Témoin de l’implantation de la communauté juive dans cette ville seinomarine et de l’occupation allemande, la synagogue d’Elbeuf a été choisie comme site emblématique de la Normandie pour l’édition 2023 du Loto du patrimoine. Les porteurs de projet souhaitent en faire un lieu culturel symbole de fraternité.
Elle a été sélectionnée aux côtés d’autres édifices religieux, d’un institut de biologie marine, ou encore d’une ancienne sucrerie. La synagogue d’Elbeuf, en Seine-Maritime, fait partie des 18 projets prioritaires – un par région métropolitaine et collectivité d’outre-mer – retenus pour cette sixième édition de la Mission patrimoine et dont la liste a été dévoilée jeudi 16 mars 2023.
« C’est une fierté de voir la reconnaissance de notre patrimoine. Notre but est d’éduquer les futures générations au vivre ensemble, car aujourd’hui, plus que jamais, il ne faut pas que l’on revive les années noires de notre belle France », réagit Nassim Lévy, président du consistoire régional des communautés juives de Normandie et président de l’association culturelle des amis de la synagogue d’Elbeuf, principale porteuse du projet aux côtés de la Ville.
Conserver les traces de l’antisémitisme pour ne pas oublier
Édifiée en 1909, la synagogue d’Elbeuf marque l’installation d’une communauté juive d’industriels alsaciens dans cette ville seinomarine après l’annexion de l’Alsace et la Moselle en 1871. Elle est aussi le témoin d’une période sombre de l’Histoire de France. Pendant l’occupation allemande, elle est ciblée par des actes antisémites dont elle porte encore les stigmates aujourd’hui. Sur la façade arrière du bâtiment, les étoiles jaunes peintes sur le mur à cette période sont toujours visibles.
Des stigmates que les porteurs du projet veulent conserver lors de la rénovation du bâtiment qui sera permise en partie par le Loto du patrimoine. « C’est important de les garder pour ne jamais revivre ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Sans mémoire, il n’y a pas d’histoire », souligne Nassim Lévy.
Un édifice délabré reconnu monument historique en 2009
Si la synagogue accueille quelques fidèles dans les années 1980, trop délabrée, elle ferme ses portes au public en 1995. En 2009, elle est reconnue monument historique. Une rénovation a lieu cinq ans plus tard, mais son état se dégrade et elle est envahie par les pigeons. Plus aucun office n’y a été célébré depuis des années en raison de la vétusté de l’édifice religieux.
La synagogue présente des défauts d’étanchéité, ses chéneaux sont encombrés et défaillants, altérant les maçonneries extérieures, des planchers se sont effondrés en raison de nombreuses infiltrations d’eaux pluviales, un escalier est condamné, etc.
« Quand je suis entré dans cette synagogue pour la première fois en 2018, j’ai eu la chair de poule. Je me suis dit qu’il fallait réagir« , se souvient Nassim Lévy. Des actions sont tentées, mais les années Covid mettent à mal les projets. Jusqu’à ce dépôt de dossier pour la Mission patrimoine 2023.
Des travaux estimés à 3,2 millions d’euros
L’association culturelle des amis de la synagogue d’Elbeuf, avec l’aide de l’architecte des monuments historiques Charlotte Hubert et de Jacques Klein, de la Maison sublime de Rouen, souhaitent que les travaux de restauration permettent la conservation de l’état de 1909 et respectent les dispositions du bâtiment au XXe siècle. « Un projet à 3, 2 millions d’euros« , précise Pierre Loue, délégué départemental de Seine-Maritime de la Fondation du patrimoine.
La Mission patrimoine, aidée de la Drac (direction régionale des affaires culturelles) de Normandie, devrait permettre de financer la première partie de cette rénovation qui porte sur les toits et les charpentes et dont le coût est estimé à 540 000 euros. « Pour le reste des travaux, le porteur de projet devra effectuer d’autres recherches de financement« , explique Pierre Loue. Les phases suivantes porteront sur la restauration des façades, de la salle de prière, de la bimah (table de lecture), des escaliers, ou encore de l’appartement du rabbin. Les travaux devraient durer trois ans et se terminer en 2027.
Un lieu plus culturel que cultuel
L’idée n’est pas que cette synagogue redevienne un lieu de culte, la communauté juive d’Elbeuf étant désormais peu importante. Cette rénovation s’inscrit dans un projet plus large : faire de ce monument un lieu d’activités culturelles pour la population d’Elbeuf et un des points de passage des touristes en Normandie, avec la Maison sublime, les autres synagogues de la région et les plages du débarquement.
« Je veux que la synagogue d’Elbeuf devienne le symbole de la fraternité pour les concitoyens de la République de toutes origines, qu’on soit tous unis, avec nos différences de croyance. Il y a de la place pour tout le monde, dans le respect mutuel. La diversité fait la richesse de la France. La fraternité est le plus beau cadeau que l’on puisse faire. » a déclaré Nassim Lévy.
L’objectif est ainsi de créer un musée du judaïsme, un atelier de calligraphie juive et arabe, et des spectacles de musique et de danse judéo-arabes dans la synagogue. « L’idée est de raconter ce qu’a été le judaïsme à Elbeuf en partant de la famille Simon qui s’y est installée dans les années 1820. On pourrait exploiter les archives de La fabrique des savoirs d’Elbeuf, nous avons beaucoup d’éléments historiques concernant l’arrivée des juifs et des protestants alsaciens dans les années 1870« , détaille Jacques Klein, historien de l’art et délégué de l’association la Maison sublime de Rouen. Une partie du musée sera aussi consacrée à la période de l’occupation, les juifs ayant été très touchés par la déportation en Normandie.
762 sites aidés depuis 2018
La Fondation du patrimoine annoncera la centaine d’autres sites (un par département et collectivité d’outre-mer) à la fin de l’été. Les tickets de loto seront en vente en septembre. Le montant des aides attribuées aux projets emblématiques sera, quant à lui, révélé lors des Journées européennes du patrimoine.
Depuis sa première édition en 2018, la Mission patrimoine a aidé 762 sites pour leurs travaux de restauration. En tout, 230 millions d’euros y ont été consacrés, dont 125 millions issus du Loto du patrimoine.
Les tissus Blin et Blin venaient de l’usine d’Elbeuf. Ils étaient distribué par Lalonde, rue Etienne Marcel à Paris. Dans les années 60, ils eurent un succès retentissant , même au Japon. Vérifiez. C’est aussi exact que tout ce que j’écris dans « Existences bouleversées » (Ed. BoD)