriste antisémite a bien lancé ce spectacle qu’il joue actuellement, seul. A près de 40 euros la place, il n’y a pas de raison de se priver. Quand bien même la réservation de salles en trompant le propriétaire, comme l’en accuse une gérante de Rennes, est en passe de lui attirer de nouveaux ennuis avec la justice.
Bigard out, Dieudonné s’est donc rabattu sur l’inénarrable chanteur aux cuissardes. Le binôme a déjà prétendu avoir réservé le Cirque d’hiver à Paris pour le 7 avril prochain, information bien vite démentie par la direction de la célèbre salle de spectacle. Pis, Francis Lalanne a annoncé dans l’émission Touche pas à mon poste de Cyril Hanouna qu’ils comptaient se rendre au camp d’extermination d’Auschwitz pour «faire la prière des morts», censée n’être prononcée que par des croyants de la communauté juive. Contacté, le chanteur confirme que ce «voyage à Auschwitz aura bien lieu au printemps, ainsi que d’autres allant dans le même sens». Idem pour Dieudonné, via son avocat maître Emmanuel Ludot. Nouvelle provocation, que d’aucuns jugeront sans doute motivée par l’antisémitisme.
«Juste pour faire de l’argent»
De nombreuses personnalités du monde du spectacle, et notamment l’ancien acolyte de Dieudonné, Elie Semoun, ont fait part de leur scepticisme quant à la réalité et la sincérité de ce mea culpa. Pour Hervé Houdemont, la question est tranchée. «Avec cette demande de pardon, Dieudonné espère pouvoir recommencer à faire des grandes salles, des Zénith, l’Olympia…» juge-t-il. Selon lui, Dieudonné serait persuadé que la communauté juive, supposée toute puissante, l’empêche de faire du business et que s’il arrive à faire croire à la sincérité de ses excuses, tout rentrera dans l’ordre. Voire, assure Hervé Houdemont, que «s’il se met les juifs dans la poche, il échappera à ses poursuites». Le conseil de Dieudonné, Me Ludot, affirme pour sa part que «sans doute des personnes physiques ou morales (sont) effrayées par la perspective du pardon (de son client) susceptible d’entraîner la disparition d’un ennemi confessionnel».
Un autre proche de Dieudonné tient le même discours. «Il n’y croit pas une seconde, explique cette source. C’est juste pour faire de l’argent.» Et de nous présenter un SMS que lui a envoyé Dieudonné : «En 2024 je ferai un spectacle qui va cartonner (deux millions de chiffre d’affaires).» En tirant sur sa cigarette électronique, Hervé Houdemont tranche : «Je veux dire à Dieudo : si tu veux te faire pardonner, il doit y avoir la justice avant car tu as fait du mal à beaucoup de gens.»
Des stratagèmes pour duper les salles de spectacle
«La salle avait été louée via Internet par une société nommée Kamdo et pour la représentation d’un spectacle intitulé le Joker» censé se dérouler le 3 mars, raconte à «Libération» la mairie de Courbevoie (Hauts-de-Seine), encore indignée de ces méthodes. Et pour cause : derrière cette mystérieuse boîte de production se cachait en réalité Dieudonné qui, se sachant grillé, est prêt à tout pour produire son show la Cage aux fous en duo avec Francis Lalanne. Quitte à tromper son monde. C’était sans compter la vigilance de la municipalité, qui gère l’espace en question, et du maire Jacques Kossowski (LR) qui a immédiatement pris un arrêté interdisant la représentation et soulignant «le caractère antisémite» du pseudo-comique. La police attendait donc sur place. Le même stratagème avait été employé une semaine plus tôt près de Rennes où, selon le propriétaire, Dieudonné a également réservé une salle en usant d’un faux nez. Mais il a cette fois réussi son coup. A quel prix ? Le parquet de Rennes a décidé d’ouvrir une information judiciaire pour «vérifier si des manœuvres éventuellement caractéristiques du délit d’escroquerie auraient pu être employées par les intervenants de [la] société» Kamdo, réservataire. Un nouveau front judiciaire qui s’ouvre pour Dieudonné ?
Le torchon opportuniste Israël Magazine a publié ses excuses minables – comme quoi certains juifs sont pires que les antisémites…