Le jour où Marcel Mangel devient le mime Marceau

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Marcel Mangel est né il y a cent ans, le 22 mars 1923 à Strasbourg. L’artiste, référence mondiale dans l’art du mime, a également été un résistant émérite. Son nom de scène, Marceau, puise ses origines dans la guerre, période dont il a très peu parlé.

Un hommage à Hugo

Réfugié dans le Limousin, le jeune Marcel Mangel n’a pas 20 ans lorsqu’il choisit de rejoindre la Résistance. En France, l’Occupation se fait de plus en plus impitoyable à l’égard des juifs dont plusieurs milliers sont raflés en zone libre pendant l’été 1942. Encouragé par son frère Simon et son cousin Georges Loinger, le jeune homme intègre les Francs-tireurs et partisans (FTP). Pour entrer dans la clandestinité, il doit se trouver un pseudonyme. Grand amateur de Victor Hugo, Marcel repense à ces vers des Châtiments évoquant les généraux des campagnes napoléoniennes d’Italie: « Et Joubert sur l’Adige / Et Marceau sur le Rhin! » « Comme j’étais né dans le Bas-Rhin, j’ai décidé de m’appeler Marcel Marceau », racontera-t-il plus tard. Ce nom ne le quittera plus.

Marcel est né à Strasbourg le 22 mars 1923, d’un père boucher de la communauté juive locale, grand amateur de chant lyrique, et d’une mère adorant les livres. Petit garçon, il est nourri des films des stars muettes de l’époque. Chaplin, Buster Keaton et les Marx Brothers plantent en lui la graine de la pantomime. En 1939, à la veille de la guerre, toute la famille quitte Strasbourg pour se réfugier en Haute-Vienne. En parallèle de ses cours au lycée de Limoges, Marcel est engagé comme moniteur de théâtre dans différentes maisons gérées par l’OSE, l’œuvre de secours aux enfants, venant en aide aux jeunes juifs cachés. Il intervient ainsi au château de Montintin ou à celui de Couret (Haute-Vienne) où sont accueillis des dizaines d’enfants menacés par les nazis. C’est là qu’Éva Tuchsznajder, jeune fille réfugiée, l’a croisé. Elle se souvient: « Un jour, Marcel Marceau, qui était alors un jeune garçon d’une vingtaine d’années aux cheveux bruns et bouclés, arriva au château. […] Le soir où il arriva, il nous joua une partie de L’Avare de Molière. Il était un rayon de soleil dans le flot de nos misères. »

Une rencontre décisive: le mime Étienne Decroux

Outre les cours qu’il dispense, Marceau a pour mission d’aider une partie des enfants à fuir vers la Suisse. L’histoire, reprise en 2020 dans le film américain Résistance, de Jonathan Jakubowicz, retraçant le parcours du jeune homme au cours de ces années noires, raconte qu’il usait de ses talents d’acteur et de conteur silencieux pour conforter ses petits protégés et s’assurer de leur calme durant le passage des frontières. C’est lors d’un de ces convoiements qu’il atterrit à Sèvre en banlieue parisienne, dans la maison tenue par la résistante et pédagogue Yvonne Hagnauer. Le jeune homme y restera quelques semaines, profitant de se trouver près de Paris pour s’inscrire aux cours de Charles Dullin puis de suivre l’enseignement du grand mime Étienne Decroux. Une rencontre décisive pour Marceau.

En février 1944, son père est arrêté dans sa boucherie à Limoges et déporté à Auschwitz. Il n’en reviendra jamais. La même année, Marcel s’engage dans l’armée du général de Lattre de Tassigny puis, une fois la guerre terminée, rejoint la compagnie Renaud- Barrault. La suite est connue. Marcel Marceau brillera au firmament des stars internationales de son époque. Par la suite, l’artiste évoquera très rarement la période de la guerre. En 1997, il confiait au quotidien Le Monde: « Les gens qui revenaient des camps ne pouvaient pas en parler, ne savaient pas comment raconter. Je m’appelle Mangel, j’ai des origines juives. Peut-être cela a-t-il compté dans le choix du silence, inconsciemment. » Un silence d’or.

L’actualité autour du mime Marceau

  • Un livre

Quelques années avant sa mort, Marcel Marceau avait confié à ses enfants un manuscrit dans lequel il relatait sa vie, de son enfance heureuse, à 1952. Le texte, qu’il souhaitait voir publier après sa mort, est agrémenté de lettres, photos, dessins et d’extraits de ses carnets personnels. Histoire de ma vie. De 1923 à 1952, de Marcel Marceau, éd. Actes sud, 39,90 €. Sortie le 5 avril 2023.

  • Une expo

« Le mime Marceau aurait cent ans » Du 4 avril au 2 juillet 2023, la cinémathèque de Toulouse, dépositrice des archives cinématographiques du mime, revisite l’oeuvre de celui qui se présentait sur scène le visage grimé de blanc, la bouche, déchirée d’un trait rouge et l’oeil charbonneux.

La Cinémathèque de Toulouse 69 rue du Taur – 31000 Toulouse 05 62 30 30 10 lacinemathequedetoulouse.com

  • Des timbres

Des timbres à l’effigie de Marcel Marceau sont mis en vente à partir du 20 mars pour fêter le centenaire de la naissance du mime.

par Sarah Petitbon

1 Comment

  1. J’ai connu le Mime Marceau après la guerre, enfant de déporté et cachée nous étions des petits enfants à Paris dont s’occupait l’organisation communiste l’UJRE et surtout la CCE Commission Centrale de l’enfance. Le Mime Marceau nous animait les après-midi quand nous n’avions pas école

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